Le Rougier de Camarès, un désert aux senteurs de garrigue
Délimité au nord par la vallée du Tarn et à l’est par les Causses de l’Aveyron, le Rougier de Camarès est le plus vaste rougier de France. Ce désert miniature accueille des plantes de garrigue et de maquis qui fleurent bon le Sud. Immersion.
Comme un avant-gout coloré,les premiers pas se font dans le village aux pierres rouge brique de Montlaur. Une couleur qui par la suite ne quitte plus le promeneur. le sentier l'emmène bien loin de toute zone habitée pour serpenter entre deux mondes qui semblent s'opposer. D’un côté, la généreuse rivière du Dourdou, bordée d’arbres qui aiment vivre les pieds dans l’eau, saules et peupliers drapés de guirlandes de lierre toujours vert. De l’autre, une falaise de grès rouge aussi aride que cramoisie.
Le rougier est une formation géologique particulière que l’on retrouve aussi dans le massif des Maures et dans les gorges du Cians et de Daluis. Ce relief date du Permien, il y a 300 millions d’années, une époque lointaine qui a vu évoluer les ancêtres des dinosaures. Sous un climat chaud et humide, le socle du Massif central s’est érodé, ce qui a conduit à de nombreux dépôts sédimentaires. Deux types de roches ont alors vu le jour. Les sédiments les plus grossiers ont donné des grès, utilisés depuis des siècles dans la construction de maisons dans les villages alentour. Au centre des rougiers, des éléments plus fins se sont déposés : les pélites, très sensibles à l’érosion, qui donnent leur aspect dunaire au paysage.
Hôtes méditerranéens
De cette terre sèche et rouge émanent des effluves qui viennent ravir les narines : celles du thym. Du thym en Aveyron ? On est pourtant loin de la Provence, mais ce paysage exceptionnel du sud du département jouit d’un climat méditerranéen. Les vents chauds et secs, qui découragent bien des végétaux de s’installer, favorisent la présence de cette plante aromatique. Elle s’épanouit en de nombreux bouquets argentés, au ras du sol.
Agrippé au sol friable, on croise aussi le chêne vert, avec ses petites feuilles dentelées. Cet hôte méditerranéen, qui n'est vu nulle part ailleurs dans la région, pousse fréquemment au côté du chêne pubescent. Ce...
dernier est reconnaissable aux poils fins qui couvrent le revers de ses feuilles. L'écorce de chênes, riches en tanins, possède des qualités astringentes. Un bain dans une décoction d’écorce de chêne vert est notamment recommandé pour soulager les engelures. Le buis, omniprésent, accroche aussi l’œil tout au long du parcours. Il forme des buissons dont les nombreuses petites feuilles brillantes ont l’air d’avoir été cirées. L’arbuste est reconnu pour ses propriétés antivirales, fébrifuges et sudorifiques. Ses feuilles peuvent être prescrites, mais uniquement sur ordonnance médicale : contenant des alcaloïdes, le buis peut être toxique.
Graminées anti-érosion
Le chemin couleur lie de vin continue à monter et descendre en pente douce dans ce paysage vallonné qui marque l’extrême sud du Massif central. On croirait fouler le sol de la planète Mars, bombé de dunes rouges et creusé de profondes ravines. Mais contrairement à cette lointaine planète, ici, le règne végétal est bien présent. Il soigne même ce sol mouvant. Certaines plantes s’évertuent à contrer l’érosion qui menace constamment le rougier. Les chênes, qui dominent le haut des talus, sont aidés dans cette tâche par le brome dressé. L’humble graminée forme parfois des gazons fournis, qui aident à retenir les pélites.
Mais la mise en culture grignote cet espace sensible, aggrave parfois le ravinement des sols et menace la persistance des tapis végétaux. Car même si les landes à thym restent arides, le labourage et l’irrigation les rendent cultivables. Le développement de l’élevage de brebis, pour la production du fromage de Roquefort, a entraîné une intensification des cultures fourragères telles que la luzerne.
Patchwork agricole
L’arrivée sur la crête pour le dernier quart de la promenade offre une vue magnifique sur le château de Montaigut adossé aux Causses, avec le rougier à son pied. On peut admirer de loin de magnifiques falaises ravinées restées sauvages. À leurs côtés, l’agriculture contemporaine a créé un patchwork avec ses carrés de champs où la terre retournée, scarifiée, abreuve nos yeux de son rouge sang.
Pour finir en beauté, on évitera de rejoindre Montlaur par le chemin qui traverse des champs nus. On suivra plutôt les flèches destinées aux VTTistes, qui nous emmènent une dernière fois au cœur des canyons. Les senteurs de thym, persistantes, continueront d’enchanter les sens jusqu’à la fin de ce voyage. Elle ne ressemble à aucune autre, la planète rouge aveyronnaise.
En partant du village de Montlaur
De la place du village, suivez le balisage jaune et descendez vers le Dourdou en direction de Briols. À Briols, continuez sur la route jusqu’à un chemin sur la gauche dans lequel vous vous engagerez. Une statue menhir trône dans le tournant. Il mène au cœur du rougier. Après avoir franchi un petit ruisseau, le sentier longe le ravin sur la crête bordée de chênes. Quand le chemin redescend, prenez à gauche et passez devant La Grange. Continuez jusqu’à atteindre le haut de la crête et la vue sur le château de Montaigut. Un peu avant le bout de la crête, le balisage indique le chemin agricole sur la gauche pour rejoindre Montlaur. Choisissez de suivre les flèches pour les VTT afin de descendre au milieu du rougier puis retrouver le village. Durée de la balade : 3h30
Dorycnie (Dorycnium pentaphyllum)
Plante méditerranéenne, la dorycnie à cinq folioles, ou badasse, est une excellente mellifère. Son pollen parfume de façon particulière le miel de Rougier. Cette spécialité locale possède une saveur douce et parfumée grâce notamment aux pollens de thym et de cistes. Mais les abeilles collectent aussi généreusement les pollens du buis, très mellifère, et du chêne vert. Et en été, les ouvrières visitent les nombreux champs alentour et butinent luzerne et sainfoin.
Gagée des rochers (Gagea bohemica saxatilis)
Au mois de janvier et de février, alors que la flore est encore assoupie, le rougier a la chance d’accueillir une fleur précoce qui le couvre par endroits d’un tapis jaune éclatant. Haute d’à peine quelques centimètres, la gagée des rochers, plante protégée au niveau national, vient ainsi s’ajouter à la mosaïque de couleurs déjà surprenante du lieu. Ciel bleu, terre rouge et fleurs dorées par milliers forment un spectacle à ne pas manquer.