Parcours de santé - Monsato
Le 23 mai dernier se déroulait dans une cinquantaine de pays la marche mondiale contre Monsanto. Alors que j’écris, je ne connais encore pas le succès qu’elle a remporté, mais j’espère que la mobilisation aura été au rendez-vous. Car ces derniers temps, les choses ont évolué rapidement en ce qui concerne les semences génétiquement modifiées, et de façon inquiétante. Les barrières que les citoyens européens ont réussi à installer pour empêcher leur culture se fragilisent... Tout dernièrement, les idées défendues dans un article publié par des chercheurs pro-OGM m’ont fait froid dans le dos. En se basant sur les sciences cognitives, ils expliquent comment le discours négatif sur les OGM – notamment les risques qu’ils font courir à notre santé et à l’environnement –, en ciblant certains centres émotionnels, s’inscrit de façon particulièrement forte dans notre cerveau. Ainsi, les anti-OGM seraient uniquement sous l’influence de leurs émotions.
Tandis que la pression des multinationales se fait de plus en plus forte, comment faire en sorte que le débat continue ? Car depuis l’alerte lancée par l’étude du professeur Gilles-Éric Seralini, établissant la toxicité du maïs NK603 sur des rats, rien n’a bougé. Et d’ailleurs, aurons-nous un jour les preuves de la dangerosité ou, qui sait, de l’innocuité de certains OGM ? Rien n’est moins sûr. En effet, qui peut avoir la volonté – si tant est que l’on soit d’accord sur les méthodologies scientifiques – et qui surtout a les moyens de réaliser de telles études ? Pas la recherche indépendante, c’est sûr. Quant aux entreprises, comment imaginer qu’elles vont s’intéresser à ce sur quoi elles ont fait volontairement l’impasse depuis le début, dès le premier brevet déposé en 1993 par Monsanto ? La sociologue américaine Susan Wright a perçu très rapidement les changements qu’a entraînés l’avènement des biotechnologies dont les OGM font partie. Elle explique : « Quand le génie génétique a été perçu comme une opportunité d’investissement, il s’est produit une adaptation des normes et des pratiques scientifiques au standard des entreprises. [...] Cela a correspondu à une nouvelle éthique, radicalement définie par le commerce.» Un commerce porté par de magnifiques promesses, comme celle de nourrir toute la planète, et qui trouve son prolongement dans le traité du Grand marché transatlantique (Tafta), en cours de négociation.
Acceptons-le, nous ne pouvons pas revenir en arrière et réécrire le scénario qui a permis aux OGM de conquérir 181,5 millions d’hectares. En revanche, il est encore temps d’ajuster certaines répliques en affirmant ce dont nous avons besoin. En l’occurrence, rien aujourd’hui ne nous permet de dire que nous avons besoin des OGM. D’une part, parce qu’ils ne tiennent pas leurs promesses. Quand on évoque leur supériorité annoncée pour résister à des climats difficiles, à des maladies, à des insectes... où sont les résultats ? Actuellement, dans les régions de la Corn Belt (ceinture de maïs) des États-Unis, la chrysomèle, dont les semences transgéniques étaient censées protéger, est devenue un problème majeur. D’autres revers ont lieu, très peu relayés. D’autre part, il y a plein de façons de faire sans les OGM. Commençons par soutenir le développement de l’agroécologie. Et qu’on se le dise, pour s’y opposer, c’est quotidiennement que nous pouvons marcher contre Monsanto... J’en suis convaincue, cela pourrait se révéler un formidable parcours de santé !