De Monardes à la monarde...
Les botanistes ont souvent donné à des plantes le nom d'un personnage qu'ils souhaitaient honorer. Mais avec le temps, il est arrivé que l'on oublie cette origine, surtout quand la plante n'était pas liée à celui dont elle porte le nom. Ce mois-ci, découvrons qui se cache derrière le nom des monardes.
Les monardes comptent une quinzaine d'espèces de lamiacées, toutes originaires d'Amérique, qui embellissent les jardins européens depuis le XVIIIe siècle, notamment la plus connue d'entre elles, la monarde pourpre (Monarda didyma). Leur caractère aromatique et leurs propriétés thérapeutiques, depuis longtemps connues des Indiens, leur confèrent une place de choix dans notre pharmacopée.
Ces plantes doivent leur nom à l'Espagnol Nicolás Bautista Monardes (vers 1508-1588), un médecin de Séville qui s'intéressait particulièrement à la pharmacologie et faisait lui-même commerce de remèdes. Il publia plusieurs ouvrages sur le sujet, notamment sur les propriétés médicinales des roses, des agrumes et des bézoards, ces concrétions tirées de l'estomac de certains animaux auxquelles on prêtait toutes sortes de vertus extraordinaires. Surtout, Monardes était remarquablement situé pour étudier les plantes venues du Nouveau Monde : en effet, Séville était alors un port important où affluaient les galions de retour des...
nouvelles colonies espagnoles du Mexique et d'Amérique du Sud. Il publia ainsi à partir de 1565 un important traité illustré, Historia medicinal de las cosas que se traen de nuestras Indias Occidentales (« histoire médicinale des produits qu'on rapporte de nos Indes occidentales »), dont un volume fut dédié au roi Philippe II. Il y décrivait, toujours dans une perspective thérapeutique, de nombreuses plantes américaines telles que le tabac, qui certes était connu avant lui, mais dont il contribua à répandre l'usage, y voyant une véritable panacée susceptible de guérir une multitude de maladies. Cet ouvrage, traduit dans plusieurs langues, connut un succès considérable.
Mais paradoxalement, Monardes ne connaissait pas les monardes ! Celles-ci poussent en effet pour la plupart dans des régions d'Amérique plus septentrionales que celles avec lesquelles il était en contact. C'est surtout à partir de la fin du XVIIe siècle, avec l'exploration des futurs États-Unis par les colons britanniques, que ces plantes apparurent en Europe. Le botaniste anglais Leonard Plukenet en proposa une des premières illustrations en 1691 sous le nom de « clinopodium de Virginie », et c'est le naturaliste suédois Carl Linné qui, en 1737, dans son Hortus Cliffortianus, leur donna leur nom de genre latin, Monarda. En effet, Linné avait coutume de nommer des plantes en hommage à des personnages auxquels il reconnaissait une importance dans les progrès de la botanique, sans qu'il y ait forcément un rapport clair entre l'homme et le végétal. Pour lui, Monardes avait sa place dans le panthéon botanique et méritait d'avoir une plante à son nom. En 1753, il reprit ce nom dans le Species plantarum, ouvrage reconnu encore aujourd'hui comme le point de départ de la nomenclature binomiale officielle – chaque plante étant désignée par deux mots, le nom de genre suivi du nom d'espèce. C'est ainsi que les monardes trouvèrent leur dénomination définitive.