Histoire de la Maladrerie Saint-Lazare
À Beauvais, dans l’Oise normande, un lieu atypique et unique a su traverser le temps et ses aléas : une ancienne léproserie du XIIe siècle, dont l’architecture et les jardins nous plongent au cœur d’une ambiance médiévale teintée d’inspiration contemporaine.
Patrimoine inestimable, la maladrerie Saint-Lazare serait l’un des uniques témoins de l’architecture hospitalière de l’époque médiévale. Ce grand domaine implanté sur trois hectares nous invite à la flânerie comme à la curiosité en offrant au regard plusieurs chefs-d’œuvre, tels que sa grange monastique et sa charpente de 1219, ou encore sa chapelle et son curieux jardin d’inspiration médiévale.
Ici, l’expression « un lieu chargé d’histoire » prend tout son sens. L’histoire que racontent ses murs est liée à celle des lépreux qui, isolés du monde, étaient déclarés morts parmi les vivants. Ils étaient toutefois bien traités, bénéficaient d’un gîte, d’un couvert et étaient soignés par une communauté de religieuses. Car le lépreux, vu comme un paria, renvoyait aussi les croyants à l’image du Christ souffrant. C’est aussi ce qui explique la grande richesse de ce domaine, entretenu à travers les siècles, que de nombreux dons en argent et en terre ont valorisé. Symbole d’enfermement et d’exclusion au Moyen Âge, la maladrerie Saint-Lazare a réussi au fil du temps à tendre vers la notion de partage, et aujourd’hui de culture.
Lieu nourricier et paradis terrestre
De la bergerie à la grange en passant par la chapelle, le logis, la léproserie et le cimetière, c’est une promenade à travers 800 ans d’histoire à laquelle le visiteur est convié. Le point d’orgue : un curieux jardin dit « en carré », aménagé dans la cour de la ferme, autour duquel subsistent quelques pieds de vigne et une haie de hêtres. «Ce jardin, totalement réhabilité, est à la fois considéré comme un lieu nourricier et un paradis. Un espace qui se définit par contraste: un lieu qui porte...
l’empreinte de l’Homme, par opposition au désordre de la Nature », nous explique Sophie Lechevalier, la responsable du site. Ces six carrés cernés de plessis représentent en effet le travail de l’homme qui, en élevant la terre au-dessus de la matière, élève son âme vers Dieu. Jardins de Marie et du cloître, carré des simples, carré des plantes potagères et des céréales ou encore carré où se mêlent arbres fruitiers et quelques vignes protégées par de jolies roses illustrent à merveille l’alliance entre inspirations médiévale (méthode de jardinage) et contemporaine (jardin d’agrément).
Vous y trouverez de la lavande, du romarin, de la menthe, du fenouil, de l’absinthe, du thym, de la sauge et de l’hysope, ainsi que de nombreux légumes d’ici et d’ailleurs tels que le chou et ses variantes, ainsi que de la chayote, aussi connue sous les noms de christophine aux Antilles et de chouchou à La Réunion. Le cloître, divisé en quatre carrés engazonnés, est d’un vert si intense qu’il appelle à la méditation, à la prière et au recueillement. Tout autour, la rue (Ruta graveolens) est utilisée pour faire fuir les rongeurs. Quant au jardin de Marie, il abrite de nombreux rosiers, dont une espèce comestible nommée Rosa gallica, des lis, des iris, des violettes...
La biodiversité règne ici en maître, et le respect de son équilibre est un postulat. Épargnée par les traitements chimiques, la nature est mise en valeur. Une philosophie qui permet de redécouvrir une flore spontanée, notamment ces plantes appelées à tort « mauvaises herbes », pourtant typiques des jardins médiévaux. Le jardin de la maladrerie Saint-Lazare se veut ainsi un lieu d’inspiration pour celles et ceux qui souhaitent tenter cette microculture sur leur terrain. Et qui, comme ici, s’efforcent de préserver le patrimoine végétal, conscients que la nature fait partie intégrante de notre culture.
Esthétisme et spiritualité
Très tôt, les hommes ont eu besoin de montrer leur attachement à la nature et ont tenté de la contrôler, lui accordant une importance esthétique et spirituelle. C’est ainsi qu’ils cultivent plantes et légumes en les répartissant dans des carrés, des formes géométriques, référence nostalgique au jardin d’Éden, où l’homme pouvait se retrouver à l’abri des difficultés de la vie, où l’âme cherchait à s’élever de la terre vers le ciel. Au bas Moyen Âge, le jardin est un lieu clos et utilitaire (Hortus conclusus). Au haut Moyen Âge apparaissent les jardins d’agrément (Hortus deliciarum), lieux privilégiés du repos et de l’amour. Se crée ainsi une succession d’espaces clos permettant de conserver l’intimité propice à la méditation et à la prière. Symbole de perfection, ces jardins sont d’ailleurs voués au chiffre 4, évoquant la forme d’une croix : le carré des simples, le potager, le jardin d’agrément et le jardin de Marie. Même la couleur des plantes suit un rythme régulier de jaune, vert, orange et rouge. Quant à la fontaine, toujours au centre, elle symbolise la pureté et ses 4 jets rappellent les 4 fleuves du paradis...
En pratique
Renseignements
Du 1er avril au 30 septembre, du mardi au dimanche de 11h à 18h. Gratuit. Tél : 03 44 15 67 62 Le lieu propose de nombreux événements toute l’année (concerts, spectacles, expositions...). 4e Journée des plantes les 9, 10 et 11 septembre. Suivez le calendrier musical et artistique sur www.maladrerie.fr.
Y aller
Prendre l’autoroute A1 en direction de Lille, apéroport Charles de Gaulle. Sortie Saint- Denis Université, continuer sur la N1, puis la D301 vers Calais. Rejoindre l’A16 à Amblainville, sortir à Beauvais centre, suivre la direction centre puis prendre à gauche la D 139 et continuer jusqu’à la maladrerie. En train, compter 1h15 depuis Paris gare du Nord.
Hébergement
Chambre d’hôtes du Moulin des huguenots, à Fouquenies (à l’ouest de Beauvais) Tel : 03 44 79 02 15, chambre de 2 personnes avec vue sur la rivière: 60 euros.