Environnement
Ces maires qui se battent pour une transition verte
La polémique autour des arrêtés anti-pesticides, décidés par plus de 70 maires, a mis en lumière le rôle des édiles dans le combat pour l'écologie… Sous leur impulsion, des initiatives locales ont émergé. Retour sur ces expériences qui, au fil des ans, offrent de véritables solutions alternatives pour le développement de leur territoire.
Langouët, petit village breton de 602 habitants en Ille-et-Vilaine, a récemment fait la une des journaux en France et à l’étranger, de l’Angleterre jusqu’aux États-Unis ! C’est un simple arrêté anti-pesticides promulgué par le maire Daniel Cueff qui est à l’origine de ce remue-ménage médiatique. Mais si cette récente décision a propulsé Langouët sous le feu des projecteurs, ce n’est pas la première fois que l’édile du village mène des actions écologiques. Cet arrêté s’inscrit dans le prolongement d’un engagement en faveur de l’environnement et de la biodiversité, opéré par la commune, il y a vingt ans, lorsqu’elle a décidé de placer, sur le toit de son école maternelle et primaire, des panneaux photovoltaïques, un système de récupération d’eau de pluie pour les toilettes… et à proposer la première cantine scolaire 100 % biologique, dès 2004.
Effet boule de neige
Bretagne, Nouvelle Aquitaine, Grand Est… nombreux sont les maires à la tête de communes plus ou moins grandes, qui prennent le virage de l’écologie depuis quelques années. Volonté de redynamisation d’un village rural en proie à la désertification, interrogations sur la question du développement durable, terme qui apparaît pour la première fois en 1987, désir de recréer du lien social… Les motivations premières varient mais l’objectif est commun : contribuer à créer un meilleur cadre de vie respectueux de la nature et de la santé des habitants. L’idée est belle, le programme est vaste et pas toujours évident à mettre en œuvre.
À Langouët, Daniel Cueff a œuvré sur ce terrain dès son arrivée au poste de maire en 1999. « Nous voulions réfléchir sur la question du développement durable, mais ne savions pas comment nous y prendre. Nous avons donc pris une première décision, mais peut-être la plus importante, celle d’avoir un adjoint au développement durable. Ainsi, chaque décision était étudiée, amendée, décortiquée, arbitrée, en fonction du développement durable. » À Saint-Pierre-de-Frugie, en Dordogne, Gilbert Chabaud et son équipe municipale a opté pour « une gestion écologique du territoire ». Dans cette commune de 440 habitants, la mairie a ainsi développé des sentiers écologiques et « mis en place un jardin à vocation pédagogique pour expliquer la permaculture, le rôle de l’eau, de la biodiversité, des pollinisateurs… Cela a attiré beaucoup de monde, donc nous avons poursuivi nos actions. » Pour Jean-Claude Mensch, maire d’Ungersheim, commune alsacienne de 2 400 habitants, la première étape a consisté à transformer une ancienne mine en ferme solaire. Les panneaux photovoltaïques devaient permettre de changer le mode d’alimentation de la piscine du groupe scolaire, auparavant chauffée à l’électricité. Et le maire de préciser, qu’« après avoir essuyé les plâtres, nous avons obtenu des résultats probants. C’était le début de l’aventure. » Fort de cette première expérience réussie, le maire a étendu son action : « La transition...
énergétique est devenue ensuite la transition alimentaire, puis démocratique ».
La guerre aux pesticides
Les maires ont-ils le pouvoir de limiter l’usage des pesticides sur leur territoire ? Certes, la loi de la transition énergétique pour la croissance verte du 1er janvier 2017 interdit l’usage de produits phytosanitaires dans les espaces publics. Mais certains veulent aller plus loin. C’est dans cette logique que Daniel Cueff, le maire de Langouët, a rédigé, le 18 mai dernier, un arrêté interdisant l’épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations. Cet arrêté lui a valu un détour par le tribunal administratif qui a d’abord suspendu cette décision en août, avant d’être annulé le 25 octobre. Mais Daniel Cueff n’est pas le seul à avoir pris une telle mesure. Dans près de 70 communes, des maires ont pris des arrêtés similaires. Et la justice, prise d’assaut, finit par envoyer des signaux contradictoires. En effet, début novembre, le tribunal administratif de Cergy a rejeté la demande de suspension du préfet des Hauts-de-Seine et rétabli la validité des arrêtés anti-pesticides des maires de Sceaux et de Gennevilliers. Le gouvernement s’est saisi de la question et devrait se prononcer prochainement.
Démarche transversale
Dans le Haut-Rhin comme dans les autres communes, la transition voulue par ces maires s’opère à tous les niveaux. Elle concerne autant l’alimentation que le logement, l’éducation et le transport. Le mot d’ordre : valoriser ce qui est local aussi bien en termes de production que de consommation. L’objectif étant de tendre vers l’autonomie, pour l’énergie comme pour l’alimentation : « Consommer localement, ce que l’on peut produire localement ». Au niveau énergétique, cela passe par l’installation de panneaux photovoltaïques pour alimenter les bâtiments et équipements municipaux, et bientôt individuels dans certaines communes. En ce qui concerne l’alimentation, la municipalité accompagne la création de maraîchers et de potagers qui fournissent par exemple la cantine 100 % bio de l’école.
Ces différentes communes se sont lancées dans la construction de logements « verts ». Ces habitations ne consomment pas ou très peu d’énergie, elles sont chauffées au poêle à granulés, les sanitaires sont alimentés avec de l’eau de pluie, et prochainement des toilettes sèches seront installées à Langouët. Sur le plan des transports, la commune bretonne dispose d’une voiture électrique commune, alors qu’à Ungersheim les enfants se rendent à l’école en calèche tirée par un cheval. À l’école, les enfants apprennent à s’occuper du potager, à évaluer leur consommation d’eau et d’énergie. Pour Daniel Cueff, « les enfants sont les plus alertes aujourd’hui ». Et Gilbert Chabaud d’ajouter : « Ce sont eux qui transmettent à leurs parents ». « L’un des problèmes de l’écologie aujourd’hui, c’est la réticence au changement », poursuit Daniel Cueff. Lourde tâche, en effet, que celle de demander aux habitants de changer leurs habitudes.
Écologie participative
De Langouët à Ungersheim en passant par Saint-Pierre-de-Frugie, les maires estiment que le meilleur mode d’action consiste à impliquer tout un chacun. « Donner du pouvoir municipal au citoyen est l’un des moyens d’action les plus efficaces », constate Jean-Claude Mensch. « Pour perdre le moins de personnes possible, on évite d’imposer des solutions toutes faites. Au contraire, on fait appel aux différentes compétences de chacun pour nous aider à réaliser le projet », précise Daniel Cueff. Le conseil municipal fait ainsi appel aux différents savoir-faire des citoyens pour impliquer toutes les générations. À Langouët par exemple, des ateliers de permaculture sont animés par des personnes, souvent plus âgées, qui ont l’habitude de l’entretien d’un potager.
Concernant la vie démocratique, un conseil citoyen a été instauré par les maires de Langouët et d’Ungersheim. Ainsi, toutes les idées peuvent être émises par les citoyens et passées en revue par le conseil municipal, ou bien ce dernier soumet des propositions aux habitants avant validation et mise en application. Tous les domaines de compétences des mairies (habitat, événement culturel, développement économique) peuvent faire l’objet de consultation. Tout le monde a la possibilité d’assister à ces conseils pour soulever des questions, donner un avis et prendre pleinement part à cette transition. Cette instance démocratique devrait voir le jour à Saint-Pierre-de-Frugie, si le maire actuel est réélu.
Avec des démarches diverses, tous ces maires sont arrivés à des résultats concluants faisant ainsi progresser le respect de l’environnement et apportant des solutions vertes pour les habitants. À Saint-Pierre-de-Frugie, Gilbert Chabaud a réussi son pari de rouvrir une école et de lancer une épicerie bio. Le cadre de vie est tellement agréable à Langouët, que le maire a reçu des demandes d’installation sur sa commune de la part d’Américains. À Ungersheim, la transition est aussi sociale, ce sont des personnes en insertion qui s’attellent en cuisine et préparent chaque jour le repas pour la cantine de l’école. Autant d’initiatives porteuses d’espoir qui montrent surtout que l’enjeu n’est pas tant une question de moyens mais relève plutôt d’un véritable choix politique.
Et le compost dans tout ça ?
Dans le cadre de la loi de transition énergétique de 2015, chaque citoyen devra disposer d’une solution pour trier ses déchets organiques d’ici à 2025. Certaines villes ont déjà anticipé le cadre de cette obligation. Rennes est une pionnière en la matière. Dès 2005, la ville met en place des composts collectifs au pied des immeubles, elle compte aujourd’hui 450 aires de compostage. La ville de Paris a lancé une expérimentation depuis 2017. Des bacs de compostage, collectifs ou individuels, sont désormais installés dans trois de ses arrondissements. Lille compte également treize sites de dépôt de déchets organiques. La ville de Montpellier fournit des bacs individuels ou collectifs à ses citoyens pour évacuer leurs biodéchets. Cependant, s’il existe un système de collecte dans certaines villes, ces biodéchets ne sont pas toujours revalorisés à leur juste valeur. En effet, ils peuvent servir à faire du terreau, ou être envoyés vers des usines de méthanisation à proximité de la ville où ils sont transformés en biogaz. Cette étape reste parfois problématique. En effet, le mode de fonctionnement de ces unités de méthanisation n’est pas encore très au point et la gestion de celles-ci pas toujours très écologique.