La térébenthine, une essence en or !
J'ai découvert les effluves de l’essence de térébenthine, lors d'un séjour en cure thermale dans les Landes avec mes grands-parents. Alors plus connue comme solvant, elle était employée pour ses vertus thérapeutiques pour lesquelles nous nourrissons aujourd'hui de nouveaux espoirs.
Des petits pots de terre accrochés à l’écorce des pins pour récolter la résine nécessaire à la fabrication de l’essence de térébenthine ; dans les années 1980, ce décor était habituel dans la forêt des Landes pour une petite fille y faisant souvent du vélo. Mais quelques années plus tard, me voilà perplexe devant le changement de paysage : des « poches » en plastique accrochées à ces mêmes arbres ont soudain remplacé les jarres. « Sûrement de nouvelles expériences », m’explique alors vaguement mon grand-père qui, l’année suivante, part en cure thermale à Dax pour bénéficier des bienfaits de la térébenthine sur l’arthrose. Ma grand-mère et moi l’accompagnons et je reste aujourd’hui encore marquée par cette odeur chaude et enivrante des pins qui imprégnait les peignoirs. À tel point que, lorsqu’une pharmacienne me conseilla récemment l’utilisation d’une l’huile essentielle de térébenthine pour améliorer ma concentration, la proposition avait le goût – et le parfum – d’une madeleine de Proust…
Procédé de récolte à la française
C’est au milieu du XIXe siècle dans les Landes de Gascogne dont la forêt est peuplée à 80 % de pins maritimes plantés pour assécher les marais, que la récolte de la résine s’est répandue. À cette époque, cette résine, aussi appelée gemme, faisait l’objet d’un commerce international. Mais peu à peu le métier de gemmeur a disparu en France au profit d’une sylviculture dédiée à la papeterie.
En 1994, un autre procédé, le gemmage « en vase clos », est mis au point par Claude Courau, un ancien résinier : il s’agit du perçage superficiel de l’écorce du pin avec une fraise ronde dans l’empreinte de laquelle est placé un entonnoir avec une poche en plastique récupérant une résine extrêmement pure puisque privée du contact avec l’air. Expérimenté dans le sud de la Gironde, le brevet a été récemment acheté par un spécialiste en investissement forestier qui a pour projet, à court terme, de développer la technique dans la forêt de Gascogne : 15 emplois ont d’ailleurs déjà été créés et la récolte de la résine de pins des Landes a débuté. Elle est stockée en attendant la création prochaine de la première unité de distillation de la région. Aujourd’hui, les pins maritimes (Pinus pinaster), sont majoritairement exploités au Portugal et en Espagne...
pour l’Europe et aux États-Unis pour le reste du monde. Mais ce sont la Chine et le Brésil qui détiennent les plus grosses parts de marché en termes de production d’essence.
Des secrets de raffinage bien gardés
Ce qu’on appelle aujourd’hui communément essence de térébenthine correspond à l’alcool obtenu par distillation des résines de pin. Ces dernières sont en effet composées d’un mélange d’alcool et de colophane que l’on peut séparer par différentes techniques : la térébenthine de bois est obtenue par distillation à la vapeur d’eau de bois mort et la térébenthine de gomme par distillation de l’exsudat de pin vivant. Il existe aussi une essence de térébenthine de sulfate produite après la cuisson de la pâte de bois, mais elle n’est utilisée que dans l’industrie chimique. Cependant, quand elle est raffinée, l’essence de térébenthine donne un produit sans allergène aux nombreuses vertus médicinales dont l’entreprise française DRT (les dérivés résiniques et terpéniques) garde bien précieusement le secret de fabrication. Ce produit fait en tout cas la renommée des cures thermales de Dax pour ses effets antalgiques sur les douleurs arthrosiques.
Un résultat observé par le pharmacien Patrick Berthelon qui utilise ce même produit pour la fabrication de sa pommade à l’essence de térébenthine : « Elle est mélangée avec huit huiles essentielles biologiques, de la vaseline et des cristaux de menthol, cela fait plus de quarante ans que cette préparation magistrale a fait ses preuves comme anti-inflammatoire. Elle a été créée par le docteur Paul Delmas-Marsalet, puis reformulée. Elle agit en particulier sur l’arthrose, les rhumatismes, les courbatures et les tendinites », me confie-t-il. Il ne reste qu’à espérer qu’on réussisse à allier ces savoir-faire et la récolte de cet or des bois que nous avons dans nos forêts écocertifiées.
De multiples solutions pour la maison
Moins nocive que les solvants pétroliers, l’essence de térébenthine est aussi plus coûteuse. Elle est cependant très rentable car elle possède de multiples usages : nettoyage des outils, détachage des tissus, du cuir, du lino, de la toile cirée et des semelles de crêpe, rénovation du cuir. En mélange à parts égales avec de l’huile de lin, on s’en sert pour l’imperméabilisation des tommettes, ainsi que pour la protection et la brillance des meubles en bois.
Usage ménager : Pour laver le sol, quelques gouttes d’huile essentielle de térébenthine dans un seau d’eau chaude avec du savon noir suffisent.
Blanchiment de la dentelle : Une cuillère à café d’essence de térébenthine ménagère et une dose de lessive pour linge délicat dans de l’eau tiède. Plus blanc que blanc !
Attention : Inflammable et toxique, l’essence de térébenthine doit être maniée de préférence avec des gants et un masque, et conservée à l’abri de la chaleur.
Recette de mère Nature
Des soins à l’huile essentielle de térébenthine
Docteure en pharmacie, Fabienne Millet préconise souvent l’huile essentielle (HE) de térébenthine, mais de par sa puissance, elle y associe des précautions d’usage strictes. Irritante et presque dermocaustique, elle ne doit en aucun cas être mise pure en contact direct avec la peau et les muqueuses. Pour éviter les irritations, il convient de faire un test cutané avec un mélange dilué à 5 % dans une huile végétale (HV). Elle est proscrite pour les bains, en inhalation humide et par voie orale.
Par voie cutanée chez l’adulte
Pour dégager les voies respiratoires : Riche en alpha-pinène (70 à 85 %) et en béta-pinène, l’HE de térébenthine est connue pour ses propriétés anti-infectieuses, antivirales et antifongiques. Elle est souvent prescrite en cas d’assèchement des voies respiratoires et de sécrétions bronchiques. On la diluera à 10 % avec une HV de macadamia, peu grasse, et on massera vers la zone pectorale, deux fois par jour.
Après un effort sportif : Mélangée à 10 % à une HV de calophyllum ou d’amande douce, l’HE de térébenthine a une action anti-œdémateuse et antidouleur sur les muscles mobilisés vingt-quatre à quarante-huit heures après l’effort.
Pour traiter les jambes lourdes : Diluez à 10 % l’HE de térébenthine dans une huile végétale de jojoba ou de calophyllum et masser les mollets en douceur pendant huit à dix jours.
En inhalation sèche
Mettre deux gouttes d’HE de térébenthine sur un mouchoir à respirer pendant quinze minutes maximum en cas d’infection respiratoire ou de manque de concentration.
En diffusion atmosphérique
Diffuser cinq à six gouttes d’HE de térébenthine dans un appareil à ultrasons durant vingt minutes.
Précautions : Interdite aux enfants de moins de 7 ans, aux femmes enceintes ou allaitantes et aux personnes allergiques aux huiles essentielles.
À savoir
Il faut s’assurer de la qualité de cette huile essentielle. Elle doit être incolore et très odorante avec des notes boisées et résineuses. Sa provenance (Portugal pour les résines) et sa fabrication française sont des gages de qualité.