Des patates à la fois douces et nutritives
Riche en antioxydants, fibres et oligoéléments variés, la patate douce est un féculent que l'on gagnerait à mettre plus souvent dans notre assiette, comme légume ou pour apporter à de nombreux plats de la texture et des nutriments.
Si la patate douce et la pomme de terre partagent la même appellation initiale d’origine amérindienne, batatas, rapportée telle quelle lors de la conquête espagnole, l’adjectif « douce » a été ajouté à la première pour la distinguer de la seconde, couramment appelée « patate » dans un registre familier ou au Canada. La patate douce se distingue, pour le reste, par sa famille botanique (Convolvulacées), ses propriétés gustatives, mais aussi sa teneur plus élevée en micronutriments protecteurs. Elle contient en outre deux fois moins d’amidon que la pomme de terre. Aujourd’hui couramment cultivé en France, le tubercule autrefois exotique tend à devenir un produit local, sous réserve de pouvoir bénéficier d’un climat suffisamment chaud.
Originaire d’Amérique du Sud, où elle fait partie des habitudes alimentaires des populations locales depuis environ 10 000 ans avant J.-C., la patate douce possède une peau ocre, orange, rouge ou violette et une chair blanche à orangée. Aujourd’hui, ce tubercule est largement consommé à travers le monde, notamment en Asie, Océanie, Afrique et Amérique du Nord, intégré dans des recettes salées comme sucrées. Il est aussi l’un des aliments de base en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ainsi que sur l’île d’Okinawa, qui compte de nombreux habitants à la longévité des plus honorables.
Une néoculture en France
Plus de 400 variétés différentes en couleur, forme et taille coexistent et parviennent à maturité, dans nos contrées suffisamment ensoleillées, entre les mois d’octobre et de mars. Si la culture des patates douces requiert un climat tropical, celui de la Méditerranée s’y prête aussi, permettant une production locale en plein essor, notamment en Provence et dans le Languedoc-Roussillon. Ainsi, il est devenu possible de consommer des patates douces produites en France. La demande croissante des consommateurs appelle de plus en plus de petits et gros producteurs à s’essayer à cette néoculture, peu exigeante sinon en termes de soleil et de place. Mais cette filière française émergente ne représente que 10 000 tonnes produites chaque année en France. Pour l’heure, la Chine demeure, de loin, le plus gros producteur mondial.
Notons qu’il existe des variétés de patates douces ornementales, à la floraison plus abondante et qui supportent des expositions moins ensoleillées, mais qui, bien que comestibles, présentent peu d’intérêt gustatif. Et attention, les fleurs des patates douces, comme celles de toutes les ipomées, ne sont pas comestibles même si elles sont un plaisir pour les yeux.
Sur le plan nutritionnel, la patate douce affiche un palmarès très honorable avec, en tête, sa teneur en bêtacarotènes, en fibres et en potassium. Leur couleur jaune ou orangée est due à des pigments, molécules que l’organisme transforme en vitamine A d’origine végétale. Ces provitamines A sont plus présentes encore dans les patates douces que dans les carottes, reconnues pour en contenir largement. Elles participent à une bonne santé oculaire, notamment nocturne et en cas de myopie, tout comme elles nourrissent et protègent tant la cornée que le cristallin de l’œil. Les provitamines A préviennent la sécheresse et l’inflammation de la cornée, ainsi que la DMLA...
(dégénérescence maculaire liée à l’âge). Elles sont, en outre, favorables à une bonne immunité, à l’intégrité de la perméabilité intestinale et à la croissance cellulaire d’une manière générale.
Les patates douces violettes, quant à elles, contiennent également des pigments appelés anthocyanes. Hautement antioxydants, ils permettant de lutter contre les radicaux libres et l’oxydation tissulaire.
Bien les choisir
La patate douce doit être lourde, sans parties molles, sa peau ferme et lisse, sans entailles ni meurtrissures. Si elle présente des taches noires, légèrement toxiques, ou des germes (sauf petits et faciles à retirer), passez votre chemin. Préférez, comme pour tous les végétaux à la peau fine, des filières de l’agriculture biologique pour éviter de consommer au passage des résidus de produits phytosanitaires.
Les conserver
Ne conservez surtout pas vos patates douces au réfrigérateur, où elles vont rapidement s’abîmer, se ramollir et pourrir. Le mieux est de les entreposer, une dizaine de jours tout au plus, dans un endroit frais, aéré, sec et surtout à l’abri de la lumière pour préserver leurs précieux antioxydants. Passé cette date, assurez-vous que vos patates ont toujours bonne allure avant de les consommer.
Épaississant naturel
La patate douce contient des amidons qui peuvent épaissir toutes sortes de préparations, des sauces par exemple, évitant d’avoir recours à diverses fécules industrielles. Une fois cuite et réduite en purée, la patate douce s’incorpore aisément à la préparation, l’adoucit et la parfume.
La peau, c’est bon !
Une fois brossée sous l’eau claire, la peau des patates douces gagne à être maintenue, le temps de la cuisson, afin de limiter la perte des micronutriments due à la chaleur. De plus, la peau étant fine, elle peut tout à fait être consommée avec le reste de la chair, puisqu’elle contient une bonne partie des antioxydants. Dans ce cas, préférez les patates douces issues de l’agriculture biologique.
Une recette express au four
Vous avez peu de temps pour préparer un dîner improvisé ? Brossez une patate douce de belle taille, coupez-la en deux, badigeonnez-la d’huile d’olive, aromatisez d’herbes de votre choix, salez et enfournez ! Elles peuvent aussi être farcies de cubes de poulet ou de fromage à fondre, pour une version plus complète ou gourmande. La chair sera alors retirée aux trois quarts puis mélangée aux ingrédients de votre choix, afin d’en faire une farce à garnir avant la cuisson.
Un index glycémique qui reste bas
L’index glycémique des patates douces grimpe en flèche dès lors qu’elles sont trop cuites, ou réduites en purée. En effet, le processus de mixage altère la matrice du tubercule, en détruisant notamment une grande partie de ses fibres hypoglycémiantes. Dans les deux cas, les glucides qu’elles contiennent parviennent aux cellules de l’organisme par paliers, plutôt que sous la forme d’un pic glycémique.
Les feuilles et les tiges aussi
Aussi nutritives que les tubercules, les feuilles et tiges se consomment comme celles des épinards. Pensez-y si vous avez un jardin où les cultiver. Vous pouvez aussi demander à votre producteur local de vous vendre des patates douces telles qu’il les ramasse dans son champ.
Des chips crues au déshydrateur
De fines tranches, façon carpaccio, taillées à la mandoline, huilées, salées, saupoudrées d’herbes aromatiques et mises à sécher au déshydrateur donneront des chips santé, alors que celles qui sont frites absorbent 10 % de leur poids en huile de friture. Elles se conservent plusieurs semaines dans un bocal hermétique. Notons toutefois que la teneur en amidon, bien que modeste, invite à déguster ces chips crues avec modération.
Des fibres nombreuses et variées
Toutes les variétés de patates douces, en particulier celles à chair jaune, sont riches en vitamines antioxydantes C et E, ainsi que celles du groupe B. Elles le sont aussi en minéraux et oligoéléments, potassium en tête, mais aussi calcium, magnésium, fer, zinc et cuivre. Le potassium est essentiel au bon fonctionnement des glandes surrénales et des échanges entre les membranes cellulaires en général. Il est aussi un bon régulateur de la glycémie et de la tension artérielle en cas d’hypertension.
Les fibres contenues dans la patate douce sont nombreuses et variées (cellulose, lignine, pectine, hémicellulose), ce qui favorise un transit de qualité, une bonne santé du cœur, du microbiote (en particulier les variétés violettes) et du côlon, ainsi protégé du cancer colorectal. L’index et la charge glycémiques des patates douces restent modérés, exception faite pour celles à chair blanche et pour certains types de cuisson. Plus elles seront cuites et réduites en purée, plus elles seront glycémiantes (de même pour la friture). En revanche, une fois cuites, de préférence à la vapeur douce et brièvement – afin de préserver un maximum de nutriments –, puis refroidies, les patates ainsi consommées voient leur amidon se transformer en amidon dit « résistant », à l’action probiotique avérée.
La médecine traditionnelle chinoise classe la patate douce parmi les aliments doux et réchauffants, bienvenus en saison hivernale. Elle lui reconnaît aussi d’être favorable à une bonne circulation sanguine et d’accompagner les jeunes mamans pour gagner en énergie et prévenir les trop fréquentes constipations post-partum.
Le seul bémol de la patate douce reste sa teneur non négligeable en oxalates ou acides oxaliques, dits facteurs antinutritionnels, qui entravent la bonne absorption du calcium lorsqu’elles sont consommées régulièrement ou en grande quantité, ou si votre diète est pauvre en légumes verts. Ces composés contribuent, en outre, à la formation de calculs rénaux d’oxalate de calcium, ce qui conduira les personnes qui y sont sujettes à ne pas abuser des patates douces. Toutefois, ce tubercule reste un féculent bon marché, facile à cuisiner et riche en nutriments. Aussi, n’hésitez pas à mettre les patates douces au menu cet hiver !
Réguler positivement la flore intestinale
Une étude a révélé que les polyphénols contenus dans la patate douce violette pourraient moduler le microbiote spécifique au côlon, en diversifiant favorablement sa population avec des bactéries bénéfiques et en diminuant celles qui sont pathogènes, et ce grâce à leur forte teneur en fibres alimentaires de type cellulose et inuline. À partir de ces fibres et d’un processus naturel de fermentation, l’environnement colique reste stable et sain, tandis que les produits de putréfaction, résultant de différentes réactions biochimiques à cet endroit, diminuent drastiquement. La prévalence de nombreuses maladies chroniques associées à une dysbiose ou déséquilibre microbien baisserait ainsi, grâce à la modulation positive du microbiote colique. Toutes les variétés de patates douces présentent sensiblement les mêmes teneurs en polyphénols, mais celles à chair violette se distinguent par leur richesse en anthocyanes, dont la synergie avec les polyphénols potentialise les bienfaits santé attestés dans cette étude.
Dans Nutrients, juin 2019.
À l’asiatique, avec du lait de coco
L’association de la chair de patate douce et du lait de coco est une véritable invitation au voyage. Si vous ajoutez, en plus, un peu de cannelle en poudre, que ce soit pour une recette salée ou sucrée, le dépaysement est garanti.
En tajine original
Des cubes de patates douces cuisinés avec de la viande (ou du tofu pour une version végétarienne) associés à des légumes de saison donneront matière à un délicieux tajine à la touche légèrement sucrée-salée.
Pour des plats sans gluten
La patate douce préalablement cuite pourra servir de base à de nombreuses recettes de desserts divers et variés, et surtout sans gluten : puddings, entremets, glaces, pâtes à gâteaux ou à crêpes, biscuits, etc. En somme, le tubercule et sa saveur douce offrent un vaste champ des possibles pour les personnes allergiques ou intolérantes au gluten, dont les choix de desserts sont souvent limités.
Julie Lioré Lecoledesaliments.fr