Le safran redonne le moral
Le safran (Crocus sativus) n’existe pas à l’état sauvage. Sa culture résulterait d’une sélection datant d’au moins 3 500 ans, opérée à partir d’un crocus originaire de Crète, Crocus cartwrightianus. À la fois plante condimentaire, médicinale et tinctoriale, le safran est surnommé « or rouge », car son prix en fait l’épice la plus chère du monde ! Une bonne raison de lui réserver une parcelle au jardin, qui s’illuminera à l’automne de jolies petites fleurs violettes veinées.
Au jardin
Plante stérile, le safran ne produit pas de graine et se multiplie exclusivement par voie végétative. Choisissez des bulbes* adaptés aux conditions climatiques de votre région en vous méfiant des prix bas, qui présagent souvent d’une mauvaise qualité.
Plantation
La plantation s’effectue en juillet-août. Pour prospérer, le safran a besoin d’un sol léger (argilo-calcaire ou légèrement sableux) bien drainé et d’une exposition ensoleillée. Travaillez bien le sol sur une quarantaine de centimètres, brisez les mottes, affinez la terre que vous pouvez enrichir à l’aide d’un compost de fumier ou de déchets verts bien compostés. Plantez les bulbes à 15-20 cm de profondeur, bien verticaux, en les espaçant de 20 cm. Arrosez-les avec parcimonie après la plantation afin de les préserver du pourrissement.
Entretien
Le safran craint les périodes humides prolongées (sauf de décembre à février, temps du développement des cormes) et les fortes sécheresses. Désherbez régulièrement pour éviter la concurrence. Les rongeurs sont également très friands des cormes du safran… Au début de l’été de la troisième année, les bulbes sont déterrés afin de récupérer les caïeux qui se sont formés à la partie supérieure du bulbe. Ils pourront être replantés le moment venu.
Récolte
Chaque bulbe de safran ne fleurit qu’une fois et porte plusieurs fleurs dont la durée de vie ne dépasse pas 24 heures, mais qui s’épanouissent sur une période de 2 à 4 semaines. La cueillette des fleurs a lieu de fin septembre à novembre, le matin lorsqu’elles sont encore fermées. Puis vient l’étape délicate de l’émondage, qui consiste à prélever avec un ciseau fin (ou une pince à épiler) uniquement les trois stigmates ou filaments rouges de chaque fleur. Le séchage à chaud conditionne la qualité de l’arôme de l’épice. Faites sécher au déshydrateur (40 à 50 °C) ou au four (porte entrouverte) à 60 °C, entre 20 minutes et 1 heure. Les stigmates sont secs lorsqu’ils deviennent raides, cassants et légers. Laissez 1 à 2 heures à température ambiante avant de stocker les filaments dans un bocal hermétique à l’abri de la lumière. Bien conservé, le safran garde sa saveur très longtemps.
À l’atelier
Une confiture de poires source de bonne humeur
En cuisine, pas besoin de quantités trop importantes pour profiter des arômes du safran. Il faudra tout de même laisser infuser les stigmates dans un liquide chaud (eau, lait, bouillon, vin, etc.), mais non bouillant, afin de libérer son parfum et sa couleur. De plus, ce temps d’infusion et de macération est long : 30 minutes minimum, et idéalement plusieurs heures. Les saveurs ainsi extraites se marient parfaitement dans cette confiture de poires avec, à la clé, une sensation de bien-être et de bonne humeur !
Ingrédients et matériel
• 0,1 à 0,15 g de stigmates séchés de safran (45 à 65 filaments) pour 1 kilo de poires bien mûres • 800 g de sucre cristallisé par kilo de fruits • 1 jus de citron • Grande terrine • Bassine à confiture • Petit récipient • Casserole pour bain-marie • Pots en verres avec couvercles.
Mode opératoire
- Peler, évider et couper les poires en petits morceaux. Mettre les fruits dans la bassine avec le sucre et le jus de citron. Porter la préparation sur le feu jusqu’au frémissement tout en mélangeant bien l’ensemble. Transvaser dans la terrine, couvrir et réserver au frais toute la nuit.
- Le lendemain, faire infuser le safran dans un récipient en versant 2 à 3 cuillerées à soupe d’eau chaude (environ 70 °C) sur les stigmates séchés. Couvrir puis maintenir l’infusion à la chaleur du bain-marie durant 1 heure, sans la faire bouillir.
- Parallèlement, remettre les poires et le sucre à cuire dans la bassine en chauffant jusqu’à la cuisson désirée (celle-ci se vérifie en déposant une goutte sur une assiette froide : celle-ci se fige sans couler complètement lorsque l’assiette est mise en position verticale).
- Feu éteint, ajouter l’infusion safranée (stigmates compris). Mélanger la confiture. Mettre en pots aussitôt, en remplissant jusqu’au bord, et fermer. Laisser refroidir en renversant les pots sur le couvercle… Déguster !
Bon à savoir
- Compte tenu du coût élevé du safran, les falsifications sont très fréquentes. Les stigmates peuvent être additionnés de la partie jaune du pistil ou remplacés par les stigmates d’autres crocus ou par les fleurons d’autres fleurs (souci, carthame).
- Ne confondez pas le safran avec le colchique d’automne (Colchicum autumnale), encore appelé safran des prés, une plante très toxique qui lui ressemble mais dont les fleurs possèdent six étamines (au lieu de trois pour le safran).
Précautions d’emploi
Le safran n’induit aucun effet indésirable jusqu’à une dose de 1,5 g par jour. En revanche, à forte dose (plus de 5 g), il devient toxique (engourdissements, vertiges, vomissements, saignements divers). Ainsi, en dehors de son usage condimentaire, il est déconseillé durant la grossesse (risque abortif à forte dose) et chez les personnes sous traitement antidépresseur ou anticoagulant.
Ce que dit la science
Le nom « safran » désigne exactement les stigmates trifides rouges desséchés de la plante. Épice très prisée de l’Antiquité, le safran a alimenté de multiples légendes favorisées par son prix exorbitant dû au faible rendement des récoltes (il faut environ 150 fleurs, soit 450 brins de stigmates, pour obtenir 1 g de safran sec !). La plante possède aussi un long passé médicinal traditionnel, dont la plupart des applications ont été validées cliniquement par des études. Parmi ses principes actifs remarquables, citons les caroténoïdes (crocines) et le safranal (composé aromatique qui se forme lors du séchage). Antioxydant puissant, le safran offre une protection cellulaire s’exerçant dans tout l’organisme. Au niveau cérébral, il améliore les capacités cognitives (apprentissage, mémorisation) et agit sur la baisse de moral de façon aussi efficace que certains antidépresseurs de référence grâce à l’inhibition conjointe de la recapture de plusieurs neuromédiateurs (dopamine, noradrénaline et sérotonine), et à ses effets anxiolytiques et hypnotiques (liaison du safranal sur les récepteurs Gaba-A). Le safran est également antalgique, antispasmodique et anti-inflammatoire, ce qui se révèle particulièrement utile contre les douleurs des règles ou dans les maladies inflammatoires chroniques. Son potentiel ne se limite pas là. Il agit bénéfiquement sur le syndrome métabolique (diabète, cholestérol, triglycérides, hypertension). Enfin, même si les travaux n’en sont qu’à leurs débuts, avec principalement des études in vitro, l’usage anticancer (prostate, leucémies) du safran semble prometteur. Toutes ces données confirment l’intérêt de consommer cette épice avec gourmandise, et de l’intégrer sur la durée à notre alimentation !
Autres préparations
Compléments alimentaires
Le safran s’emploie le plus souvent en complément alimentaire sous forme de gélules ou de comprimés, qui présentent l’avantage de délivrer des doses thérapeutiques parfaitement maîtrisées : autour de 200 mg par jour pour la poudre de safran, ou 30 à 60 mg par jour lorsque le safran se présente sous la forme d’extraits titrés en safranal et crocine (les deux principes actifs majeurs).
Tisane de safran
Vu le prix des stigmates séchés de safran (rarement moins de 30 à 45 euros le gramme), on les emploie plutôt en association. Compte tenu des multiples potentialités de l’épice, celle-ci pourra être ajoutée avec bénéfice dans différents mélanges de plantes déjà constitués, à raison de 6 à 10 filaments par tasse et à condition de procéder en deux temps.
Préparation : Faire préalablement infuser les brins de safran seuls dans 3 à 4 cuillerées à soupe d’eau chaude pendant 30 minutes avant d’ajouter cet infusé au mélange choisi, comme dans l’exemple suivant :
Indications :
- Déprime, anxiété : mélanger à parts égales des parties aériennes de basilic sacré, de passiflore et des feuilles de mélisse. Faire infuser 2 c. à café du mélange dans 200 ml d’eau bouillante durant 10 minutes, puis ajouter l’infusé de safran déjà préparé. Boire 2 tasses par jour, en dehors des repas.
- Règles douloureuses, syndrome prémenstruel : on peut préparer une tisane de safran seul dosé à 1 g par litre d’eau (soit 45 à 50 filaments pour une tasse de 100 ml). Verser de l’eau chaude non bouillante et faire infuser à couvert au moins 30 minutes. Boire 2 tasses par jour (pour le syndrome prémenstruel, débuter le traitement une semaine avant la date des règles).
Remarque : Une étude japonaise a montré l’efficacité de la seule respiration de l’odeur du safran pour soulager ces deux troubles, sans consommer la plante !
Mellite de safran
Préparation : Dans un mortier, réduire en poudre 0,25 à 0,30 g de safran, soit ½ cuillerée à café.
Déposer dans un récipient 100 g de miel (lavande, tilleul, thym…) et le liquéfier au bain-marie. Incorporer le safran et mélanger rapidement le mélange. Transvaser dans un pot fermant hermétiquement. Prélever un peu de miel à l’aide d’un petit pinceau puis appliquer sur les gencives en massage doux avec le doigt propre.
Indications : Douleurs des premières poussées dentaires.
* Le terme « bulbe » est communément employé, mais sur le plan botanique il correspond à un rhizome court et vertical appelé « corme », se présentant comme un bulbe arrondi et charnu.