Régime méditerranéen,
l’atout cœur
À défaut de pouvoir importer le soleil du Sud, nous pouvons faire migrer les bienfaits de sa gastronomie jusque dans notre assiette. Depuis les années 1950, nombre d’études ont mis en évidence les vertus de la diète méditerranéenne, notamment pour la sphère cardiovasculaire. Mais en quoi consiste exactement ce fameux régime si vanté ?
Ce que nous appelons aujourd’hui le régime méditerranéen nous vient d’une étude imaginée par le médecin américain Ancel Keys. Au milieu des années 1950, il pressent l’impact du mode de vie et de l’alimentation sur la santé. Il s’intéresse plus particulièrement à la survenue des maladies cardiovasculaires. Il lance donc une grande étude afin de comparer les habitudes alimentaires et les décès d’origine cardiaque chez des hommes de 40 à 59 ans originaires de 7 pays différents : États-Unis, Finlande, Pays-Bas, Italie, Japon, Yougoslavie, et Grèce (dont Crète et Corfou). Quinze ans plus tard, les résultats sont sans appel : le taux de décès par maladies coronariennes des Crétois est le plus bas, soit 3,8 %, comparé à celui des Finlandais (97,2 %), des Américains (77,3 %), des Hollandais (63,3 %), des Italiens (46,2 %), et des Yougoslaves (24,2 %). Mieux, les Crétois ont le taux de mortalité le plus bas toutes causes confondues. C’est ainsi qu’a été mis sous les projecteurs le caractère protecteur du régime alimentaire crétois sur les maladies coronariennes.
Un bénéfice démontré Ces résultats favorables ont été confirmés quelques années plus tard lors de la « Lyon Diet Heart Study » publiée en 1999. Il s’agissait de démontrer qu’une alimentation de type méditerranéen pouvait diminuer le risque de récidive après un premier infarctus du myocarde. Environ 600 patients ont été suivis. La moitié d’entre eux avaient un régime appauvri en lipides, cholestérol, acides gras saturés et acide linoléique, et enrichi en acide oléique et acide alphalinolénique ; l’autre moitié, un régime normal. Le premier groupe, celui qui suit le régime méditerranéen, voit les décès d’origine cardiovasculaire diminués de 81 %, les infarctus du myocarde non mortels de 71 % et les décès toutes causes confondues de 60 %. De nombreuses études publiées depuis vont dans le même sens : il existe un bénéfice démontré du régime méditerranéen dans la prévention des maladies cardiovasculaires, que l’on ait un risque particulier ou non.
Citons aussi l’étude Predimed publiée en 2013 dans le prestigieux New England Journal of Medecine : chez des personnes considérées comme étant à haut risque cardiovasculaire, on a observé une diminution de l’incidence d’événements cardiovasculaires majeurs pour celles ayant suivi un régime méditerranéen enrichi en huile d’olive ou en noix. De même, cette diète s’est révélée plus efficace qu’un régime appauvri en lipides concernant l’amélioration des facteurs de risques cardiovasculaires et des marqueurs de l’inflammation. Mais alors, d’où viennent ces effets bénéfiques ?
Les vertus de l’huile d’olive L’aliment phare de cette diète est l’huile d’olive. Elle est très riche en acide gras monoinsaturés AGMI (plus de 70 %) et ne contient qu’une...
faible quantité d’acide gras saturé AGS (moins de 20 %) et d’acide gras polyinsaturés AGPI. Ce profil est très intéressant pour la protection cardiovasculaire. On pense que les AGMI jouent un rôle favorable sur le taux de HDL-cholestérol et pourraient intervenir dans l’amélioration de la sensibilité à l’insuline.
Délicieuse crue, elle a en outre l’avantage de bien supporter la cuisson. Outre ce profil lipidique intéressant, n’oublions pas que l’huile d’olive contient des polyphénols aux vertus antioxydantes et anti-inflammatoires ce qui permet à l’organisme de mieux lutter contre le stress et les agressions cellulaires diverses. Pour être certain d’en bénéficier, choisissez toujours une huile bio, de première pression à froid. Pour varier un peu, testez l’huile de colza, qui ne fait pas partie de la diète méditerranéenne, mais comporte un acide gras oméga 3, l’acide alphalinolénique, important pour la bonne santé cardiovasculaire et neurologique.
Si la diète méditerranéenne accorde une place de choix aux poissons (pourvoyeurs d’oméga 3), les sources végétales sont également très présentes : le pourpier et les noix peuvent être consommés quotidiennement. Il faut y ajouter d’autres fruits à coque comme la noisette et l’amande. Ces derniers contiennent des protéines, des lipides, des fibres et sont une bonne source de vitamines. Les fruits et les légumes ont aussi une place centrale et sont consommés quotidiennement, crus ou cuits, tout au long de l’année en respectant le cycle des saisons. Les légumes (courgette, aubergine, tomate, carotte, choux, artichaut, salade, concombre, etc.) sont accompagnés de légumineuses (lentilles, fèves, haricots blancs, haricots rouges, pois chiches) et/ou de céréales copieusement agrémentées de condiments (ail, oignons, olives), d’herbes aromatiques (thym, origan, basilic, romarin, etc.) et arrosés de jus de citron et d’huile d’olive. Les fruits sont aussi consommés au quotidien avec une place de prédilection pour la figue, les agrumes, le raisin et les dattes.
Si le règne végétal est au centre de la diète méditerranéenne, ce n’est ni une approche végétarienne ni végétalienne : la viande est consommée en petites quantités (mouton, agneau, poulet) et pas tous les jours. Les produits laitiers comme les fromages, les yaourts à base de lait de brebis ou de chèvre trouvent aussi une place dans les menus du quotidien, largement agrémentés de fruits secs et noix. Il s’agit donc d’une diète qui mobilise tous les aliments riches en nutriments provenant de son territoire. N’oubliez pas d’y associer la douceur de vivre, typique de la Méditerranée !
Depuis 2013, l’Unesco a inscrit la diète méditerranéenne au patrimoine culturel mondial de l’humanité. Si les habitudes alimentaires sont diversifiées dans les pays méditerranéens, on observe tout de même plusieurs constantes : abondance de fruits, légumes, légumineuses et noix ; omniprésence de l’huile d’olive ; un verre de vin rouge aux repas. Une alimentation, oui, mais aussi un mode de vie : le plaisir et la convivialité des repas qui sont des moments importants de sociabilité, oubliée ou négligée dans une bonne partie des pays occidentaux. Une bonne raison de plus d’adhérer à ce régime qui sait conjuguer harmonieusement gastronomie et santé.
Cinzia Cuneo cofondatrice de SOSCuisine.com
Se tourner vers l’avenir
Les bienfaits de la diète méditerranéenne sur la santé cardiovasculaire ont incité les chercheurs à tenter de mettre en évidence d’autres vertus de ce régime. Des recherches couronnées de succès ! Même si les premiers résultats restent à confirmer, il semble que cette diète contribue également à prévenir le cancer du sein et les maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer. Pour l’instant, les chercheurs estiment qu’il faut attribuer cette efficacité à la synergie des nutriments apportés par des aliments de qualité. Ils soulignent aussi la faible part de la viande dans cette diète par rapport aux végétaux. Par ailleurs, des résultats encourageants ont été enregistrés dans la prise en charge de la stéatose hépatique non alcoolique, une affection du foie qui touche un nombre croissant de personnes, au même titre que le surpoids, l’obésité et le diabète.
Le vin ? Oui, mais rouge, et avec modération !
La diète méditerranéenne laisse une place au vin (rouge), bu avec modération (un verre), mais plusieurs fois par semaine.
• On sait aujourd’hui qu’il renferme des polyphénols, dont le fameux resvératrol, aux propriétés antioxydantes bien supérieures à la vitamine E. Les principaux flavonoïdes présents dans le vin sont les flavonols, avec pour chef de file la quercétine. Elle est très présente dans le vin rouge (quelques dizaines de mg), avec des propriétés antioxydantes, antiinflammatoires et antiallergiques. Elle améliore aussi l’absorption de la vitamine C.
• Les catéchines (ou tanins) ont un rôle antiradicalaire 3 à 4 fois supérieur à celui de la vitamine E. Enfin, les anthocyanes sont des pigments présents dans la pellicule des raisins noirs et rouges : ils donnent sa couleur au vin et ont des vertus antioxydantes.
• Les taux de catéchines et d’anthocyanes sont variables selon les cépages (de 500 à 1000 mg/l) : le pinot noir, le cabernet-sauvignon et le merlot arrivent en tête.
Et le cholestérol ?
Du fait des excellents résultats d’une diète méditerranéenne sur la prévention du risque cardiovasculaire, on peut se demander s’il existe un lien avec le taux de LDL cholestérol (le « mauvais » cholestérol). Rappelons que, lors d’une prise en charge médicale classique, il fait partie des éléments à faire baisser, à grand renfort de médicaments aux effets secondaires non négligeables comme les statines. Or, que ce soit dans l’étude Predimed ou lors de la Lyon Diet Heart Study, aucune baisse du LDL cholestérol n’a été retrouvée. D’ailleurs, dans la dernière étude, les deux groupes de personnes (groupe régime méditerranéen et groupe témoin) présentaient le même niveau de cholestérol. On ne le dit pas assez : la diète méditerranéenne remet en cause la théorie de la responsabilité du cholestérol dans les maladies cardiovasculaires.