Soigner les maux du jardin et du potager avec les huiles essentielles
Décoctions et extraits fermentés de végétaux sont souvent utilisés pour renforcer et traiter les plantes du jardin. Mais saviez-vous que les huiles essentielles s'avèrent également des alliées curatives intéressantes ? Bien choisies et sans en abuser, elles luttent contre les insectes indésirables et les maladies qui sévissent dans les massifs et les potagers.
L’aromathérapie représente une alternative naturelle de plus en plus crédible aux produits phytosanitaires chimiques, nocifs pour l’environnement. Ainsi, une étude polonaise a démontré l’an dernier l’efficacité de sept huiles essentielles (pamplemousse, citronnelle, arbre à thé, thym, verveine, cajeput et litsée citronnée) comme fongicides potentiels contre des champignons parasites des cultures de blé. Éric Petiot, formateur en phytothérapie agricole, mène également ses propres essais depuis une dizaine d’années avec des associations d’agriculteurs biologiques et des chambres d’agriculture : « Il apparaît que ces molécules naturelles, bien utilisées, sont largement plus efficaces que les molécules de synthèse chimique ». Selon ses constatations, les maladies des arbres fruitiers, cultures céréalières, vignes, etc. peuvent être endiguées, souvent en un seul traitement, avec les huiles essentielles (HE) adéquates. Des connaissances utiles certes au monde agricole, mais aussi aux jardiniers amateurs qui, eux, n’ont plus le droit d’employer des pesticides de synthèse depuis 2019.
Agir vite pour éviter la contagion
Néanmoins, l’aromathérapie doit s’utiliser à bon escient, souligne Brigitte Lapouge-Déjean, auteure de Je prépare mes potions pour le jardin (éd. Terre vivante) : « Je recommande l’usage des huiles essentielles en mode curatif lorsque d’autres solutions plus douces n’ont pas fonctionné. Elles sont très puissantes, il faut donc y recourir lorsque c’est vraiment nécessaire et les utiliser uniquement sur les végétaux et surtout pas dans la terre ». En effet, leurs molécules aromatiques peuvent altérer la vie des sols en détruisant les bonnes bactéries ainsi que des insectes utiles. Il faut donc éviter leur usage par temps pluvieux. Gare aussi au plein soleil car les huiles essentielles, même très diluées, risquent de brûler les végétaux. Les traitements se feront tôt le matin ou en soirée. L’experte, qui a créé les Jardins de l’Albarède en Dordogne, invite aussi à se questionner avant de traiter : « Dans un environnement sain, les problèmes se règlent en général naturellement. Par exemple, les pucerons seront assez vite éliminés par des insectes auxiliaires comme les coccinelles ». L’apparition de grandes colonies d’insectes ou la présence répétée de champignons pathogènes peut ainsi révéler un mauvais choix d’emplacement des massifs ou un déséquilibre de l’écosystème. Si l’aromathérapie peut soigner la plupart des maux du jardin, nos spécialistes préfèrent la réserver aux vraies invasions d’insectes ou aux maladies récalcitrantes.
Lors de ses formations destinées aux agriculteurs et aux jardiniers avertis, Éric Petiot enseigne comment choisir les bonnes huiles essentielles. Celles composées de phénol, tels l’origan, le clou de girofle ou la sarriette, possèdent notamment des propriétés fongicides. Au printemps, les jardiniers surveillent l’apparition du mildiou, caractérisé par une décoloration jaunâtre des feuilles et une substance blanchâtre qui nécrose les tomates, fraisiers, pommes de terre, épinards, choux… Il est favorisé par une météo chaude et humide, tout comme l’oïdium, un autre champignon qui déforme les feuilles et fait avorter les jeunes pousses et boutons floraux des rosiers, aubépines, courges, melons...
, tomates, groseilliers… « Il est nécessaire d’agir vite pour éviter la contagion et préserver le cycle de vie des légumes, qui est très court », avertit Brigitte Lapouge-Déjean. Traiter en aromathérapie va dessécher les champignons : « On voit que le traitement a fonctionné et brûlé le mildiou ou l’oïdium lorsque la plante a pu créer un cercle rouge de protection autour de la zone attaquée », décrypte Éric Petiot.
Ma formule pour lutter contre le mildiou et l’oïdium
Par Éric Petiot, expert et formateur en phytothérapie agricole
Propriétés : Brûle les champignons et crée une zone de barrage
Indications : Attaque de champignons pathogènes
Pulvérisation foliaire
- HE d’origan compact ou de clou de girofle Origanum compactum ou Eugenia caryophyllus 15 ml
- HV de colza ou d’olive*15 ml
- Savon noir ou liquide vaisselle bio 10 à 30 ml
- Eau de pluie 10 litres
* Choisir une huile de première pression à froid
Procédé de fabrication : Mélanger dans un seau l’HE d’origan compact ou de clou de girofle avec l’huile végétale de colza ou d’olive et ajouter le savon noir ou liquide vaisselle en solubilisant bien. Rajouter de ce tensio-actif si ce n’est pas assez homogène. Verser l’eau de pluie sur le tout, en mélangeant bien. Transvaser la préparation dans un pulvérisateur.
Posologie : Pulvériser sur les feuilles une seule fois, un matin ou un soir, en évitant la pluie pour ne pas diluer le traitement et le soleil ardent pour ne pas brûler les feuilles. Observer comment se dessèche le champignon. Si la plante crée un rond rouge protecteur autour des zones atteintes, c’est bon signe. Traiter à nouveau jusqu’à disparition du champignon.
Précautions d’emploi : Bien se protéger les mains et la peau avec des gants, car l’origan peut être dermocaustique.
HE = huile essentielle 1 ml = 25 gouttes HV = huile végétale
Par Éric Petiot, expert et formateur en phytothérapie agricole
Préparation simple et peu coûteuse
Pour lutter contre les colonies de pucerons qui absorbent la sève des jeunes pousses avec leurs rostres tout en leur injectant une salive toxique, nos experts conseillent des huiles essentielles aux propriétés insecticides comme la citronnelle de Java, très puissante grâce à sa forte teneur en aldéhydes, ou encore la menthe poivrée. Celle-ci contient des monoterpénols capables de contrer le développement des pucerons et des chenilles défoliatrices. Mais une infestation répétée peut aussi indiquer que les plantes ne sont pas en adéquation avec le sol, auquel cas les huiles essentielles joueront les pompiers sans régler le problème. Il est recommandé dans tous les cas d’avoir la main légère en traitant une seule fois correctement contre ces insectes et maladies avant de recommencer au bout d’une semaine, seulement si les intrus reviennent en masse.
Ces traitements seront efficaces si les molécules aromatiques pénètrent bien les végétaux soignés. Pour cela, il est indispensable de diluer les essences de plantes. Éric Petiot partage avec nous un mode de préparation simple et peu coûteux, valable quelle que soit l’huile essentielle choisie. Dans les formules proposées ici, les HE sont mélangées à de l’huile de colza ou d’olive par exemple. Cet enrobage permet une bonne pénétration du mélange dans le système foliaire des végétaux. On choisit une huile végétale de première pression à froid pour préserver les acides gras aux vertus insecticides intéressantes. Plus le mélange est homogène, plus il est efficace et imprègne la plante traitée, c’est pourquoi il est nécessaire d’ajouter un tensio-actif comme du savon noir ou du liquide vaisselle bio. Puis il ajoute de l’eau de pluie en la dynamisant grâce à un petit secret : « Je remue le mélange avec un bâton une minute dans un sens puis une minute dans l’autre pour créer un vortex et charger la préparation en électrons afin de réduire son oxydation. J’ai d’ailleurs mesuré cet effet avec des électrodes ».
Ma formule pour contrer les invasions de pucerons
Propriétés : Insecticide, insectifuge, répulsive grâce au citronellal, cet aldéhyde est très puissant contre les pucerons
Indications : En cas d’invasion de pucerons sur les plantes et les légumes
Pulvérisation foliaire
- HE de citronnelle de Java Cymbopogon winterianus 15 ml
- HV de colza ou d’olive * 15 ml
- Savon noir ou liquide vaisselle bio 10 à 30 ml
- Eau de pluie 10 litres
* Choisir une huile de première pression à froid.
Procédé de fabrication : Mélanger dans un seau l’huile essentielle de citronnelle avec l’huile végétale de colza ou d’olive et ajouter, jusqu’à parfaite homogénéisation du mélange, le savon noir ou à défaut du liquide vaisselle, qui agira comme tensio-actif en solubilisant bien. Verser l’eau de pluie sur la préparation en mélangeant bien. Transvaser la préparation dans un pulvérisateur.
Posologie : Pulvériser sur les feuilles une seule fois, un matin ou un soir, en évitant la pluie pour ne pas diluer le traitement et le plein soleil pour ne pas brûler les feuilles. Attendre une semaine et observer si l’invasion des pucerons reprend avant de réitérer le traitement, si nécessaire.
Précautions d’emploi : Bien se protéger les mains et la peau avec des gants.
À savoir : Si quelques pucerons seulement reviennent une semaine après le traitement, mieux vaut éviter de le réitérer pour ne pas fatiguer la plante.
HE = huile essentielle 1 ml = 25 gouttes HV = huile végétale
Par Éric Petiot, expert et formateur en phytothérapie agricole
Une semaine après avoir traité, il est recommandé de soutenir l’action des huiles essentielles en aidant les végétaux convalescents à se renforcer. Brigitte Lapouge-Déjean préconise d’appliquer du purin de consoude. Si le climat est chaud et humide, Éric Petiot conseille de recourir à une décoction de prêle pour relancer la croissance de la plante, alors qu’on privilégiera un extrait fermenté d’ortie pour régénérer les défenses affaiblies des végétaux en cas de météo chaude et sèche. Phyto et aromathérapie se relaient au chevet des arbustes du potager… et de notre environnement.
En plus des huiles essentielles
L’aromathérapie intervient surtout en mode curatif ponctuel. Après ces traitements, on peut renforcer les plantes de manière douce avec un extrait fermenté (purin) de consoude à l’action rééquilibrante. Voici la recette de la jardinière-paysagiste Brigitte Lapouge-Déjean, extraite de son guide Je prépare mes potions pour le jardin (éd. Terre vivante).
Purin de consoude
Ingrédients : 1 kg de consoude fraîche ou 100 g de plante séchée (feuilles, tiges et sommités fleuries) pour 10 litres d’eau.
Préparation : Se protéger avec des gants, car la consoude est urticante. Hacher au couteau en écrasant au maximum les tiges gorgées de jus. Mettre le hachis dans un seau et y verser 10 litres d’eau. Mélanger pour bien imbiber la plante, et stocker entre 15 et 25 °C. Remuer tous les jours, jusqu’à l’apparition de bulles de fermentation. 5 à 10 jours plus tard, les bulles doivent disparaître, le purin est alors prêt à l’emploi.
Utilisation : Filtrer et diluer à 20 % dans de l’eau de pluie pour l’utiliser en arrosage au sol. Arroser une fois quelques jours après un traitement anti-insecticide ou fongique, à réitérer 2 à 3 fois de suite tous les 10 jours.
Bon à savoir : Les purins de plantes se conservent une semaine s’il ne fait pas trop chaud, ou plusieurs mois à condition d’être stockés à la cave dans des bidons bien fermés.
Éric Petiot, formateur en phytothérapie agricole