Dossier
Carencé, moi ? Jamais! (2/5)
Un manque de fer, magnésium, vitamine C... et nous voici soudain fatigués, stressés ou en panne d’énergie. Quel rôle jouent les vitamines, oligoéléments et sels minéraux indispensables à notre équilibre? Comment éviter les carences? Ce dossier vous donne des pistes pour optimiser vos réserves nutritionnelles grâce à l’alimentation, aux végétaux et à une supplémentation bien dosée.
Le rôle des micronutriments au quotidien
Sans valeur calorique, les vitamines contenues dans les aliments sont pourtant précieuses car elles contribuent à la construction de l’organisme et interviennent dans nombre de processus physiologiques, à condition d’être consommées en quantité suffisante. En effet, à l’exception des vitamines D et K, le corps est incapable de les fabriquer. Classées en treize familles, elles ont chacune une fonction spécifique. Ainsi, la vitamine A, d’origine animale (rétinol) ou végétale (caroténoïdes), joue un rôle important dans la santé de la peau et des muqueuses, la solidité des os, la croissance fœtale ainsi que la vision, notamment l’adaptation à l’obscurité. On la trouve dans les fruits et légumes jaune orangé, le beurre, les produits laitiers et poissons gras.
La vitamine C ou acide ascorbique, très antioxydante, renforce notamment les défenses immunitaires contre les infections. De plus, « par son action de synthèse du collagène, elle consolide les tissus du corps », complète Paul Dupont, médecin expert en endocrinologie et nutrition et créateur du laboratoire Oemine. Comme la vitamine C est hydrosoluble, on l’absorbe mieux dans sa forme naturelle et aqueuse au sein des légumes et des fruits frais : agrumes, acérola, cynorrhodon, kiwi, brocoli, persil, choux…
Quant à la vitamine E (tocophérols contenus dans les oléagineux et huiles végétales extraites à froid ou le pissenlit), elle protège avant tout les cellules du corps de l’oxydation, du vieillissement prématuré et prévient les maladies cardio-vasculaires.
Décrypter sa fatigue
Être à l’écoute des signaux d’alerte de son corps permet de détecter en amont des manques nutritionnels, souvent peu visibles dans les bilans sanguins. Une simple fatigue peut ainsi révéler « un déficit en fer, en magnésium, en sélénium, etc., qu’un médecin attentif saura identifier », souligne le Dr Paul Dupont. De la fatigue avec pâleur, essoufflement, vertige ou baisse de tension évoque par exemple une anémie liée à une insuffisance en fer. Une alimentation et des plantes riches en fer et vitamine C, telles le baobab et l’ortie, seront alors des alliées. Une fatigue accompagnée de céphalées, anxiété, tremblements musculaires, fourmillements aux extrémités, fait davantage suspecter un déficit de magnésium. Outre le cacao, les fruits secs, les céréales complètes et les légumineuses, certaines plantes tels le chénopode blanc et la mauve sylvestre constituent également de bonnes sources de magnésium.
Le cocktail de nutriments pour une bonne immunité
Selon le Dr Curtay, nutrithérapeute, on a tout intérêt, en hiver, à miser sur les nutriments suivants.
- La vitamine D, qui intervient dans la différenciation des globules blancs.
- La vitamine C, antioxydante et protectrice des cellules immunitaires.
- Le zinc, pour augmenter le taux d’anticorps.
- La glutamine et la cystéine, deux acides aminés indispensables pour nourrir et activer les globules blancs.
Les vitamines du groupe B, réparties en huit micronutriments différents, jouent toutes un rôle de régulateur énergétique et calorique en favorisant le métabolisme des glucides, lipides et protéines, selon Paul Dupont. Outre ces caractéristiques communes, la vitamine B1 (thiamine, dans la levure de bière, les germes de céréales, les pommes de terre) agit sur le système nerveux sympathique contre le stress, tandis que la B5...
(acide pantothénique des champignons, œufs, céréales complètes germées), ingrédient récurrent des fortifiants capillaires, favorise aussi la santé de la peau. On évoque l’action indispensable des vitamines B12 (cobalamine contenue dans la spiruline, l’œuf, les viandes et poissons) et B9 (folates présents dans les légumineuses, épinards et légumes à feuilles vert foncé…), en particulier pour les femmes enceintes, car toutes deux interviennent dans la multiplication des cellules et de l’ADN. Donnée aux nourrissons de façon systématique, car ils n’ont pas encore assez de bactéries intestinales pour la générer eux-mêmes, la vitamine K tient un rôle clé dans la coagulation sanguine et le métabolisme des os. On la trouve dans les crucifères, légumes verts et salades comme la chicorée (lire page ci-contre) ou les feuilles de framboisier.
Enfin la vitamine D (poissons gras, champignons, jaune d’œuf…), tout aussi essentielle, se comporte en réalité comme une hormone : « Elle est fabriquée par la peau sous l’effet des ultraviolets du soleil et elle a la capacité d’agir à distance sur les différents organes du corps, tous réceptifs à la vitamine D », décrypte Paul Dupont. Ce qui explique son rôle multiple et son intérêt autant dans la préservation de l’immunité et de la croissance osseuse que dans la lutte contre les maladies auto-immunes, la dépression, les inflammations…
Si les vitamines sont vitales pour notre santé, nous avons aussi besoin de sels minéraux – dont le calcium, magnésium, sodium, potassium, phosphore… – et, dans une proportion moindre, d’oligoéléments (fer, fluor, cuivre, zinc, sélénium, manganèse…). Paul Dupont, auteur de Les Oligoéléments et Sels minéraux (éd. Clara Fama), explique que « les besoins en oligoéléments sont environ un millier de fois plus faibles que ceux en sels minéraux ». D’ailleurs, notre corps recèle davantage de sels minéraux que d’oligoéléments, 1 kilo de calcium ou de phosphore contre quelques grammes de fer ou de zinc et moins de 1 mg de chrome. L’organisme est capable de stocker ces substances minérales, mais il ne peut pas les fabriquer lui-même, d’où la nécessité de renouveler ses réserves via l’alimentation.
Pépite végétale : la chicorée
On connaît bien la racine de chicorée (Cichorium intybus et Cichorium endivia) comme boisson alternative au café. Mais savez‑vous que ses feuilles sont bourrées de nutriments ? Elles regorgent de vitamines B2 et B9, C, K et E, de provitamine A (bêtacarotène) et de minéraux : phosphore, fer, magnésium, calcium et potassium. Quant à l’inuline contenue dans sa racine, c’est un prébiotique utile pour préserver le microbiote. Des chercheurs d’une université du New Jersey classent même la chicorée parmi les dix aliments les plus sains du monde ! Pour profiter de ses bienfaits, on consomme de la chicorée en salade ou en infusion. L’Herboristerie du Palais Royal conseille 1 cuillerée à soupe de feuilles sèches et racines par tasse d’eau de 250 ml. Faites bouillir 3 minutes et laissez infuser à couvert 10 minutes. Attention, de trop fortes doses de chicorée sont nocives pour le foie.
Les sels minéraux participent de manière importante à la constitution des tissus, au fonctionnement nerveux et musculaire et à la production des hormones. Sodium, potassium, calcium, magnésium, chlore, phosphore, soufre, jouent tous un rôle dans l’équilibre du corps mais certains ont des fonctions plus importantes. Ainsi le calcium, sel minéral le plus abondant du corps, ne se contente pas d’entretenir le squelette, il favorise la contraction musculaire, l’action de différentes glandes dont la thyroïde, et soutient la transmission de l’influx nerveux. On le puise davantage dans les fruits secs, les graines dont le sésame, les poireaux, choux ou même la prêle… que dans les produits laitiers, souvent mal digérés. On connaît bien également l’action prépondérante du magnésium « pour aider le cœur à se contracter », souligne Paul Dupont, ainsi que ses propriétés antispasmodiques contre les crampes musculaires. Son effet relaxant soutient de même le système nerveux parasympathique pour que l’organisme s’apaise et économise de l’énergie. En cela, le magnésium est un excellent déstressant et antifatigue, présent dans le cacao, les amandes, les céréales germées… Quant au potassium, son pouvoir alcalinisant intervient pour tempérer l’effet acidifiant du sodium, nécessaires tous deux à juste dose pour garantir l’équilibre acido-basique. Il prévient aussi les maladies cardio-vasculaires et l’hypertension grâce à son action sur la contraction des vaisseaux sanguins. Les légumineuses, pommes de terre, bananes ou poissons constituent de bonnes sources de potassium.
Plus discrets dans leur action, les 13 oligoéléments jouent pourtant un rôle crucial car ils permettent d’activer toutes sortes d’enzymes et participent aux défenses antioxydantes. Tout est question d’alliance ou de balance – autant entre eux qu’avec les sels minéraux et les vitamines. Par exemple, le cuivre – présent dans les huîtres, noix de cajou, foie, cynorrhodon… – « favorise l’action de la vitamine C permettant de lutter contre les infections » et leur association « aide le fer à se fixer sur les globules rouges », décrypte Paul Dupont. A contrario, un excès de cuivre va entraîner une baisse de zinc. Or, on prend conscience aujourd’hui combien cet oligoélément est central pour la santé (cf. encadré ci-dessous). D’autant qu’il combat l’inflammation chronique, stimule les hormones notamment thyroïdiennes et pancréatiques, soutient l’immunité et tous les phénomènes de cicatrisation. Il soutient aussi le fonctionnement de la vitamine A. L’iode, autre oligoélément contenu dans les algues, fruits de mer ou poissons, a besoin du cobalt pour stimuler efficacement la thyroïde. Quant au sélénium, présent dans les céréales complètes, la levure de bière et les noix du Brésil, le Dr Dupont le décrit comme « l’oligoélément le plus antioxydant, qui protège de la dégénérescence cellulaire ». Il œuvre aussi en harmonie avec la vitamine E pour prévenir le vieillissement. Si l’alimentation et les plantes offrent les meilleurs apports quantitatifs en oligoéléments, on note aussi leur intérêt à dose plus infime en oligothérapie (voir encadré p. 22) pour modifier le terrain de l’organisme et optimiser sa régulation.
Oligothérapie, mettre en place une synergie hivernale
L’oligothérapie n’a pas pour but de combler une carence, mais d’aider l’organisme à mieux fonctionner. Les oligoéléments sont administrés ici en microdoses (inférieures à 1 mg), suffisantes pour envoyer une information au corps, selon la docteure en pharmacie Alina Moyon : « Une faible quantité d’oligoélément va agir davantage en profondeur, sur le terrain, pour stimuler l’intelligence du corps et mobiliser ses capacités. » En effet, les micronutriments agissent en interaction avec les systèmes enzymatiques pour lever des blocages et rétablir l’équilibre. On préconise ainsi en début d’hiver de prendre un trio de cuivre, or et argent en oligothérapie car ces minéraux travaillent en synergie préventive sur les défenses immunitaires. L’argent est un anti-infectieux, l’or stimule l’action des globules blancs et le cuivre est anti-inflammatoire et antioxydant. On peut y ajouter du zinc en cas de rhume déclaré, ou du soufre en présence d’une angine.
Les pouvoirs du zinc
Longtemps considéré comme un oligoélément mineur, le zinc est à présent reconnu au niveau scientifique pour ses propriétés. Il a démontré, durant la pandémie de Covid-19, sa capacité à réduire les symptômes viraux et respiratoires grâce à ses puissantes propriétés immunitaires et anti-inflammatoires. Même effet bénéfique observé lors d’études sur les maladies chroniques intestinales. Ce minéral contribue également à activer les hormones produites par la thyroïde ou le pancréas, et favorise tous les phénomènes de cicatrisation. On en manque souvent après 50 ans, car on l’absorbe moins bien. Le zinc se trouve surtout dans les produits animaux (huîtres et viande) et, côté végétal, dans la levure de bière, les feuilles de basilic et de goyavier ainsi que les grains de sésame, shiitaké, légumineuses, germes de blé et céréales complètes.