Une tagète peut en cacher beaucoup d'autres…
Le nom scientifique latin tagetes provient, selon la légende, du dieu étrusque de la divination Tagès, né de la terre d’un champ cultivé. Il est amusant d’observer que son nom vernaculaire en France – l’œillet d’Inde – est un dérivé du mot latin oculeus, qui signifie « clairvoyant »… Cette signification fait elle-même écho à la tradition du peuple indigène des Huichols au Mexique qui l’utilisent notamment comme plante de vision lors de certaines cérémonies. En effet, sa terre d’origine se situe entre le Mexique, les Andes et la Bolivie. Et dans toute l’Amérique du Sud, on connait ses propriétés thérapeutiques. Tout comme en Afrique et en Inde, mais pas vraiment chez nous où, comme le confirme l’herboriste Christine Cieur, « les phytothérapeutes n’utilisent pas ces plantes ».
Plante sacrée en Amérique du Sud
Depuis des millénaires, la tagète est utilisée par les prêtres mayas, encore bien présents au Guatemala, au Honduras et dans une partie du Mexique, comme l’atteste l’anthropologue et ethnobotaniste Jean-Pierre Nicolas* : « Chez les Mayas, la tagète est sacrée, comme toutes les plantes thérapeutiques qu’ils utilisent. Elle soigne et elle accompagne les cérémonies le jour des morts dans les cimetières… Tout est cadré et réglé comme une horloge dans le calendrier maya, où la nature est sacrée. J’ai observé ces sachants traditionnels qui utilisent surtout Tagetes lucida, la tagète des Andes, notamment en périnatalité avec les sages-femmes pendant la grossesse, mais pas pendant la période de l’accouchement, car la tagète est antispasmodique. Elle fait également partie de rituels sous forme de massage. Dans la vie de tous les jours, ils utilisent beaucoup la Tagetes erecta et la Tagetes patula comme médicaments contre les diarrhées, douleurs, vers intestinaux, mais aussi comme insecticides dans les cultures, ou encore pour fabriquer des pigments tinctoriaux jaune et orange ».
Au temps des Aztèques, la Tagetes lucida s’appelait Yauhtli : elle était transformée en poudre et en encens que l’on brûlait lors de rituels. On retrouve aussi sa trace chez les Toltèques, à des fins thérapeutiques...
. Aujourd’hui, pour le peuple indigène des Huichols au Mexique, c’est une plante sacrée que l’on fume avec le tabac d’origine pour induire des états de transe permettant à des visions d’apparaître. Dans plusieurs pays d’Amérique centrale, la tisane de fleurs de Tagetes lucida est appréciée par les populations locales.
Toutes sortes de variétés au jardin
Amie des jardins et des potagers, la tagète est bien sûr une plante mellifère qui attire les abeilles, les papillons et tous les autres insectes pollinisateurs. C’est une excellente plante pour le compagnonnage : elle protège toutes les plantations contre les nématodes, le chiendent et les pucerons. Elle secrète de la tiophène par ses racines, un composé qui éloigne les indésirables. Tagetes patula Tomato Growing Secret est particulièrement redoutable contre la mouche blanche dans les plants de tomate. Spécialiste des tagètes, Michaël Le Bret propose une quarantaine de variétés dans sa pépinière Promesse de fleurs, à Houplines (Hauts-de-France). On y trouve la tagète nana issue de Tagetes patula à l’odeur d’agrumes et de poivre. Autant de raisons pour faire pousser cette plante sacrée et répandre sa gaieté tout l’été.
Découverte de l’Amérique et de la tagète…
La découverte des « Indes » par Christophe Colomb, en 1492 signifie l’introduction de la tagète en Europe. Comme nous le rappelle Jean-Pierre Nicolas, il s’agissait au XVe siècle de ramener en Europe surtout des végétaux comestibles : « Tout ce qui pouvait se manger était recensé pour le commerce mais aussi pour fournir de nouveaux éléments thérapeutiques. Au départ, la tagète a été choisie car elle est comestible et non toxique ! ». De fil en aiguille, elle a fait son entrée dans les collections d’herbiers, notamment grâce aux botanistes du Muséum national d’histoire naturelle. On la retrouve dans l’herbier imprimé de l’allemand Leonhart Fuchs, « De historia stirpium commentarii insignes », de 1543. Dans le dictionnaire des drogues simples de Nicolas Lemery (1645-1715) ses feuilles étaient préconisées pour ses diverses propriétés : apéritives, carminatives, contre les maux d’estomac, les infections respiratoires et les vers. Mais c’est surtout en tant que jolie fleur facile à cultiver qu’elle décore les jardins à la française et les cours royales. Plus tard, elle se prête aux manipulations variétales et aux cultivars, notamment pour qu’elle reste de petite taille, car dans la nature elle prend de l’ampleur ! Entre les tagètes d’origine, les hybridées et les cultivars, on peut aujourd’hui se procurer plus d’une cinquantaine de variétés. Dans les jardins actuels, elles sont aussi devenues des biocides grâce à leurs molécules insecticides et antiparasitaires. Tandis que quelques grands chefs l’adoptent… un de ses noms n’est-il pas l’estragon du Mexique ?
Sacralisée et porteuse de chance en Inde
Cette fleur a également une aura particulière en Inde. Profitant des échanges commerciaux entre les continents et la colonie britannique qui commence au milieu du XVIIIe siècle, la tagète – baptisée en anglais Marigold – y rencontre très vite un vif succès. Ses « pompons » plaisent, en particulier ceux de la variété Tagetes erecta (connue en France sous le nom de « rose d’Inde »). D’autres variétés s’y développent comme Tagetes erecta Dune Mixed, irrésistible avec ses inflorescences d’un jaune d’or mousseux. Les pétales denses et les couleurs orangé, symbole de spiritualité dans l’hindouisme, se retrouvent sous forme de guirlandes portées autour du cou, et de couronnes de fleurs vendues à l’entrée des temples hindous. Marigold fait partie de nombreuses fêtes, rituels et mariages, en guise d’offrandes accompagnées de bougies, pour décorer la maison pendant les fêtes sacrées (notamment Diwali, la fête des lumières). En Inde, elle est également répertoriée dans les plantes de la pharmacopée ayurvédique sous le nom de Sthulapushpa (en sanskrit). Elle agit comme calmant, équilibrant, et anti-inflammatoire, et soigne les rhumatismes, les problèmes de peau et le stress. Après ce tour du monde, vous ne regarderez plus la petite tagète des jardins comme avant !
Cette fleur, devenue un peu désuète chez nous, a une histoire de grande voyageuse… Plante sacrée des Mayas, fleur d’ornement en Europe, médicinale et protectrice en Inde….Voici un petit tour de la planète avec la tagète.
Des huiles essentielles voyageuses
Trois sortes de tagètes donnent une huile essentielle à partir de leurs fleurs : Tageta Patula utilisée notamment en parfumerie et en cosmétique, Tagetes Glandulifera et Tagetes Minuta Var. Bipinata, Elles sont produites à Madagascar, en Inde, en Afrique du Sud et au Mexique. Suivant les pays, on les utilise en cas d’aménorrhée, comme fluidifiant bronchique, vermifuge, détoxifiante ou en cas de durillons ou cor aux pieds. Attention leur composition implique plusieurs précautions : ne jamais les utiliser pures, mais très diluées dans une huile végétale, et elles sont interdites aux femmes enceintes, aux enfants et, a fortiori, aux bébés.