Sexe, pistaches et botanique
Il suffit parfois d’un arbre pour secouer les théories scientifiques. Voici l’histoire du pistachier qui permit à Sébastien Vaillant de confirmer celle sur la sexualité des plantes.
Au coeur du Jardin des plantes de Paris se niche le jardin alpin. Un petit passage souterrain débouche sur cette oasis montagnarde. Caché là depuis 300 ans se tord un vieux pistachier qui a secoué la botanique au 18e siècle. En 1717, le botaniste Sébastien Vaillant va s’en servir pour confirmer la théorie de la sexualité des plantes. Car malgré la démonstration de Rudolf Jakob Camerarius, un botaniste allemand, l’ancienne théorie de la virginité des plantes était toujours en vigueur (voir Plantes et Santé n° 154).
Le pistachier avait été planté par Joseph Pitton de Tournefort, à son retour d’un voyage en Chine. Or le professeur de Vaillant, détenteur de la chaire de botanique, était un farouche opposant à la sexualité végétale. Il considérait...
le pollen comme un excrément de la plante. De son côté, convaincu par les découvertes de Camerarius, Vaillant décide d’expérimenter. Il suppose que le pistachier qui fleurit chaque année sans jamais donner de pistache est un arbre femelle. Le botaniste a connaissance d’un arbre supposé mâle au Jardin des apothicaires. Afin de tester l’hypothèse du pouvoir fécondant du pollen, Vaillant coupe un rameau en fleurs du pistachier mâle pour saupoudrer son pollen sur les fleurs de l’arbre femelle. Pour la première fois, ce dernier porte des fruits.
Un discours cru qui fait date
Fort de cette démonstration, Vaillant est bien décidé à professer l’existence de la sexualité des plantes. Tournefort, mort en 1708, a été remplacé par Antoine de Jussieu, toujours attaché aux idées de son prédécesseur. Vaillant occupe quant à lui le poste de professeur remplaçant de Jussieu. En cette fin de printemps 1717, ce dernier part en voyage en Espagne. Vaillant va pro ter de cette absence pour donner un cours qui fera date, son Discours sur la structure des fleurs. Non content de dé er la pensée académique de son temps, le botaniste utilise un langage cru propre à choquer la bonne société. À son retour d’Espagne, Jussieu est outré lorsqu’il apprend le coup d’éclat de son remplaçant. Il est d’autant plus irrité que les étudiants réclament que Vaillant leur dispense de nouveaux enseignements. Le botaniste réitère ses assauts contre une théorie qu’il juge, à juste titre, dépassée. Mais il est sommé par l’Académie des Sciences de s’abstenir de toute attaque contre l’illustre Tournefort. Il meurt en 1722 privé du traditionnel éloge dévolu aux membres décédés. Et si vous lui rendiez hommage en allant contempler le pistachier ?