Tour du monde des orchidées thérapeutiques
Leur immense popularité comme plantes ornementales cache un autre usage aussi méconnu que répandu : les orchidées figurent, depuis l’aube des civilisations humaines, au nombre des plantes utilisées pour leurs vertus médicinales sur les cinq continents.
Aujourd’hui, elles ornent les salons du monde entier. Mais si ce succès est l’apanage d’une poignée d’espèces d’orchidées tropicales facilement cultivables (notamment, Phalaenopsis), des centaines d’autres ont revêtu — et revêtent encore par endroits — un autre rôle, plus méconnu. Car cette immense famille de plantes à fleurs, dont les 30 000 espèces arborent une foisonnante variété de formes et couleurs intrigantes, a rayonné dans la pharmacopée traditionnelle à travers les âges, les continents et les civilisations. Que ce soit comme aphrodisiaques, toniques ou digestifs, ce sont en effet pas moins de 130 espèces qu’une revue savante a recensées dans les ouvrages historiques recueillant les pratiques herboristes des peuples du monde entier. Les orchidées sont mentionnées dans les premiers écrits en la matière, aussi anciens que le troisième millénaire avant J.-C., en Chine.
Ainsi, dès l’aube de leur civilisation, les Chinois furent les premiers à cultiver les orchidées et à découvrir leurs vertus médicinales. Ils donnèrent à ces fleurs le nom poétique de « lan », évoquant la supériorité, l’élégance, la virilité, la force et la beauté. Des figures aussi influentes que le héros Shennong (il y a plus de 4 500 ans) et Confucius (VIe et Ve siècles av. J.-C.) font mention dans leurs ouvrages d’orchidées médicinales des genres Bletilla, Dendrobium et Cymbidium. Ce dernier gagne même le titre de « Roi des plantes parfumées ». Au fil des dynasties, l’engouement pour ces plantes ne se dément pas. Au XIIIe siècle, le savant Wang Kuei-hsueh leur consacre tout un traité, et en fait le symbole d’une personnalité parfaite. Dans le Japon voisin, les orchidées sont également vénérées et chaque classe sociale en cultive une espèce particulière ...
: Neofinetia falcata chez les samouraïs, Cymbidium chez les marchands et Bletilla chez les paysans. La légende rapporte que le Premier Empereur chinois (IIIe siècle av. J.-C.), parvint à s’assurer une descendance en plaçant, sur l’avis de son médecin, une magnifique orchidée dans les appartements de son épouse, qui ne parvenait pas à enfanter. Une hampe de 13 boutons se développa, exhalant un parfum tellement enivrant que l’impératrice mit au monde 13 garçons !
Propriétés aphrodisiaques
En Inde, les orchidées figurent déjà dans les plus anciens traités ayurvédiques. Orchis latifolia apparaît dans le fameux Sushruta Samhita, rédigé six siècles avant notre ère, comme ingrédient du remède anti-tussif munjatak. Une autre variété, Vanda roxburghii était prescrite dans la littérature sanskrite ancienne comme remède contre les rhumatismes, les fractures et les affections nerveuses. En Malaisie et en Indonésie, on attribue ces mêmes propriétés aphrodisiaques au genre Lissochilus, employé aux côtés de nombreuses autres espèces locales à effet antiémétique, vermifuge ou encore fébrifuge.
Et sur le Vieux Continent ? Là encore, on retrouve des emplois liés à l’activité sexuelle. C’est d’ici que vient le nom qui s’est imposé à toute la famille : Orchis, un genre endémique d’Europe baptisé par le père de la botanique, Théophraste (IIIe siècle av. J.-C.) du nom grec désignant les testicules. Ceci à cause de la forme des tubercules dont sont pourvues nombre d’orchidées européennes. D’où l’usage de ces plantes pour stimuler la vigueur sexuelle ou la fertilité. Au XVIIe siècle on alla jusqu’à baptiser les orchidées « Satyrion feminina », les jugeant capables d’induire chez la femme un comportement rappelant celui des satyres. En parallèle, on recense aussi en Europe des préparations populaires visant à soigner les maladies débilitantes (l’orchidée géante Epipactis gigantea), la goutte, les rhumatismes…
En Afrique du Sud, les Zoulous consomment des infusions d’Ansellia et d’Habenaria pour leurs propriétés émétiques, anti-diarrhéiques, analgésiques ou… aphrodisiaques. Mais l’emploi contraire se retrouve aussi : Ansellia humilis pouvait servir de poison pour rendre stériles les jeunes filles ! Un usage analogue à celui des graines de Cymbidium madidum, utilisées comme contraceptif par les aborigènes australiens. Enfin, en Amérique, l’usage d’orchidées est attesté chez les Aztèques (notamment la vanille, lire l’encadré), de même que chez les Cherokee, les Iroquois et d’autres peuples indigènes d’Amérique du Nord. Un savoir ancestral qu’ils ont transmis aux colons après l’invasion. Ils consommaient des orchidées locales du genre Cypripedium, apparentées au sabot de Vénus, en particulier C. parvifolium, pour ses propriétés antispasmodiques et sédatives. Le genre Goodyera, notamment G. pubescens, servait de remède infaillible contre la morsure de chiens enragés et les écrouelles.
Ce large éventail d’usages thérapeutiques reflète curieusement la diversité d’apparence des orchidées de par le monde. Un potentiel que la médecine moderne commence à explorer.
Aztèques et orchidée
Le fruit de Vanilla planifolia, qui n’est autre que la gousse de vanille qui parfume nos plats, était connu des Aztèques, dont elle parfumait les boissons à base de cacao. Elle figure dans le Codex Badiano, le plus ancien texte médicinal d’Amérique, composé par Martín de la Cruz en 1552. Il rapporte que les Aztèques prêtaient à cette orchidée des vertus pour le traitement de l’impuissance, de l’hystérie, de la fièvre et des rhumatismes et l’utilisaient également pour stimuler le déploiement d’énergie des muscles.