Dossier
Voyage au pays des épices qui soignent (5/7)
Un soupçon d’histoire, une pincée de botanique et une bonne dose de phytothérapie : on ne saurait parler des pouvoirs thérapeutiques des épices sans évoquer leur riche passé et sans s’émerveiller devant leurs formes végétales. Presque toutes sont dotées des propriétés digestives. Mais certaines se distinguent comme la cannelle, le curcuma, le clou de girofle et le safran, car leurs vertus les rendent indispensables aujourd’hui quand on veut se soigner par les plantes.
Mettez du curcuma dans votre quotidien
Originaire d’Asie du Sud, le curcuma est une belle plante vivace aux feuilles luxuriantes et aux jolies fleurs roses. Mais ses richesses se trouvent dans son rhizome. Celui-ci est en effet riche en curcumine, pigment polyphénolique qui lui donne sa couleur orange. Les moines bouddhistes employaient le curcuma pour teindre leurs robes ! Longtemps considéré comme le « safran du pauvre », il s’est pourtant fait une place de choix dans la culture indienne. La médecine ayurvédique l’utilise depuis toujours : en interne, pour aider la digestion ; en application locale, comme antiseptique et pour nourrir la peau.
L’agroalimentaire s’est aussi emparé de ce trésor : si vous lisez E100 sur les étiquettes, sachez qu’il s’agit tout simplement de la curcumine. Cette dernière mérite pourtant mieux qu’un simple statut de colorant alimentaire industriel : de nombreuses études récentes ont mis en évidence ses puissantes propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et anticancéreuses. Maladie d’Alzheimer, rhumatismes et cancers (du foie, du sein, du côlon) : des centaines d’articles scientifiques ont été publiés depuis ces dernières décennies, mais alors que les résultats in vitro sont prometteurs, les études « cliniques », c’est-à-dire sur l’homme, ne sont pas encore concluantes. La raison principale invoquée : la biodisponibilité de la curcumine est faible. Autrement dit, on en retrouve peu dans le sang après ingestion. Mais des stratégies ont été mises au point pour améliorer son absorption.
Le curcuma est donc une épice très prometteuse dans la lutte contre le cancer et les maladies dégénératives...
. Par ailleurs, il est stimulant, dépuratif, cicatrisant, antibactérien, antalgique, antiallergique et aphrodisiaque. Il est intéressant pour les végétariens, car il apporte du fer et prévient les caries en apportant du fluor. À la manière des Indiens, nous aurions tout intérêt à employer le curcuma au quotidien dans notre alimentation. Une façon simple et agréable de consommer cette épice est d’en mélanger une cuillère à café à une cuillère à soupe de miel. Ce « miel doré » est notamment recommandé en cas d’allergie chronique (prendre alors une demi-cuillerée à café 3 fois par jour pendant 3 mois). Le curcuma est désormais disponible en frais, une forme qui préserve mieux les principes actifs que la poudre – pour obtenir celle-ci, les rhizomes sont bouillis environ une heure puis mis à sécher au soleil... Mais avec les rhizomes frais, attention aux taches ! Vos vêtements risquent de s’en souvenir longtemps, et vos mains resteront colorées pendant plusieurs jours.
Les secrets du curry
En Inde, on connaît le curry sous le nom de « massala », qui signifie « mélange » en langue tamoule. Pour le préparer, toutes les épices qui le composent sont broyées et parfois légèrement torréfiées sur le feu. Une fois séché, l’ensemble prend la forme d’une poudre. Le mélange doit contenir presque obligatoirement du curcuma, de la cannelle, de la coriandre, du cumin, du poivre, de la cardamome, de la muscade, du safran, du gingembre et du clou de girofle, à quoi on peut ajouter fenouil, ail, oignon ou encore moutarde. En Inde, on ajoute au curry du ghee, du lait de coco ou du yaourt pour obtenir une pâte qu’on ajoute aux plats. Traditionnellement, chacun fait son mélange au moment de cuisiner. La préparation peut donc varier selon les régions, les traditions, et même selon la personne qui cuisine. Parfois, elle peut intégrer plus de cinquante épices différentes ! Ce sont les Anglais qui ont simplifié la recette à une dizaine d’ingrédients pour l’importer en Occident.
Optimiser l’action du curcuma
Deux moyens permettent d’augmenter l’absorption de la curcumine, principale molécule active du curcuma : l’associer à de la pipérine, molécule contenue dans le poivre, ou bien à des molécules d’acides gras, notamment des huiles riches en oméga-3. On préférera la deuxième stratégie si l’on souffre d’intolérances alimentaires, car la pipérine est suspectée d’aggraver l’hyperperméabilité intestinale. Selon les compléments alimentaires, les laboratoires estiment que l’on augmente ainsi de 10 à plus de 30 fois la biodisponibilité par rapport à la poudre de curcuma brute.
Boire le curcuma comme au Kérala
En Inde, dans le Kérala, berceau de la médecine ayurvédique, on consomme le curcuma dans de l’eau chaude et au petitdéjeuner. Il suffit de déposer une petite cuillerée à café de poudre de curcuma dans une tasse, d’ajouter une pincée de poivre (la pipérine potentialise les effets de la curcumine), et de remplir la tasse d’eau chaude en mélangeant bien avant chaque gorgée.
Autre façon de consommer cette épice en boisson : le lait d’or, baptisé aussi « golden milk » dans les cafés branchés ! Pour 2 tasses de lait d’or, il faut préparer avant tout une pâte de curcuma en mélangeant dans une coupelle une cuillerée à café de poudre de curcuma, une pincée de poivre et une cuillerée à soupe d’eau chaude. Ensuite, faites chauffer votre lait végétal préféré pour les 2 tasses, et quand c’est chaud – mais non bouilli –, ajoutez une à deux cuillerées à café de pâte de curcuma (selon le goût recherché), et mélangez avec une cuillère en bois quelques secondes. Hors du feu, sucrez ou non selon votre convenance cette jolie boisson nutritive.