Confinement : L’herboristerie à nouveau sur la touche
Depuis le début du confinement, les herboristeries ne faisant pas partie des « commerces de première nécessité » listés dans l'arrêté gouvernemental, elles ont été contraintes de fermer boutique. Un nouveau coup dur auquel réagissent plusieurs membres de la profession interrogés par Plantes & Santé.
Voilà déjà plus d’un mois qu’une grande partie de la population française est confinée chez elle, plaçant en situation précaire de nombreuses professions. Parmi elles, l’herboristerie. Une fois encore, la discipline toujours à la recherche d’une reconnaissance officielle depuis la suppression du diplôme d’herboriste en 1941, est mise de côté par les politiques. Une décision jugée « injuste » par plusieurs herboristes qui déplorent que le rôle préventif des plantes sur la santé ne soit pas davantage valorisé. « C’est honteux, on devrait être sur le même statut que la pharmacie » estime Michel Pierre, directeur de l’Herboristerie du Palais royal, à Paris, considérant l’herboristerie comme faisant partie des commerces de première nécessité. Souhaitant trouver une solution, ce fervent défenseur des plantes médicinales a tenté le lobbying auprès du Sénat afin d’obtenir l’autorisation d’ouvrir, en vain. « L’inspection du travail nous a renvoyé le décret présentant la liste des commerces autorisés à ouvrir, en nous demandant de le respecter ». L’amende s’élevant à 15 000 euros en cas de non-respect de la loi, l’herboristerie a préféré mettre ses employés au chômage partiel et fermer ses portes. De son côté, Pauline Moreau, qui tient l’herboristerie moderne située à Perpignan, ressent une vive incompréhension. « On se demande pourquoi on nous oblige à fermer, nous aurions pu aider la population à soutenir son immunité face au virus grâce aux plantes médicinales » estime la jeune femme.
Une ouverture à distance
Fort heureusement, certaines herboristeries dotées d’un site de vente en ligne ont la possibilité de maintenir une partie de leur activité à distance. « On est débordés ! » raconte Pauline Moreau qui voit exploser les commandes sur son site et s’organise au mieux pour y répondre. « Au lieu que le colis soit envoyé en quelques jours, cela prend plutôt une semaine, mais l’important est de ne pas laisser tomber la clientèle » confie-t-elle. Quant aux commandes, elles affluent concernant les plantes permettant de booster l’immunité. « On nous demande beaucoup de plantes comme le bouillon-blanc, l’échinacée, le thym, la mauve, mais aussi les huiles essentielles de tea tree, niaouli, eucalyptus radiata, ou encore les probiotiques ! Notre tisane Bronches et gorge est en rupture ! » poursuit Pauline Moreau. Une chose est sûre, en cette période de crise sanitaire inédite, la demande de plantes médicinales existe bel et bien.
Mais si cette herboriste poursuit en partie son activité, ce n’est pas le cas de Michel Pierre, de l’Herboristerie du Palais Royal, qui ne peut assurer les commandes à distance, par manque de personnel disponible et non-vulnérable. Ce n'est pas non plus le cas de François Petitet, dirigeant de l’herboristerie Herbéo à Bordeaux. Ne détenant pas de site de vente en ligne, ce pharmacien de formation a tout de même mis en place une permanence téléphonique pour des conseils et des demandes auxquels il répond selon le degré d’urgence. Il estime qu’il n’y a pas d’autres solutions que de fermer sa boutique car l’important est de respecter le confinement. Ce dernier maintient aussi le lien avec ses clients par le biais d’un blog sur lequel sont publiés régulièrement des articles sur les plantes et l’aromathérapie.
Les malades chroniques aussi oubliés
Si l’on entend beaucoup parler des traitements à base de chloroquine, pour Pauline Moreau de l’Herboristerie moderne, les plantes ont sombré dans l’oubli des médias ou bien sont jugées comme ayant une action dérisoire face à la puissance du virus. Christine Cieur, propriétaire de L’atelier des simples à Châteauneuf-sur-Loire garde sa boutique ouverte puisqu’elle y vend aussi des produits alimentaires, mais trouve dommage que les plantes restent sous-exploitées. « Face à la propagation des virus, les huiles essentielles en diffusion sont performantes ! Elles devraient être utilisées à plus grande échelle dans toutes les zones où il y a des croisements de population ». Pour cette docteure en pharmacie et phytothérapeute, les plantes et les oligo-éléments jouent un rôle préventif et permettent d’augmenter nos chances de résister au virus. « On réfléchit à l’envers. Au lieu de penser à la façon d’éliminer le virus, nous devrions agir pour booster notre santé ! ».
À ce sentiment d’incompréhension et de délaissement, s’ajoute la difficulté de répondre aux maux de saison ou aux maladies courantes des clients et habitués des enseignes. « Certains clients sont très embêtés car ils ne peuvent pas avoir leurs traitements habituels contre la tension ou les allergies » rapporte Michel Pierre, de l’Herboristerie du Palais Royal. Il en va de même pour les personnes touchées par des maladies chroniques qui, pour la plupart, sont plus âgées et non équipées en matériel informatique ou smartphone leur permettant de passer commande.
Succès pour les compléments naturels
Tandis que l’État prive les herboristes d’exercice complémentaire à l’allopathie, les pharmacies, qui pour certaines se spécialisent dans les produits naturels, constatent une explosion de leurs ventes de compléments alimentaires, à base de plantes, vitamines, minéraux et antioxydants. « On vend beaucoup de compléments alimentaires pour booster le système immunitaire » constate une employée de la pharmacie, rue du commerce à Paris XVe.
Ainsi, la crise sanitaire que nous connaissons montre, une fois de plus, la fragilité du statut des herboristes à qui l’on n’a toujours pas donné de juste place dans notre système de santé.