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Le pin d'Alep, saveur de Méditerranée

Le pin d'Alep, saveur de Méditerranée
Le pin d'Alep, saveur de Méditerranée

Cet arbre méditerranéen est particulièrement connu pour les graves incendies ravageant les forêts qu'il compose. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il s'agit d'une espèce alimentaire qui sert à préparer un dessert au nom chantant, l'assidat zgougou, une spécialité de Tunisie.

Ce qui me plaît peut-être le plus chez lui – mais au fond, c'est pour moi le cas de tous les pins –, c'est le bruissement du vent dans ses feuilles. Lorsqu'il souffle, la forêt parle, alors que les plantes sont généralement plutôt silencieuses. Et puis, c'est son odeur, ce parfum de résine et d'encens qui imprègne l'air et s'intensifie à mesure qu'augmente la chaleur du jour. C'est sans doute aussi sa simple présence, car je me sens particulièrement bien avec le pin d'Alep, peut-être parce que ses feuilles, très fines, sont souples et douces, agréables à toucher – contrairement aux longues aiguilles rugueuses du pin maritime, à celles, rigides, du pin sylvestre ou aux courtes piques du pin à crochets. L'ouïe, l'odorat, le toucher, la vue aussi, m'attirent de façon indéniable vers cet arbre typiquement méditerranéen, mais aussi, de façon moins évidente, le goût.

Délicieuses graines de pin

En effet, les pins se mangent. Plus précisément leurs graines. La chose est connue pour le pin pignon ou pin parasol (Pinus pinea), qui donne les succulents pignons appréciés dans la région méditerranéenne, de même que pour d'autres espèces comme le pin de Sibérie (Pinus sibirica), d'autres pins asiatiques et américains, ainsi que l'arolle (Pinus cembra) de nos montagnes. Ce pourrait d'ailleurs être le cas des cent et quelques espèces du genre Pinus connues dans le monde, mais la plupart ne produisent que des graines minuscules, de quelques millimètres de longueur. C'est le cas de celles du pin d'Alep, que j'avais personnellement toujours négligées avant que l'une de mes élèves résidant en Tunisie ne nous fasse goûter un soir l'assidat zgougou, un dessert préparé pour la fête de Mouled, jour de la naissance du prophète Mohammed.

Pour confectionner ce plat très spécial, les graines sont broyées avec de l'eau et passées à travers un tamis très fin. L'épais liquide obtenu est mélangé avec de la farine, puis cuit à feu doux tout en remuant. On ajoute du sucre en poudre au fur et à mesure que le mélange s'épaissit. Cette crème de couleur brunâtre au goût de résine est ensuite surmontée d'un mélange cuit d'amidon et de lait concentré, et enfin décorée de pistaches, amandes, pignons ou noisettes, voire d'ingrédients divers (lire recette ci-dessous). On y ajoute souvent de l'eau de fleur d'oranger. Chaque famille possède sa recette et, traditionnellement, les voisins s'échangent, au jour dit, des bols d'assidat zgougou.

Recette sauvage // Crème aux graines de pin d'Alep (assidat zgougou)

Ingrédients

  • 250 g de graines de pin d'Alep
  • 85 cl d'eau
  • 175 g de farine
  • 100 g de sucre
  • 100 g de lait concentré sucré
  • 1 jaune d'œuf
  • 2 c. à soupe d'amidon de maïs
  • 2 c. à soupe  d'eau de fleur d'oranger
  • 1 sachet de sucre vanillé
  • 25 g de pistaches
  • 25 g de pignons de pin
  • 25 g d'amandes.

1. Écraser les graines de pin et mélanger la pâte obtenue avec 20 cl d'eau. Malaxer pour obtenir un mélange épais mais homogène.

2. Passer à travers un tamis fin ou une mousseline pour extraire le maximum de liquide sans faire passer les morceaux de coques des graines (astringentes).

3. Répéter 2 fois avec 20 cl d'eau à chaque passage.

4. Ajouter la farine au liquide et faire cuire à feu doux en mélangeant avec un fouet. Au bout d'une vingtaine de minutes, ajouter progressivement le sucre et laisser épaissir en continuant de remuer au fouet jusqu'à obtenir la texture d'une crème pâtissière.

5. Verser la crème dans des bols et laisser refroidir.

6. Diluer le lait concentré sucré dans 25 cl d'eau, ajouter l'amidon et le jaune d'œuf. Fouetter, ajouter l'eau de fleur d'oranger, le sucre vanillé et mélanger.

7. Mettre sur feu doux puis laisser cuire 15 minutes, en mélangeant pour faire épaissir la crème.

8. Retirer du feu, verser sur l'assidat et laisser refroidir.

9. Garnir de pistaches, pignons et amandes.

Remarque : La pâte de graines de pin d'Alep moulues (zgougou) se vend dans certains magasins de produits tunisiens. Cela facilite grandement la préparation du plat !

Le pin d'Alep, devenu dominant

Dans la région méditerranéenne, le pin d'Alep ne formait à l'origine qu'une espèce secondaire : toute la zone était recouverte d'une dense forêt de chênes – chênes pubescents, chênes verts et chênes-lièges – qu'élimina en quelques siècles l'agriculture, tandis que l'on plantait massivement du pin d'Alep. Aujourd'hui, avec la déprise agricole, ce dernier colonise allègrement les champs abandonnés, accroissant grandement les risques d'incendie. Il est d'ailleurs connu pour sa capacité remarquable à profiter du feu pour se développer.

En effet, ses cônes peuvent rester fermés pendant de nombreuses années, protégeant ainsi les graines, et ne s'ouvrent qu'en réponse à la chaleur intense d'un foyer : les flammes qui ravagent la forêt provoquent l'ouverture desdits cônes, ce qui libère une pluie de graines sur le sol brûlé que vont enrichir les cendres. C'est ainsi que les jeunes pins d'Alep se mettent à pousser dans des conditions idéales et prolifèrent. Cette espèce joue donc un rôle clé dans la résilience des écosystèmes méditerranéens. En outre, ses racines largement étendues contribuent à éviter l'érosion des sols.

Utilisé depuis des millénaires, le bois du pin d'Alep a servi à la construction navale et à la fabrication de divers outils. Sa résine, la poix, était chauffée et mélangée à des fibres végétales pour étanchéifier les coques des bateaux, qui pouvaient ainsi naviguer sur de longues distances sans craindre les infiltrations d'eau de mer. Depuis les Phéniciens, le commerce de la poix a contribué à l'expansion maritime et au développement économique des régions méditerranéennes.

Herbier // Pin d'Alep

pinus-halepensis

Le pin d'Alep (Pinus halepensis) est un arbre de taille moyenne pouvant atteindre plus de 20 m de hauteur. Son tronc est recouvert d'une écorce d'un gris brunâtre qui se fissure avec l'âge. Les feuilles, réunies par deux dans chaque gaine, sont longues de 6 à 10 cm. Elles sont très fines, molles, lisses et d'un vert clair. Les chatons mâles sont oblongs, roussâtres, longs de 6 à 7 mm. Ils libèrent leur pollen au mois de mai. Les cônes allongés, coniques et aigus, dirigés vers le sol, sont longs de 6 à 12 cm, d'un rouge-brun luisant, avec un pédoncule très épais. Ils renferment de petites graines d'environ 7 mm, mates, à ailes quatre fois plus longues qu'elles, ­produites au bout de deux ans.

Cette espèce se rencontre dans les plaines et les basses montagnes de la région méditerranéenne occidentale, en France jusque dans la Drôme. Le pin d'Alep préfère les sols calcaires. Très proche, le pin de Calabre (Pinus brutia) pousse de préférence sur les sols acides de Méditerranée orientale. Son écorce est rougeâtre et écailleuse et ses aiguilles généralement un peu plus longues et plus rigides que celles du pin d'Alep. Ses cônes peuvent atteindre une quinzaine de centimètres. Dans le centre de la zone méditerranéenne, les habitats de ces deux espèces se chevauchent.

Cueillette

Graines : l'arbre en produit tous les deux ans.

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