Se fortifier avec la Quintonine
Démarrée dans le Berry, la success story a duré quasiment un siècle. Médicament à base de plantes originaires notamment d’Amérique du Sud, la Quintonine s’est bâti une réputation de fortifiant jusque sur le tour de France !
La Quintonine donne bonne mine », « le plus actif et le moins cher des fortifiants »... Les slogans ont été nombreux pour vanter les mérites de ce sirop médicinal destiné à stimuler l’organisme. Il fallait en verser une cuillère à soupe dans du vin de table et en consommer un verre avant chaque repas. On conseillait de la prendre en cure de quatre semaines. Aux changements de saisons, elle était là pour donner un petit coup de fouet.
La Quintonine est créée et fabriquée à Châteauroux à partir de 1910. On attribue au pharmacien Eugène Cayron l’idée de la formule qui utilise notamment l’écorce de quinquina, employée à l’époque dans de nombreux médicaments. En 1910, il vend son officine à Victor Hélin, qui met définitivement au point le fameux fortifiant et lance la production et la vente. À sa mort, en 1945, le laboratoire est transmis à ses gendres, dont Jacques Lafarge. Ce dernier va moderniser le laboratoire qui porte désormais son nom. Production industrielle et campagnes de publicité modernes, comme on en avait encore jamais vu en matière de médicament, sont à l’origine de sa notoriété. La Quintonine est même partenaire de la caravane du Tour de France !
Le marketing met en avant les qualités fortifiantes antiasthéniques – à l’époque, on ne parlait pas de boisson énergisante – permettant de lutter contre la fatigue, mais aussi de retrouver sommeil, appétit et bonne mine et d’enrichir le sang. Des propriétés qu’expliquent les plantes qui
composent exclusivement le médicament. En premier lieu, la teinture de quinquina, dont la racine s’est fait connaître dès le XVIIIe siècle comme fébrifuge et antispasmodique. Viennent ensuite la teinture de kola qui combat la fatigue et accroît la vigilance, la teinture de cannelle qui est notamment un stimulant et un antibactérien, la teinture d’orange amère, un anxiolytique stimulant aussi l’appétit, l’extrait hydroalcoolique de quassia de la Jamaïque, tonique et stomachique, ainsi que la gentiane, qui aiguise également la faim. En 1976, les laboratoires Lafarge sont rachetés par Sanofi, puis la Quintonine se retrouve dans le giron de GlaxoSmithKline, qui décident d’arrêter sa commercialisation en 2011, malgré un siècle de bons et loyaux services...
Quinine et quinquina
Le quinquina (Cinchona calisaya) est un arbuste d’Amérique du Sud. Ce sont les conquérants espagnols au Pérou, puis les Jésuites qui ramènent en Europe ce remède réputé souverain contre tous les types de fièvre. En France, dès la fin du XVIIe siècle, alors qu’une maladie identifiée plus tard comme le paludisme se propage, l’écorce de l’arbre à quinquina montre son efficacité. On raconte que le fils de Louis XIV, qui avait contracté la maladie lors de l’assainissement des marais de Versailles, fut guéri grâce à elle. Pendant deux siècles, les boutiques d’apothicaires proposeront des potions à l’écorce de quinquina sans que soit codifié le remède puisqu’à la même époque, la faculté de médecine de Paris refusait de reconnaître ses propriétés. En 1820, deux chimistes français parviennent à extraire le principe actif principal : la quinine. Celle-ci devient alors le premier médicament efficace contre le paludisme. Et constitue toujours le principe actif de plusieurs antipaludique.