Circulation sanguine, problèmes oculaires, diabète, démence : pensez à la myrtille !
Dans la quête éperdue aux antioxydants et autres nutriments essentiels à laquelle se livre un nombre croissant de personnes soucieuses de leur santé, les fruits et baies exotiques ont la cote. Açai, aronia, canneberge, noni, goji, mulberry et d’autres sont vantés pour leurs vertus et leur richesse nutritive. Et ce n’est pas volé. Cela dit, nous avons aussi sur notre bon vieux continent une petite baie d’un violet sombre aux qualités et vertus exceptionnelles : la myrtille.
Je le confesse, j’adore les myrtilles ! Tout gamin, j’allais cueillir la baie sur les massifs des Vosges chaque mois de juillet. Elle est facile à trouver, entre 350 mètres d’altitude et jusqu’au point culminant à un peu plus de 1 000 mètres. Les bonnes années, il n’était pas rare de pouvoir en ramasser jusqu’à 5 kg dans la journée.
Pour trouver les bosquets les plus productifs, il suffisait de suivre les vaches. Là où elles paissaient tranquillement, bien à l’abri d’une clôture barbelée, poussaient également les myrtilles les plus grosses et les plus savoureuses. Les plus faciles à cueillir, par la même occasion, puisque j’étais le seul ramasseur sur la pâture !
Les myrtilles s’accommodent de nombreuses zones en France ‒ du Jura à la Corse en passant par les Alpes, l’Auvergne, les Pyrénées ‒ ainsi que dans toute l’Europe du Nord, jusqu’en Asie centrale… En cette année tardive, on devrait pouvoir en cueillir jusqu’à début septembre au-delà de 1 300 mètres d’altitude. Mais si la cueillette ne vous dit rien, vous trouverez facilement des myrtilles de culture sur les marchés ou dans les commerces de primeurs, de juillet jusqu’à fin septembre quand l’année s’y prête.
En réalité, ce sont généralement des bleuets, originaires du continent nord-américain, aux baies plus grosses et présentant une chaire plus claire. Le bleuet offre deux ou trois avantages décisifs pour la culture : les plants montent jusqu’à plus de 80 cm de hauteur (contre 40 cm pour la myrtille sauvage d’Europe), leur rendement est très supérieur du fait de la taille et de la densité des baies, et en plus, la récolte s’étale sur une période plus longue de plusieurs semaines.
A l’achat aussi, on peut dire que c’est un fruit qui se mérite : son prix « d’accès » est rarement inférieur à 5 € la barquette de 500 g. Il en va de-même des compléments alimentaires à base de myrtille, généralement assez onéreux, qu’ils intègrent de la myrtille « sauvage » (Vaccinium myrtillus), des airelles (Vaccinium vitis idaea) ou du bleuet (Vaccinium myrtilloides et Vaccinium angustifolium).
Sous toutes ses formes, la myrtille est un pur délice
La myrtille est sensible au climat, et selon l’année, elle est abondante ou se fait carrément rare. Il faut donc s’armer de patience, d’un large couvre-chef et d’une bonne provision d’eau pour en faire récolte sur les coteaux ensoleillés. Ou ombragés selon les cas, car la myrtille se sent aussi très bien à l’abri des pins, par exemple.
Dans tous les cas, prenez bien soin de la laver par trempage au préalable dans de l’eau généreusement vinaigrée, car la myrtille sauvage, au ras du sol, est toujours susceptible d’être souillée, notamment par les urines et déjections de petits animaux. Le fruit peut alors véhiculer l’échinococcose alvéolaire, un parasite rare mais dangereux pour le foie.
La myrtille se prête traditionnellement à la confection de la fabuleuse tarte aux myrtilles, qui vous laisse les dents, la langue et le palais aussi violets que le fruit lui-même. Si d’aventure vous vous êtes levé la nuit pour finir le dernier morceau qui n’attendait que vous dans le frigo, impossible de nier…
La confiture de myrtille, c’est le grand classique ! Surtout un excellent moyen d’en profiter toute l’année jusqu’à la saison suivante. Cependant, la cuisson réduit considérablement les vertus santé de la petite baie. L’idéal reste donc le fruit frais. Ensuite, la myrtille se prête très bien à la surgélation ainsi qu’à la déshydratation,deux conditionnements faciles à pratiquer chez soi et désormais relativement bien distribués dans le commerce.
Des vertus éprouvées
La myrtille s’est imposée dans la pharmacopée de ses « berceaux » d’origine depuis des siècles. En Europe, nos variétés locales avaient déjà dévoilé leurs talents médicinaux avant le Moyen Âge. Les baies étaient connues pour traiter la diarrhée et la dysenterie, mais aussi pour interrompre la lactation ou pallier le scorbut, fréquent à l’époque. On savait également que les feuilles pouvaient aider à réguler la glycémie chez les diabétiques.
En Amérique du Nord, le bleuet (une variété cousine de notre myrtille européenne, mais aux baies plus grosses et un peu moins goûteuses) faisait partie de l’alimentation de saison partout où il poussait, et certaines tribus indigènes des régions canadiennes connaissaient les vertus des feuilles pour purifier le sang, soigner la colique infantile ou induire le travail chez la femme enceinte.
Plus près de nous, peut-être connaissez-vous la légende selon laquelle les pilotes de la Royal Air Force britannique affectionnaient la confiture de myrtille parce qu’elle leur prodiguait une meilleure acuité visuelle lors de leurs missions nocturnes, mais diminuait aussi les phénomènes d’éblouissement en conditions diurnes.
Atout majeur pour la circulation sanguine
Dans les années 80 et 90, plusieurs études, gentiment qualifiées de « non contrôlées », ont donné des résultats encourageants dans le traitement de l’insuffisance veineuse et la protection du système circulatoire, y compris de la microcirculation sanguine. Ces résultats indiquent que les extraits de bleuet ou de myrtille renforcent les capillaires, améliorent les fonctions contractiles des vaisseaux et protègent leurs parois.
Une étude menée en 2002 aux États-Unis et publiée par The Journal of Nutrition a démontré ces propriétés sur une population de souris, génétiquement modifiées pour être prédisposées à l’artériosclérose. Le groupe qui avait reçu pendant vingt semaines une supplémentation de poudre de myrtille présentait une réduction des dépôts sur les parois de l’aorte de 58 % et de 39 % sur les artères coronaires par rapport au groupe témoin.
Les extraits de myrtille (dont les anthocyanes sont parmi les substances les plus prometteuses) semblent capables de protéger les veines et les artères des dégâts liées au stress oxydatif, et d’augmenter parallèlement l’activité de certaines enzymes antioxydantes. Les parois étant moins lésées, elles se prêtent moins aux dépôts, qui n’ont finalement pour fonction première que d’éviter le pire à brève échéance…
Les yeux en profitent un max
Des milliers de personnes prennent quotidiennement une supplémentation à base de myrtille ou de bleuet pour prévenir les problèmes liés au vieillissement de leurs yeux. C’est l’un des meilleurs moyens préventifs pour ralentir la progression de la presbytie et tenir à distance les maladies dégénératives de l’œil. Les personnes déjà atteintes observent même souvent une légère amélioration.
Nos yeux, il faut le dire, sont plus que jamais mis à rude épreuve par notre vie moderne : l’agressivité du rayonnement solaire (du fait d’une moindre filtration par les couches supérieures de l’atmosphère), la pollution atmosphérique aussi bien en intérieur qu’à l’extérieur, les longues heures passées devant des écrans lumineux, le manque de sommeil, la progression des troubles de la glycémie, etc.
Ces phénomènes peuvent entraîner la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), mais aussi la cataracte et la rétinopathie diabétique, pour ne citer que celles-là… Mais ces dommages ne sont pas une fatalité, et l’on peut retarder leur manifestation. Les anthocyanes, mais aussi des flavonoïdes comme la quercétine, contenue dans les myrtilles, sont d’excellents protecteurs des cellules de l’œil contre l’absorption massive du rayonnement bleu (les écrans) et ultraviolet (soleil). Certaines formulations associent d’ailleurs plusieurs de ces flavonoïdes pour protéger les pigments maculaires et stimuler la microcirculation rétinienne (voir fin d’article).
Défense anti-démence
En plus de ses aptitudes à diminuer l’hypertension artérielle et à réduire le risque cardiovasculaire, la myrtille se révèle une réponse significative devant la dégénérescence des neurones du cerveau, à l’origine de la redoutable maladie d’Alzheimer.
Une étude présentée en mars dernier à l’occasion du 251e National Meeting & Exposition of the American Chemical Society dévoilait la pertinence d’une supplémentation en bleuet chez des personnes atteintes des premiers stades de la maladie d’Alzheimer, qui touche plus de 5 millions de personnes rien qu’aux États-Unis.
Sur un groupe de 47 adultes de plus de 68 ans présentant ces premiers signes de détérioration cognitive, les chercheurs ont donné aux uns l’équivalent d’une tasse de bleuets sous forme séchée et congelée, aux autres un placebo, et ce sur une durée de 16 semaines.
A l’issue de cette période, le groupe qui avait reçu les myrtilles montrait une amélioration significative de sa performance cognitive par rapport au groupe témoin, mesurable par une meilleure mémoire et un accès plus aisé au vocabulaire et aux concepts. Une IRM (imagerie par résonance magnétique) confirmait une activité cérébrale plus intense chez les mangeurs de myrtilles.
D’autres investigations ont connu des résultats plus nuancés, mais les recherches se poursuivent, notamment sur l’aspect préventif d’une consommation régulière de bleuets ou de myrtilles.
Le totum de myrtille pour freiner la progression du diabète
Tout comme Alzheimer, le diabète est promis, selon les prévisionnistes, à une progression dramatique dans les années à venir. L’usage traditionnel de la feuille et de la racine de myrtille (ou de bleuet) est confirmé par quelques recherches qui ont démontré leurs propriétés modulatrices sur la glycémie chez l’animal, notamment la souris et le chien.
Si les études n’ont pas permis de déterminer clairement quelles parties de la plante ni quelles substances (on suspecte les anthocyanosides et le chrome) sont véritablement à l’origine des effets protecteurs contre le diabète, il est néanmoins très clair que la myrtille permet de protéger des dégâts collatéraux inhérents au diabète, dont les dommages sur le système circulatoire et microcirculatoire, qui mènent trop souvent, à terme, aux amputations et à la cécité.
Le parallèle avec Alzheimer est d’ailleurs troublant, et le fait que la myrtille se montre efficace sur les deux pathologies interroge sur ce qu’elles pourraient avoir en commun. En effet, Alzheimer commence à être considéré par une partie de la communauté scientifique comme un « diabète de type3 », autrement dit un trouble du métabolisme qui entraîne la dégénérescence des neurones du fait qu’il leur devient progressivement impossible de s’alimenter en énergie.
Votre gastro-entérologue à domicile
La baie de myrtille est riche en fibres, ainsi qu’en tanins et alcaloïdes, une synergie qui lui confère un pouvoir de régulation du transit intestinal très utile pour calmer les colites, les diarrhées infectieuses et autres convulsions intestinales. On se servait autrefois dans les campagnes de la confiture, de la baie séchée réhydratée avec de l’eau chaude ou de macérats hydro-alcooliques avec le même succès chez le nouveau-né que chez les veaux ou les agneaux.
La myrtille est également capable de rétablir un transit paresseux, luttant contre les constipations plus ou moins opiniâtres. Le fait que ses fibres soient essentiellement de la famille des solubles l’indique également pour toutes les personnes qui souffrent d’un syndrome de l’intestin irritable. Non seulement tolèreront-elles très bien ce super-fruit, mais en plus profiteront-elles aussi de ses qualités nutritives qui sont, il ne faudrait pas l’oublier, assez exceptionnelles.
En effet, c’est un véritable « multivitamines » à elle toute seule (vitamines A, C et E), offrant en même temps une variété appréciable de minéraux (potassium, magnesium, calcium, fer, zinc…) mais aussi une palette complète d’acides gras, et bien sûr ces inestimables antioxydants permettant de mieux résister au temps qui passe.