Dossier
Sept organes négligés... et pourtant si utiles (4/8)
Au sein de notre organisme se logent certains organes méconnus, dont on ignore parfois jusqu'à l'existence. Ils jouent pourtant des rôles essentiels, voire indispensables à la vie. Ce dossier a pour but de mettre en lumière ces organes mal compris, voire impopulaires, tels que la rate, l'appendice, la vésicule biliaire ou le thymus, et souligner l'importance de les maintenir en bonne santé.
La vésicule, facilitatrice de la digestion
Le médecin grec Galien fut le premier, au IIe siècle de notre ère, à attribuer une fonction à la vésicule biliaire, qui servait selon lui à " séparer la bile ". Si l’on trouve quelques mentions de cet organe dans des temps reculés, c’est surtout à la bile que s’intéressent, dès l’Antiquité, Hippocrate puis Galien avec la " théorie des humeurs ". À l’époque, les médecins désignaient sous le terme " humeurs " tout autant les émotions que les liquides voyageant dans le corps, établissant des liens entre les deux. Ainsi, on assimilait la colère à la bile jaune – d’où l’expression " se faire de la bile " –, et on pensait que cette dernière circulait dans tout le corps, des pieds à la tête, et pas seulement dans la région du foie. À la Renaissance, l’anatomiste italien Berengario da Carpi précise le rôle de la vésicule biliaire comme " réceptacle du fiel " (ce mot, synonyme de bile, renvoie aussi à une humeur caustique et hostile) pour réguler les émotions.
On retrouve aujourd’hui cette vision ancestrale de l’anatomie associant le corps, les émotions et l’esprit dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Selon cette approche, par exemple, la vésicule biliaire interagit énergétiquement entre autres avec le foie. " Cet organe a pour mission de planifier les projets, il est le général des armées qui définit la stratégie, et la vésicule biliaire tranche et donne la force d’appliquer ces choix ", décrypte la naturopathe et acupunctrice Yvanne Le Goff. Donc, lorsqu’on a du mal au niveau émotionnel à prendre ses décisions et que l’on procrastine beaucoup, la praticienne recommande de vérifier en acupuncture le bon fonctionnement énergétique de la vésicule.
Son rôle physiologique, en médecine chinoise comme occidentale, est de contenir la bile produite par le foie et de faciliter la digestion. Ce pochon en forme de poire d’une dizaine de centimètres, situé sous les côtes sur le côté supérieur droit de l’abdomen, est capable de stocker 50 ml de bile entre les repas et durant la nuit. Lors des prises alimentaires, elle se contracte et évacue la bile dans l’intestin grêle : " En faisant circuler la bile, la vésicule possède une fonction importante de détox, pour dégrader les graisses, équilibrer la digestion et même le métabolisme ", souligne Jean-Michel Morel, médecin phytothérapeute.
Les experts recommandent d’entretenir cet organe au quotidien en limitant les lipides dans l’alimentation, notamment les graisses animales. Se coucher au moins trois heures après le repas pour faciliter la digestion est aussi une bonne habitude à prendre, selon Yvanne Le Goff, en particulier entre début février et fin avril, la saison associée à la vésicule en médecine chinoise. Une période propice aux cures de...
suc de radis noir.
Un suc de radis noir « nettoyant »
Le radis noir contient des glucosinolates facilitant la sécrétion et l’évacuation de la bile. Yvanne Le Goff nous explique comment en extraire le suc.
Préparation
- Brosser et laver un radis noir, le découper en tranches très fines, les étaler dans une assiette.
- Saupoudrer d’une fine couche de sucre, couvrir durant une journée.
- Le radis noir va exsuder, sous l’action du sucre, un liquide.
- Avaler 1 cuillerée à café de ce liquide par jour durant 2 à 3 jours et renouveler l’opération pendant 10 jours par mois, entre début février et fin avril, la saison associée à la vésicule biliaire en médecine chinoise.
Pour le drainage biliaire, Jean-Michel Morel préconise de recourir à des plantes cholérétiques, favorisant la sécrétion de bile, et à des plantes cholagogues qui chassent celles-ci vers l’intestin. L’aubier de tilleul s’avère particulièrement efficace car " il possède une fonction de nettoyage, active sur les éliminations liquidiennes comme la bile ", explique le médecin. De même, " les lactones sesquiterpéniques contenus dans l’artichaut, la chicorée sauvage et la bardane, permettent de chasser la bile et d’essorer en quelque sorte la vésicule ". La fumeterre, également cholagogue, jouera un rôle double d’élimination et de régulation des réveils nocturnes liés à la vidange de la vésicule. Des plantes à prendre en tisane ou en extraits secs, en général 400 à 800 mg par jour de préférence avant le repas et/ou au coucher, dix jours par mois sur deux à trois mois, au printemps mais aussi à l’automne, précise Jean-Michel Morel.
Tisane d’aubier de tilleul, alliée de la vésicule
L’aubier de tilleul, riche en coumarines et triphénol, a démontré des vertus contre divers maux liés à un dysfonctionnement de la vésicule, tels la migraine, les calculs ou les douleurs hépatobiliaires. En prévention comme en curatif, le phytothérapeute Jean-Michel Morel invite à faire une cure d’aubier de tilleul en tisane 10 jours par mois durant 2 à 3 mois, au printemps ainsi qu’à l’automne.
Préparation
- Mettre 3 ou 4 bâtonnets (ou 40 g) d’aubier de tilleul dans 1 litre d’eau et porter à ébullition à couvert durant 15 min à feu doux.
- Éteindre le feu et laisser infuser 1 heure à couvert.
- À boire dans la journée.
La fumeterre contre les spasmes nocturnes
Christelle Caron, docteure en pharmacie à l’herboristerie Saint-Paul, à Nîmes, recommande la fumeterre, lorsqu’on a tendance à se réveiller vers 3 heures du matin. « C’est souvent le moment où la vésicule biliaire doit se vider, produisant parfois un spasme du sphincter d’Oddi chez les personnes nerveuses. » Cette plante, légèrement sédative et spasmolytique, apaise le spasme et calme le stress.
Mode d’emploi : Mieux vaut éviter les tisanes, trop diurétiques pour la nuit, et préférer soit l’extrait fluide, à raison de 30 gouttes par jour, soit la suspension intégrale de plantes fraîches (5 ml), à diluer dans un peu d’eau et à boire au moment du coucher durant 10 jours, avant de faire une pause.
Ces praticiens appellent toutefois à ne pas pratiquer de drainage avec ces plantes en cas de calculs biliaires – des cristaux formés dans la vésicule à partir du cholestérol – pour ne pas les déloger d’un coup avec le risque de boucher les canaux biliaires, voire pancréatiques. De même, " manger trop gras présente le même risque de complication car les lipides provoquent la contraction de la vésicule avec un effet de chasse biliaire des calculs ", explique Jean-Michel Morel. Si on est sujet aux calculs biliaires (ou lithiase biliaire), le praticien conseille le bourgeon d’érable, connu pour agir à titre préventif et favoriser la dissolution des cristaux, à raison de 10 gouttes par jour chez l’adulte sur un mois, à renouveler.
En cas de lithiase associée à des troubles digestifs, douleur sous-costale droite, accélération du transit, jaunisse… il faut consulter un médecin. Si la vésicule est trop souvent enflammée (cholécystite), causant des coliques très douloureuses, il est parfois préférable de l’enlever. C’est d’ailleurs l’intervention digestive la plus répandue en France avec 120 000 ablations par an. Lorsqu’on n’a plus de vésicule, les crises s’arrêtent mais la bile est sécrétée en permanence avec une fatigue digestive et des difficultés à digérer les graisses. " Il faut alors éviter les aliments frits et privilégier ceux contenant des graisses digestes comme les oméga-3, graines de chia, de lin, noix… ", souligne Yvanne Le Goff. Et pour renforcer la fonction biliaire après l’ablation, Jean-Michel Morel préconise le bourgeon d’érable et des dilutions homéopathiques de chélidoine et curcuma, à prendre durant quelques mois après l’intervention.
Un peu d’histoire // Royales et divines vésicules
La plus ancienne représentation connue de vésicule biliaire figure sur un objet étrusque en bronze datant de 2 000 ans avant notre ère, montrant un foie de mouton surmonté de sa vésicule biliaire, organes alors considérés comme divins. Les plus anciens spécimens connus de calculs biliaires sont ceux retrouvés dans la vésicule d’une grande prêtresse (momifiée) du dieu Amon ayant vécu à Thèbes vers 1500 avant J.-C., grâce auxquels nous savons que ces maladies existent chez l’homme depuis l’Antiquité.
Elles étaient toutefois possiblement moins répandues en raison d’un régime alimentaire alors moins riche en viande et plus riche en végétaux. Selon des spécialistes, le célèbre Alexandre le Grand aurait succombé en une quinzaine de jours (en 323 avant J.-C.) à une nécrose du pancréas causée par des calculs biliaires venus boucher les canaux pancréatiques suite à un repas copieux arrosé d’une grande quantité de vin.
- « History of Biliary Surgery », World Journal of Surgery, février 2013.
- « Did Alexander the Great Die of Acute Pancreatitis? », Journal of Clinical Gastroenterology, juin 1997.