En Anjou, les plantes médicinales tracent leur chemin
Dans la région de Chemillé, la culture des plantes médicinales est une véritable tradition. Camomille romaine, souci, menthe, mélisse ou encore valériane y poussent depuis la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, l'association Phytolia rassemble plus de 100 opérateurs du Grand Ouest dont 60 producteurs, qui de l'amont à l'aval travaillent main dans la main. L'occasion de suivre le chemin d'une plante de sa culture bio jusqu'à sa transformation finale.
La culture : des robots dans les champs
L’Anjou est la première région productrice de plantes médicinales et à parfum avec près de la moitié de la production française. Les champs de camomille romaine, de cassis, de bleuet, de mélisse, de menthe ou encore de thym citron s’étalent sur des hectares, notamment à Chemillé-en-Anjou. Et pas n’importe quelles plantes. Les variétés choisies ont en effet été sélectionnées par l’Institut technique Iteipmai, pour être plus résistantes et adaptées aux besoins de cultivateurs, tel François Duveau (photo). Cet agronome de formation cultive 15 hectares en bio. Dans un même champ, il fait se côtoyer plusieurs plantes dont il prend soin à l’aide de robots utilisés en particulier pour le désherbage. Ce matériel est commun au groupement Adatris, qui réunit une vingtaine de producteurs bio. Installés en Anjou, en Normandie et en Argonne Champenoise, ils produisent plus de 300 tonnes de plantes sèches bio par an. L’intérêt du groupement est aussi d’optimiser le choix des espèces en fonction de la spécificité du sol et du climat. Ces producteurs parlent de terroirs : ainsi la menthe contient plus d’actifs en Normandie que dans d’autres régions. Or pour les médicinales, c’est ce que l’on recherche. Au mois d’avril commencent les premières récoltes qui se terminent en novembre avec les plantes cultivées pour leurs racines.
Séchage en quarante-huit heures
Après la récolte, les plantes sont séchées chez le cultivateur. On les place dans un box de séchage qui fonctionne à basse température et dans le noir afin de préserver un maximum d’actifs. Elles y restent quarante-huit heures maximum pour éviter qu’elles ne se dégradent. Les racines sont, quant à elles, prédécoupées et lavées. Elles mettront environ une semaine à sécher. Mises dans de grands sacs, elles partent ensuite à quelques kilomètres de Chemillé pour l’étape de « coupe extraction ». Sur place, une machine permet de nettoyer les herbes des pierres, poussières et autres parties ne contenant pas d’actifs, comme les branches. Les fragments ainsi obtenus sont ensuite broyés. Au cultivateur d’expédier ensuite cette matière première dans différentes usines où les principes actifs seront extraits. Les partenaires Phytolia réalisent cette étape aussi en local.
Extraction à l’eau ou à l’éthanol
Natinov est l’usine de la région qui transforme près de 280 tonnes de plantes à destination des laboratoires cosmétiques, pharmaceutiques, de nutrition animale et de compléments alimentaires. Traitant 170 espèces différentes, elle peut adapter ses volumes de production à la demande. Quand les plantes arrivent, une quinzaine d’analyses sont réalisées sur chaque lot pour vérifier l’absence de contamination par le glyphosate et autres pesticides et par des métaux lourds. Ensuite, l’extraction des principes actifs de la plante consiste à la faire macérer dans un solvant qui peut être au choix de l’eau, de l’éthanol ou les deux ensemble. Une fois filtrés, les mélanges peuvent être utilisés en l’état ou soumis à une évaporation sous vide, puis séchés pour obtenir un extrait sec. Ce dernier étant le plus riche en principes actifs. Conditionnés en bidon, ils sont prêts à être mis en gélule, en ampoule ou en flacon, selon les gammes et les marques.
Produits finis : comprimés ou ampoules
À Montaigu, le laboratoire Nature & Santé réceptionne les extraits. Adhérente à Phytolia, la marque du groupe Havea s’appuie sur ce circuit court pour produire ses tisanes et ses compléments alimentaires certifiés 100 % bio et végétal et pour beaucoup « 100 % origine France ». Dans cette usine, les extraits sont à nouveau analysés – grâce à des tests infrarouges, on évite des erreurs sur les plantes – avant d’être mélangés selon des dosages validés par la recherche et développement. L’approvisionnement en plantes françaises et bio étant parfois compliqué, la formule peut changer. Par exemple, suite à la pénurie de houblon en 2017, celui-ci a été remplacé par de la camomille dans les ampoules antistress. Les mélanges d’extraits secs sont ensuite pesés, puis envoyés vers les différentes lignes de transformation. Sur la première, de la gomme d’acacia bio ou de l’extrait de riz sont ajoutés au mélange qui est pressé et transfomé en comprimés. Ils sont ensuite comptés et mis dans un pilulier avant d’être emballés dans des cartons recyclables et imprimés avec des encres végétales. Sur une autre ligne, les mélanges d’extraits secs sont solubilisés dans une cuve en inox avant d’être aspirés dans des ampoules en verre. Refermées au chalumeau et nettoyées, elles passent un test d’étanchéité avant d’être stérilisées. Un dernier contrôle qualité est réalisé pour garantir la présence de molécules actives en quantité suffisante avant de partir vers les magasins bio.
"Phytolia offre au consommateur une véritable traçabilité
À Chemillé, les acteurs de la chaîne de transformation des plantes se connaissent et travaillent ensemble depuis des années. En 2006, ils ont donc décidé de se fédérer en créant Phytolia, la filière des plantes de santé, beauté et bien-être du Grand Ouest avec le soutien de la région Pays de la Loire. Cela a permis aux partenaires de s’engager ; Phytolia accompagne aussi les différents acteurs dans leur démarche qualité, notamment en les aidant à passer en agriculture biologique. Nous avons également créé récemment le label POP (Plantes d’Origine Prouvée), qui a pour objectif d’apporter au consommateur une garantie de qualité et une véritable traçabilité des plantes du champ au produit fini. Depuis 2015, la filière accueille de nouveaux adhérents provenant de toute la France, avec pour objectif de recréer les mêmes dynamiques que dans le Maine-et-Loire. Nous avons toujours l’objectif de faire le lien entre la terre, les entreprises intermédiaires et les attentes du consommateur. Toutes les structures quelles que soient leurs spécificités sont les bienvenues. Plus la filière française sera développée, plus elle sera compétitive sur le marché mondial." Christophe Ripoll, directeur de Natinov et président de Phytolia