Dépolluez votre organisme
La pollution ne concerne pas seulement notre environnement, elle touche profondément notre corps. Pour minimiser les dégâts occasionnés par les substances nocives, nous avons intérêt à stimuler notre système de détoxication. Les plantes peuvent nous prêter main forte.
Difficile d’en réchapper aujourd’hui : même en mangeant bio et en vivant à la campagne, nous sommes quotidiennement exposés aux toxiques… De plus, l’homme se situant en bout de chaîne trophique, il récupère d’une façon ou d’une autre toutes ces substances. Les voies d’absorption sont multiples : nous respirons des particules fines, des gaz d’échappement ou des vapeurs de mercure, nous ingérons des résidus de pesticides, des additifs, des plastiques et des médicaments, et notre peau ouvre notre organisme à toutes sortes de conservateurs et parfums de synthèse. Heureusement, le corps humain est capable de chasser ces xénobiotiques.
Est-ce le système immunitaire qui s’en charge ? Non, explique le biologiste Gilles-Éric Séralini, « les polluants y passent comme du sable à travers une fourchette, car ces molécules sont des millions de fois plus petites que les cellules, les bactéries voire les anticorps que notre immunité se charge d’éliminer ». Les substances chimiques suivent donc une autre voie dans notre organisme, en passant par ce que les spécialistes appellent le « système de détoxication » : le foie en est le siège principal puisqu’il concentre les enzymes chargées de cette lourde tâche. Leur principale fonction est d’accélérer l’oxydation des xénobiotiques : ils deviennent ainsi solubles dans l’eau et peuvent être éliminés, par les intestins via la bile, ou bien par les reins via les urines.
Mais ces capacités sont menacées de saturation. En effet, si certaines substances toxiques ne nécessitent qu’une seule transformation enzymatique, d’autres requièrent une seconde phase pour leur évacuation définitive. Les enzymes de cette deuxième étape de détoxication peuvent se retrouver saturées ; en outre, les formes intermédiaires des molécules sont parfois plus toxiques que les substances initiales. Cela signifie qu’en présence d’une pollution trop importante, ou bien lorsque le foie est affaibli, le système de détoxication peut créer des molécules encore plus dangereuses pour la santé ! « Notre corps possède plus de 480 “gènes éboueurs” qui ont été mieux caractérisés depuis les années 2000. Nous devons les stimuler car ils sont aujourd’hui englués sous des polluants », témoigne Gilles-Éric Séralini.
De la tradition à la pharmacologie : stimuler la détoxication
La nécessité de débarrasser son corps de ce qui peut lui nuire repose sur une longue tradition. « Dans les médecines grecque et arabo-persane, on utilisait des plantes laxatives, diurétiques et hépatotropes en réponse à l’accumulation des humeurs néfastes », relate Jacques Fleurentin docteur en pharmacie, spécialiste de la phytothérapie. Des rites de purification sont perpétués un peu partout dans le monde, notamment la hutte de sudation : pour accompagner la vapeur, des plantes telles que la sauge sont employées pour accentuer le processus de désintoxication.
Ainsi, les pharmacologues étudient les plantes que l’usage populaire considère comme dépuratives et protectrices du foie. Romarin, chardon-Marie, artichaut ou fumeterre : « On vérifie si les plantes agissent sur la cholérèse, c’est-à-dire si elles augmentent la production de bile », confie Jacques Fleurentin. « On se demande également si les extraits végétaux aident à protéger le foie lorsqu’il est agressé : pour cela, on induit par exemple des hépatites réversibles à des animaux, en utilisant différents types de toxines, et on mesure la protection sur cellule isolée. »
Pour ce pharmacien, le romarin apparaît comme la plante de référence dans les souffrances hépatiques et comme détoxifiant : des propriétés qu’il doit aux substances hépatoprotectrices qui le composent, notamment les diterpènes. Dans la tradition arabe, il était déjà utilisé pour favoriser l’écoulement des urines et des règles, et pour désobstruer le foie. En même temps, le romarin combine des actions anti-inflammatoire et anti-ulcéreuse. Mais d’autres plantes ont des propriétés intéressantes.
En ce qui concerne l’aromathérapie, l’approche est différente de la phytothérapie : « On n’a pas le recul de la tradition, explique Jacques Fleurentin qui poursuit, on va y rechercher des constituants qui stimulent les cellules hépatiques. » Selon le pharmacien, les huiles essentielles les plus intéressantes sont l’aneth, plusieurs agrumes (citronnier, oranger doux, mandarinier, pamplemousse), ainsi que la menthe poivrée, la menthe des champs, la verveine citronnée et la livèche des montagnes. Comme en phytothérapie, on se tournera vers la plante qui, en plus de son action sur le foie, assure d’autres fonctions : l’huile essentielle d’aneth décongestionne les poumons, celle de mandarinier est calmante, l’essence de menthe poivrée est digestive.
Pour ce qui est de la forme galénique, la spécialiste Claire Laurant-Berthoud nous éclaire. Selon cette ethnobotaniste qui travaille sur la formulation de médicaments végétaux, la tisane ouvre une voie royale à la détoxication car les principes actifs hydrosolubles véhiculés par l’eau sont ensuite absorbés par le corps. De plus, par rapport aux gélules, l’apport hydrique permet de favoriser l’élimination des toxines via les urines. Par ailleurs, elle estime que les complexes homéopathiques en basses dilutions, sur lesquels elle travaille chez Sevene Pharma, sont une autre voie intéressante.
La spécialiste défend également les cures saisonnières : « Nous sommes tous intoxiqués, et c’est une excellente façon d’entretenir le bon fonctionnement de l’organisme. » On pourra aussi se tourner vers les macérats de bourgeons : en l’occurrence, la sève de bouleau est de plus en plus vendue sous une forme enrichie en bourgeons – de cassis et de bouleau lui-même –, ce qui renforce l’action de drainage. Enfin, il y a bien sûr les produits estampillés détox : attention, ceux-ci surfent sur une mode et manquent souvent d’authenticité, et surtout ils sont la plupart du temps conçus pour aider à la perte de poids… ce qu’il ne faut pas confondre avec détoxication.
Une alimentation hypotoxique
En plus d’être bio, l’alimentation doit favoriser certains fruits et légumes. Toutes les plantes de la famille des Brassicacées, chou, brocoli, navet, radis, moutarde, raifort, cresson, etc., contiennent des substances soufrées, les glucosinolates, qui stimulent les enzymes de la deuxième phase du système de détoxication ; en même temps, ils favorisent la synthèse de la bile et son évacuation dans les intestins. À noter qu’on retrouve ce double effet dans une seule épice, le curcuma.
Le système de détoxication produit quantité de radicaux libres, qu’il est important de neutraliser par un apport d’anti-oxydants. On ne se privera donc pas de fruits rouges, qui en plus d’en fournir beaucoup par eux-mêmes, stimulent la production de glutathion : or c’est l’antioxydant majeur dans le foie et donc central dans le processus d’élimination des substances toxiques. Citons aussi les endives et les concombres, qui stimulent l’évacuation des toxines par voie urinaire ; les premières contiennent en plus beaucoup de sélénium, un puissant antioxydant. La réglisse agit sur les deux phases de la détoxication et possède un effet protecteur du foie.
Le romarin est aussi intéressant en tisane que dans l’assiette : antioxydant, anti-inflammatoire et hépatoprotecteur. Idem pour l’artichaut qui, même en vinaigrette, se révèle excellent pour soulager le foie, en plus d’être diurétique.
Par ailleurs, il faut rechercher des aliments qui protègent la flore intestinale, car elle agit comme barrière contre les substances toxiques. C’est le cas des légumes riches en fructanes, des glucides qui favorisent son bon développement : topinambour, salsifis, ail, oignon, asperge, banane, pissenlit, poireau. Les laits fermentés, riches en probiotiques permettent aussi de renforcer l’équilibre de l’écosystème intestinal.