Biocarburants : la deuxième génération peut-elle sauver la filière ?
Produites à partir de plantes, les premières alternatives aux carburants conventionnels n'ont pas fait leurs preuves. Et les plus avancées, à base de déchets, ne sont pas forcément viables…
Connaissez-vous le carburant E85 ? Composé à 85 % de bioéthanol, il coûte 70 centimes d’euro le litre à la pompe, soit deux fois moins cher que le diesel ou l’essence. Ces derniers mois, il a le vent en poupe. Doit-on s’en féliciter ? Pas forcément, car les agrocarburants sont fabriqués à partir de produits agricoles comme le colza, le soja ou l’huile de palme. Du coup, le biodiesel est désormais le premier débouché de l’huile de colza française, au détriment de la production alimentaire… elle-même remplacée par des importations d’huile de palme.
Carburants et huile de palme
On ne le dit pas assez, mais 80 % des importations françaises d’huile de palme sont destinés à la production d’agrocarburants. En mai 2018, Total a ainsi obtenu du gouvernement français une autorisation d’importation annuelle de 300 000 tonnes en provenance d’Indonésie et de Malaisie, deux pays où la production de cette huile est responsable à 80 % de la déforestation de la jungle… À titre comparatif, sont consommées en France chaque année 136 000 tonnes d’huile de palme alimentaire.
Par ailleurs, ces carburants utilisant l’organe nutritif de la plante ont un bilan carbone très décevant. L’association Greenpeace affirme même que le biodiesel émettrait 80 % de gaz à effet de serre en plus que le diesel qu’il prétend supplanter. À force de critiques, la Commission européenne a décidé, en janvier 2018, de limiter la part de ces agrocarburants de première génération à 7 % de la consommation totale. Un chiffre encore trop élevé pour plusieurs ONG, qui se félicitent tout de même de l’interdiction de ceux à base d’huile de palme d’ici 2030.
Moins de gaz à effet de serre
Aujourd’hui, les regards se tournent surtout vers les agrocarburants dits avancés. Plutôt que d’utiliser grains, fruits et tubercules des plantes, ils transforment l’intégralité des tissus végétaux d’une large gamme de ressources agricoles, forestières ou de déchets de ces secteurs d’activité, y compris les déchets organiques. En outre, ils émettraient moins de gaz à effet de serre. Depuis le début de l’année, les choses s’accélèrent. En février, Axens a ainsi lancé la commercialisation du procédé Futurol, mis au point par la société Procethol 2G. Il permet la production de bioéthanol de deuxième génération à partir de toutes sortes de déchets. Global Bioenergie a annoncé, pour sa part, la réussite de ses essais visant à produire de l’isobutène depuis la paille de blé. Mais le déploiement de ces alternatives dans les stations essence risque de prendre encore du temps. Selon une étude de Clonbio, premier producteur européen de bioéthanol, « les biocarburants avancés ne sont pas viables et ont accumulé des milliards de dollars de pertes ».
Le directeur de Procethol 2G, Frédéric Martel, estime la capacité mondiale installée de ces combustibles à environ 500 000 tonnes par an, mais reconnait que « très peu en produisent actuellement ». Un retard à l’allumage qui risque de rendre les prix moins attractifs à la pompe… Sans compter que les consommateurs ne peuvent toujours pas choisir ces carburants durables puisque, exception faite de l’E85, ils sont intégrés à hauteur de 5 à 10 % dans les carburants conventionnels, dont la production, elle, continue de grimper.