L’Artemisia annua testée contre le Covid-19
Un groupe de chercheurs allemands et danois va tester l'extrait d’armoise annuelle (Artemisia annua) ainsi que certains de ses dérivés comme l’artemisinine contre le Covid-19*. En France, l’association La maison de l’Artemisia milite pour qu’un essai clinique soit lancé.
L’Institut Max Planck de recherche sur les colloïdes de Potsdam, en Allemagne, a annoncé le 8 avril 2020 le lancement d’une étude cellulaire afin de tester les effets de l’Artemisia annua sur le Coronavirus. Certains de ses dérivés comme l’artemisinine vont également être étudiés. Cela est rendu possible par un accord avec la société américaine ArtemiLife qui fournira les plantes. En effet, ArtemiLife cultive l’Artemisia dans le Kentucky et développe la commercialisation de tisanes et cafés à base d’armoise annuelle.
L’Artemisia annua, utilisée depuis des millénaires en Chine, est connue pour un de ses principes actifs, l’artémisinine. Cette molécule est à l’origine des médicaments antipaludiques actuels. Il s'agit de combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) qui ont remplacé la chloroquine suite au développement de résistances.
Une plante à haut potentiel
Cependant, les vertus de l’Artemisia annua ne se limitent pas au paludisme. Cette plante a été largement utilisée en Chine lors de l’épidémie historique de Coronavirus de 2003, et contre l’épidémie actuelle de Covid-19. Ainsi, 85 % des cas de Covid-19 ont été traités avec des mélanges de plantes en complément de la médecine occidentale. Parmi ces plantes, l’Artemisia annua est conseillée dans les cas de symptômes pulmonaires modérés.
Des études in vitro ont montré que cette plante agit sur de nombreux virus, comme les virus de la famille de l’herpès, du VIH et le Coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère. Le Coronavirus à l’origine de l’épidémie de 2003, le SARS-CoV-1, est très similaire génétiquement au Coronavirus actuel, dénommé Sars-CoV-2. Or une étude qui a testé l’effet antiviral de plus de 200 plantes contre le SARS-CoV-1, a montré que l’Artemisia annua était la deuxième la plus puissante, après le Lycoris radiata. « Vu les similarités entres les deux virus, les extraits de la plante et ses dérivés doivent être testés contre ce nouveau coronavirus », a estimé le directeur de l’Institut Max Planck.
Si l’artémisinine possède une action antivirale, ce n’est pas le seul principe actif de la plante à agir contre les virus. Cette action est due à une synergie de nombreuses molécules, notamment de puissants stérols. Deux études récentes ont passé au crible un panel de molécules végétales via une simulation numérique pour identifier celles qui seraient susceptibles d’agir au niveau de deux protéines clés du SARS-Covid : la protéase principale et le récepteur des cellules des poumons. Parmi les molécules retenues, quatre sont présentes dans l’Artemisia annua, dont la quercétine et la lutéoline. Par ailleurs, de nombreux composés ont une activité immunomodulatrice reconnue.
Une initiative en France
L’institut allemand n’est pas le seul à avoir remarqué le potentiel de cette plante. Depuis des semaines, l’association La maison de l’Artemisia milite pour obtenir un essai clinique afin de tester l’extrait d’Artemisia sur le Covid-19. Cette association humanitaire française de lutte contre le paludisme lance un appel aux autorités sanitaires pour que la plante soit étudiée de toute urgence. « Cela permettrait aux populations fragiles du Sud de bénéficier d’un traitement accessible » justifie la présidente Lucile Cornet-Vernet. L’association se heurte aussi au fait que la vente d’Artemisia annua n’est aujourd’hui pas autorisée en France, car cette plante ne fait pas partie de la pharmacopée traditionnelle européenne.
Pourtant si l’efficacité de l’Artemisia annua venait à être démontrée par une étude cellulaire et une étude clinique, ce produit végétal et ses dérivés pourraient constituer un traitement à bas coût, immédiatement disponible, et dont l’innocuité a déjà été testée.
Les études :
- Yang, Y., Islam, M. S., Wang, J., Li, Y. Chen, X. Traditional Chinese Medicine in the Treatment of Patients Infected with 2019-New Coronavirus (SARS-CoV-2): A Review and Perspective, Int. J. Biol. Sci. 16, 1708– 1717 (2020).
- WHO Report - SARS: Clinical Trials on Treatment Using a Combination of Traditional Chinese Medicine and Western Medicine
- Shi-you Li et al., Identification of natural compounds with antiviral activities against SARS- associated coronavirus (2005), Antiviral Research 67 (2005) 18–23
- Smith M., Jeremy C. Smith, Repurposing Therapeutics for COVID-19: Supercomputer-Based Docking to the SARS-CoV-2 Viral Spike Protein and Viral Spike Protein-Human ACE2 Interface, UT Battelle, pp. 10-11 (2020)
- Khaerunnisa, S. H. Kurniawan, R. Awaluddin, S. Suhartati , S. Soetjipto, Potential Inhibitor of COVID-19 Main Protease (Mpro) from Several Medicinal Plant Compounds by Molecular Docking Study, pp 6-7 (2020)