Les bonnes poires d’hier et d’aujourd’hui
Reminéralisant, désaltérant, diurétique et même anti-cancer, ce fruit dont la peau regorge d’antioxydants est une vieille gloire pleine de ressources. À déguster et à cuisiner sans tarder !
Originaire d’Asie, le poirier (Pyrus communis) est l’arbre fruitier qui vit le plus longtemps : il peut être centenaire ! D’ailleurs, en sanskrit, le nom de la poire signifie littéralement « fruit éternel », car il convient à la santé de tous, tel un aliment universel. Les premières traces du poirier remontent à la préhistoire. Les Grecs le cultivaient déjà à l’époque d’Homère : dans son Odyssée, le poète désigne même la poire comme le « fruit des dieux ». On dit aussi que le Pirée, port proche d’Athènes, doit son nom aux poiriers qui abondaient dans la région. Ce sont ensuite les Romains qui ont disséminé cet arbre à travers l’Europe.
En France, une dizaine de variétés étaient exploitées au Moyen Âge, dont la Beurré et la Bon-Chrétien, qui existent encore. Désormais, plus de deux mille variétés poussent dans la plupart des régions du monde au climat tempéré, de la Chine (premier pays producteur) aux États- Unis, en passant par l’Europe, qui produit trois millions de tonnes par an.
Retour des variétés anciennes de poires
La France en produit 130 000 tonnes par an : les poires d’été sont notamment la Williams et la Pérouille ; en poires d’automne, on trouve la Beurré-Hardy et la Conférence ; en poires d’hiver, il y a par exemple la Gasparine et l’Angélys. En culture conventionnelle, la poire ne déroge pas à la règle : la grande diversité de ses variétés s’est réduite à une dizaine, cultivées pour la moitié d’entre elles en région Provence- Alpes-Côte d’Azur et, pour 17 %, en Auvergne-Rhône-Alpes. Cependant, la résistance s’organise autour des espèces anciennes : la poire Sarteau, en Pays dignois, a même sa fête tous les ans. C’est le village de La Javie qui a remis au goût du jour cette poire ancienne en la réimplantant dans ses vergers.
De même, l’association Fruits oubliés se porte garante d’une biodiversité digne de ce nom avec le sauvetage des poires Belle-Épine, Blanquet, Caillaou rosat (Aquitaine), Martin sec, Sarteau d’hiver, Crémésine (Alpes), ou encore Belle-Angevine et Bec de pigeon, pour ne citer qu’elles. Le coordinateur du réseau Fruits oubliés, Martin Lacroix, nous confie cependant : « Elles sont sauvées, certes, mais ne sont pas réintroduites dans l’agriculture de production, qui privilégie (même en bio) des fruits qui résistent au transport et sont gros ou de belle apparence. Mais c’est en train de changer, car la demande vient des consommateurs… » Dans le Puy-de-Dôme, l’association des Prés-vergers du Moulin organise régulièrement des séances de greffe pour sauvegarder des variétés fruitières anciennes, locales, régionales, mais aussi venues d’autres contrées (récemment, des poiriers de Roumanie). En août dernier, la belle poire Marguerite Marillat (entre 300 et 400 g) a eu droit à 290 greffes.
Vertus nutritionnelles
En diététique, on parle beaucoup de sa cousine la pomme, qui appartient comme elle à la famille des rosacées. Toutefois, la poire a des vertus nutritionnelles très proches : c’est l’un des fruits recommandés au moment de la diversification alimentaire des bébés. Et même si elle contient 12 % de glucides (saccharose, fructose et glucose), elle reste peu calorique (59 cal. pour 100 g). Riche en fibres (1,5 à 3 g pour100 g selon la variété), elle stimule en douceur le transit intestinal. Dans sa chair et dans sa peau (raison pour laquelle il faut la consommer bio si possible), on trouve aussi une...
bonne source de cuivre, un oligo-élément antiinflammatoire et anti-infectieux ; on y trouve aussi du potassium (130 mg pour 100 g), qui participe notamment à la transmission de l’influx nerveux et à l’équilibre acido-basique dans l’organisme ; les poires contiennent aussi du magnésium (7,82 mg pour 100 g), nutriment anti-stress par excellence.
Elle contient également de la vitamine C (antivirale et anti-inflammatoire), ainsi que de la vitamine B5 (un anti-fatigue et un anti-stress notoire) et de la vitamine B6 (anti-inflammatoire favorisant détente et bonne humeur). De nombreux autres oligo-éléments, minéraux et vitamines, dont le phosphore, le calcium, le fer, le sélénium, la vitamine E et les carotènes (antioxydants) sont présents en petite quantité, mais nourrissent tout de même nos petites cellules !
Quant à l’expression « garder une poire pour la soif », celle-ci n’est pas usurpée, car la poire est désaltérante avec ses 84 % d’eau, et sa texture juteuse est recommandée en cas de soif chronique. Reconnue comme diurétique, elle est conseillée en cas de jambes lourdes ou d’oedèmes.
Elle donne le meilleur d’elle-même après quelques jours de mûrissement post-récolte : c’est là que sa peau et sa chair contiennent leur plus fort taux de polyphénols antioxydants (acides phénoliques et flavonoïdes). Ce sont des substances « anti-vieillissement des cellules » qui, rappelons-le, préviennent l’apparition de maladies cardiovasculaires ou encore certains cancers. Parmi ces piégeurs de radicaux libres, on peut compter sur l’acide coumarique, un composé phytochimique très puissant qui produit non seulement de l’énergie pour lutter contre les infections (antiseptique urinaire, antifongique) et préserver l’immunité, mais lutte aussi contre les cellules cancéreuses.
Mode d’emploi
Bien la choisir
Choisissez une poire à la peau lisse, ferme, non abîmée, de préférence avec des taches marron. Elle doit être ferme sans être trop dure. Si elle doit mûrir un peu, laissez-la quelques jours à température ambiante.
La consommer
Pour être parfaitement digeste, elle doit être mûre. Idéalement, la chair doit céder sous une pression légère de vos doigts.
La conserver
Une fois mûre, on peut la conserver 2 ou 3 jours au réfrigérateur, sans l’envelopper ni l’entasser avec d’autres fruits et légumes (elle est fragile !).
La cuisiner
Ce fruit s’accommode aussi bien dans des recettes sucrées que dans des plats salés (chutneys et tajines, notamment). Crue, elle peut même accompagner les fromages !
Verrines poire-mangue
POUR 4 PERSONNES
Ingrédients
100 ml de lait végétal • 3 c. à soupe de noix de coco râpée • 3 belles pincées de gomme de guar • 350 g de mangue bien mûre et sucrée • 4 poires • Quelques pincées de noix de coco râpée et de fleurs comestibles séchées
Préparation
1. Au blender, mixez le lait avec la noix de coco râpée et la gomme de guar.
2. Ajoutez la mangue préalablement épluchée et coupée en morceaux. Mixez à nouveau, longuement, jusqu’à obtenir une texture lisse et onctueuse comme celle d’un yaourt.
3. Entreposez au réfrigérateur pendant 15 minutes.
4. Coupez les poires en quatre, enlevez le coeur filandreux et faites-les cuire pendant 2 minutes au cuiseur vapeur (l’eau doit déjà être chaude).
5. Répartissez les morceaux de poire tièdes au fond de quatre verrines. Versez le coulis de mangue par-dessus. Saupoudrez de noix de coco râpée et de fleurs séchées. Servez sans tarder.
Recette extraite de Je craque pour le cru !, de Sarah Bienaimé, éd. Terre vivante, 2017, 120 p.
Un fruit de choix en ayurvéda
Selon l’ayurvéda, médecine empreinte de spiritualité, la poire est associée à l’éternité. Joyce Villaume-Le Don, thérapeute en ayurvéda, nous explique : « La poire est tridoshique, c’est-à-dire qu’elle équilibre les trois doshas, autrement dit les trois constitutions (Vata, Pitta et Kapha). Elle est légère (ce qui est exceptionnel dans la catégorie des fruits) et c’est un excellent nutritif qui augmente la stabilité et la vitalité du corps. » www.ayurveda-consciences.fr
Connaissez-vous la poire de terre ?
Son goût sucré à mi-chemin entre la pomme et la poire fait de ce légume-racine une cousine éloignée de la poire. En apparence seulement, car la poire de terre (de son vrai nom yacón, Smallanthus sonchifolius) fait partie d’une autre famille botanique, les astéracées (comme les topinambours). Originaire des pays andins, la poire de terre a l’avantage de se consommer aussi bien cuite que crue. Peu calorique malgré sa saveur sucrée, elle contient de l’inuline, qui protège de certaines maladies cardiovasculaires comme l’athérosclérose, stimule le système immunitaire et la digestion grâce à son action prébiotique sur les bonnes bactéries du microbiote intestinal. Prisé par les diabétiques (l’inuline est un sucre simple qui n’est pas digéré par l’organisme), ce légume est aussi très facile à faire pousser dans son jardin et devient l’un des chouchous des permaculteurs grâce à un avantage indéniable : on ne lui connaît à ce jour aucun parasite et aucune maladie ! (Graines bio sur www. fermedesaintemarthe. com)
Cheesecake au panais et aux poires
POUR 4 PERSONNES
Ingrédients pour le « biscru »
50 g de noix • 100 g de flocons d’avoine • 10 pruneaux • 1 belle tombée d’huile de noix
Pour la garniture
1 panais (200 g) • 2 poires bien mûres (200 g) • 200 g de tofu soyeux • 1 ou 2 c. à soupe de miel de tilleul (ou autre miel clair) • 1 gousse de vanille • 2,5 g d’agar-agar • Quelques pincées de graines de pavot
Préparation
1. Mixez tous les ingrédients ensemble. Formez une boule avec la pâte obtenue. Abaissez-la à la main, sur un peu moins d’1 cm d’épaisseur, au fond d’un moule de 30 cm de diamètre (ou de 4 petits moules individuels) préalablement recouverts de papier cuisson.
2. Épluchez le panais et les poires avant de les tailler en dés, puis mixez-les.
3. Ajoutez le tofu soyeux, le miel et les grains de la gousse de vanille. Mixez à nouveau pendant quelques minutes.
4. Dans une casserole, faites chauffer quelques cuillères à soupe d’eau avec l’agar-agar. Portez à ébullition, laissez frémir pendant 30 secondes, puis ajoutez à la préparation. Mélangez.
5. Répartissez la garniture sur le « biscru », parsemez de graines de pavot et entreposez au réfrigérateur pendant plusieurs heures afin que l’agar-agar fige. 6. Au moment de servir, démoulez délicatement le cheesecake en faisant glisser le papier cuisson.
Recette extraite de Des légumes en dessert, d’Hélène Schernberg et Louise Broaweys, éd. Terre vivante, 2017, 96 p.
À savoir
Amis aux mains vertes, c’est à vous ! « Le meilleur moyen d’avoir à disposition des poires anciennes est de planter un arbre chez soi », conseille Martin Lacroix, coordinateur du réseau Fruits oubliés. L’automne est la saison idéale pour planter des arbres fruitiers. Rendezvous dans les fêtes locales ou chez un pépiniériste spécialisé dans les variétés anciennes. Sinon, adressez-vous aux associations telles que Présvergers du Moulin ou Croqueurs de pommes.