Les cônes de houblon, amèrement vôtre !
Du latin humulus lupulus pouvant être traduit par « liqueur de malt du petit loup », le houblon s'enracine dans la légende de la bière. Mais cette notion de petit loup nous met également sur une autre voie : les Romains croyaient que le houblon suçait la sève des arbres sur lesquels il poussait, s'attribuant ainsi les vertus de la nature. Lesquelles ?
Basse Normandie. Mois d’août. Une petite odeur de pipi de chat. Je râle et me plains à mon hôte. « Ce ne sont pas les chats, c’est le houblon ! Bien meilleur à manger qu’à sentir, me lance-t-elle avec un sourire taquin. Dommage que les cônes soient trop mûrs à cette période, et très amers. Au printemps, on mange les jeunes pousses, c’est comme les asperges vertes. C’est très bon pour éliminer. Et mon père tenait de son père que ça soignait le scorbut ! »
Il va donc falloir que je cohabite quelques jours avec la gentille plante. L’occasion faisant le houblon, je m’embarque dans des recherches fructueuses à son propos…
Le houblon, plante vivace, pousse en lianes vigoureuses pouvant atteindre 12 mètres de hauteur, dans des milieux frais et humides. Il est répandu au nord de la France, et particulièrement en Alsace, en Europe également, en Asie et Amérique tempérées. Aussi appelée vigne du Nord, il arbore des feuilles dentelées et des fleurs vert pâle disposées en grappes. Les femelles ont la forme de cônes qui pendent à maturité, en septembre-octobre. Ces cônes entrent dans la fabrication de la bière par décoction et jouent beaucoup sur son goût. Ils sont recouverts d’une résine appelée lupulin. Ce dernier confère aux cônes de houblon deux composantes aromatiques – l’humulène et le myrcène – ainsi que des principes amers comme l’humulone, la lupuline (un alcaloïde) et des flavonoïdes.
Entre sédation et stimulation
Au IXe siècle, alors qu’il était utilisé en Allemagne pour nuancer le goût et stabiliser la mousse de la boisson précurseur de la bière, le houblon entrait déjà dans les monastères et les prisons comme calmant de l’éréthisme de leurs pensionnaires. Aujourd’hui, il est reconnu en tant que sédatif du système nerveux, ce que nous précise Iléana Pinot, gérante de l’entreprise familiale France Herboristerie : « Bien que les essais chez l’homme n’aient été réalisés qu’en associant le houblon à la valériane – une autre plante utilisée traditionnellement contre l’insomnie –...
, la Commission E (conseil scientifique consultatif allemand) et l’Escop (Coopérative scientifique européenne en phytothérapie) ont approuvé l’usage des strobiles (cônes) de houblon pour soulager les troubles nerveux, l’anxiété et les troubles du sommeil ». Le houblon opérerait, par extension, sur le système génital, procurant par exemple un soulagement des règles douloureuses, mais aussi sur les inflammations rhumatismales et gingivales. En outre, en régulant les sécrétions acides au niveau de l’estomac, il stimule la faim. Au même titre que pas mal de produits amers, il est recommandé en cas d’anémie et pour accompagner les traitements de l’anorexie, et fonctionne comme un antispasmodique puissant. En médecine chinoise, on dit qu’il stimule et tonifie les axes foie-vésicule biliaire et rate-pancréas-estomac.
« C’est bien, je vais continuer avec la bière alors ! », proclame un ami de ma mère à qui je parle de mes découvertes. Mais attention ! Outre une baisse de libido observée chez les personnes ayant une consommation excessive de houblon (bière et tisane), une forme d’obésité avec gynécomastie (croissance de la poitrine) peut s’installer. Qui plus est, dans les houblonnières, les femmes cueilleuses relatent fréquemment des dérèglements de leurs cycles menstruels, des étourdissements, etc. « Riche en polyphénols, dont certains produisent des effets phyto-œstrogéniques sur l’organisme, c’est une plante qui doit être consommée avec modération », souligne Emelie Tanghe, herboriste au sein des laboratoires Ladrôme, qui propose une teinture-mère bio à base de houblon depuis vingt-cinq ans.
En rentrant de vacances, j’identifie du houblon sauvage près de chez moi, en bord de Seine. J’en cueille un cône, le goûte cru en repensant à mes vacances. Pas fan de son amertume, j’en prélève néanmoins quelques tiges pour les faire sécher et m’essayer plus tard au tressage et à la confection, si j’y parviens, de ma prochaine couronne de Noël.
Le houblon de toutes les façons
Cônes en tisane
Faire infuser 30 g de cônes dans 1 litre d’eau bouillante, le temps que la tisane soit à votre goût. Attention, le résultat est vite amer, d’où l’ajout fréquent d’autres plantes. à boire idéalement avant de se coucher pour améliorer la qualité du sommeil. Une alternative possible pour les réfractaires à l’amertume : le houblon en gélules.
Cônes en huile essentielle
Quelques gouttes d’HE de houblon en application sur les zones douloureuses pourront calmer vos douleurs inflammatoires. Et sur les poignets, c’est un excellent remède aux difficultés d’endormissement.
Cônes en teinture-mère
20 à 25 gouttes 2 à 3 fois par jour en cure de 3 semaines sont indiquées pour lutter contre les désagréments liés à la ménopause (bouffées de chaleur, douleurs articulaires…). Attention à l’effet sédatif fréquemment associé.
Précaution : Si les dosages sont respectés, ces différentes formes ne présentent pas de toxicité. L’emploi du houblon est en revanche proscrit en cas d’antécédent de cancer hormonodépendant ou de traitement en cours.
Et aussi…
En cataplasme Les feuilles de houblon peuvent également vous être utiles. Fraîchement écrasées, appliquées en cataplasme sur des abcès ou furoncles, elles pourront accélérer leur résorption.
La farine de houblon Pour donner un petit goût de bière à votre pain, remplacez un quart de votre farine habituelle par de la farine de houblon (fabriquée à partir de cônes de houblon séchés et broyés) dans votre recette de pain préférée. Le résultat sera aussi un peu plus léger !
Le tressage sauvage zéro déchet Pour commencer, optez pour des formes simples : vide-poches, dessous de plats, couronnes… Prélevez des lianes de houblon entre octobre et mars, quand la sève est au plus bas, et coupez-les en brins de 30 cm environ. Une fois séchées au frais (donc durcies), faites-les bouillir jusqu’à ce que vous puissiez les débarrasser de leur première écorce. à froid, tressez, tournez, nouez… Une fois en forme, laissez durcir votre création, puis poncez ou peignez.
Et pourquoi pas… Un oreiller de cônes pour favoriser le sommeil, une préparation à retrouver dans Plantes et Santé n° 193.
Les pellets : un houblon longue conservation
Les pellets de houblon proviennent des cônes débarrassés des tiges, puis broyés et agglomérés en bâtonnets, eux-mêmes sectionnés en petits morceaux. Ils sont surtout destinés aux brasseurs et aux laboratoires, d’autant plus qu’ils sont très faciles d’utilisation. De même composition que les cônes et de mêmes arômes, ils se conservent plus longtemps car ils comportent moins de surface susceptible de s’oxyder. Un produit transformé qui semble assurer un bel avenir au houblon !