Manne de frêne,
un cadeau du ciel
Cette matière végétale était connue dès l’Antiquité pour ses bienfaits et son goût agréable. Le mystère entourant ses origines ne l’a pas empêchée de se faire un nom providentiel.
Les premières traces d'utilisation de la manne de frêne ne datent pas d’hier. Dès l’Antiquité, Grecs, Romains et Arabes ont eu recours à cette sève. Tantôt purgatif doux, simplement mélangé à du lait ou à de l’eau tiède, tantôt ingrédient culinaire pour son goût sucré, la manne est alors couramment consommée. Les Arabes l’appellent miel de rosée ; Galien évoque un miel aérien ; l’expression pain des cieux ou froment des cieux revient également. Jusqu’à parler de manne, faisant ainsi référence à l’épisode biblique qui vit les Hébreux en plein désert recevoir de la nourriture céleste. Car sa provenance est entourée d’un vrai mystère.
Il faut attendre le XVIe siècle, plus précisément 1543, pour que deux Franciscains, Angelo Palea et Barthélémi de la Vieuville, décrivent la manne comme étant de l’exsudat de frêne. Quelques années plus tard, en 1558, le médecin napolitain DonatAntoine Altomarus confirme ces observations: «Ayant fait couvrir les frênes de toiles ou d’étoffes de laine pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, en sorte que la rosée ne pouvait tomber dessus, on ne laissa pas d’y trouver et d’y recueillir de la manne pendant ce temps-là – or cela n’aurait pu être, si elle ne provenait pas des arbres mêmes». Plus précisément, la manne est le produit de l’une des soixante espèces de frêne: l’orne (Fraxinus ornus). Il pousse dans les régions méridionales et sécrète ce suc directement sur ses feuilles. Elle peut aussi être récoltée en écorchant l’écorce de l’arbre. Il en existe plusieurs types selon son origine (orientale ou européenne), les plus utilisées aujourd’hui étant celles de Calabre et de Sicile.
La matière médicinale à privilégier est la manne en larme, blanche ou tirant vers le jaune, douce au goût. Elle contient du mannitol, du glucose, des sels minéraux, des vitamines et du sorbitol. Autant d’éléments qui facilitent le transit, d’où son utilisation comme purgatif. Elle entrait ainsi dans la composition de la marmelade de Tronchin qui fut très utilisée jusqu’au XIXe siècle. Aujourd’hui, c’est surtout la cosmétique qui l’emploie dans des soins nourrissants pour la peau, mettant à profit ses propriétés astringentes et anti-inflammatoires.
Une récolte méthodique et traditionnelle
On récolte la manne de frêne en entaillant l’écorce des arbres. Une nouvelle incision est réalisée chaque jour au-dessus de la précédente. La manne s’écoule alors le long du tronc. Ce suc correspond à de la sève qui contient les sucres formés lors de la photosynthèse. Elle sèche une journée à l’ombre puis quelques jours au soleil, se solidifie et blanchit au contact de l’air. Les producteurs la récupèrent ensuite en raclant le tronc. Elle est alors nettoyée pour éliminer les morceaux d’écorces et de feuilles.
Le mélèze a sa manne
Le mélèze produit ce que l’on appelle la manne de Briançon, du nom de la région où l’on observe le phénomène. Ce suc se matérialise sous la forme de gouttes blanches qui collent aux aiguilles de l’arbre. Il apparaît au printemps, au plus fort de la sève, particulièrement sur les jeunes arbres. Cette manne est rare, en plus d’être difficilement séparable des aiguilles. Elle est donc peu exploitée. Son nom est toutefois porté par une préparation alcoolisée des Hautes-Alpes, à base de fleurs de mélèze. Celle-ci fut un temps vendue en officine pour renforcer le système immunitaire, avant de devenir une liqueur apéritive.