Oca du Pérou, persil, hélianti… des racines surprises !
Enfouies sous terre, à l’abri des gelées, se cachent des racines que les temps modernes ont marginalisées. Sauvages mais aussi à leur place dans les potagers, ces légumes refont surface, nous offrant un cocktail contre les coups de froid et des saveurs «nouvelles».
Douces, sucrées, au goût de noisette ou de châtaigne, ou bien amères et âcres, de curieuses racines tubercules arrivent comme des ovnis sur les étals des maraîchers audacieux. Le persil tubéreux, le cerfeuil tubéreux ou l’oca du Pérou viennent s’installer aux côtés des panais, crosnes et topinambours, tandis que dehors, sous les pieds des promeneurs avertis, se terrent la génotte sauvage et la gesse tubéreuse. Mais qui sait quoi en faire ? Peu de livres de cuisine sont capables de nous guider dans leur préparation et leur intérêt gustatif. Sauf peut-être celui de votre arrière-grand-mère ! Car la plupart de ces racines étaient cultivées autrefois pour l’alimentation mais également afin de composer des remèdes médicinaux. À la fin du XIXe siècle, on en comptait deux cents espèces. Ces légumes « anciens » ont été délaissés car ils étaient devenus les symboles d’un plat de pauvre ou de période de pénurie. La rationalisation des cultures agricoles a fait le reste pour les écarter complètement. Ils regagnent aujourd’hui du galon : quelques grands cuisiniers, adeptes d’une cuisine privilégiant les produits frais et de terroir aux saveurs étonnantes, les mettent à l’honneur. Ils permettent à ces racines – une trentaine de variétés aujourd’hui – de surgir de l’oubli. Au cœur de la saison froide, peu de légumes peuvent rivaliser avec leurs couleurs, leurs formes et leurs saveurs originales, sans parler de leur apport pour notre santé.
Légumes énergétiques
Les racines puisent dans la terre les éléments nourriciers dont elles vont avoir besoin pour donner naissance à la plante, faire croître ses tiges et ses feuilles dès le printemps. Ces organes sont les réserves énergétiques de la plante. Il est de ce fait logique de déterrer les racines en hiver, lorsqu’elles sont gonflées de matières nutritives. Elles nous fournissent alors leur richesse en glucides, généralement de l’amidon comme chez les pommes de terre, mais pas seulement.
On trouve aussi de l’inuline et parfois des sucres simples qui sont la principale source d’énergie pour notre organisme et le socle de notre alimentation. Les glucides constituent même le carburant vital pour nos muscles et notre cerveau, qui en consomme de 4 à 5 g par heure. Certains glucides, communément appelés sucres, sont également indispensables au bon fonctionnement de l’intestin. Qu’ils passent le cap de la digestion, comme les amidons, ou non, comme les fibres (cellulose), ils ont un rôle important dans l’action mécanique de la digestion, notamment en stimulant le transit. Et que les diabétiques se rassurent, les glucides contenus dans les tubercules ont un index glycémique bas, tout comme une densité calorique faible, mais en revanche une densité nutritionnelle bien élevée.
Trésors de micronutriments
Les racines tubéreuses sont composées de micronutriments qui, au contraire des nutriments comme les glucides ou les protéines, ne jouent aucun rôle énergétique. Ce sont les vitamines, les minéraux, les oligo-éléments, et leur apport par l’alimentation est indispensable au bon fonctionnement des cellules de notre corps. Ces racines sont même de véritables usines, capables de transformer les minéraux de la terre en minéraux organiques pour nous les restituer, parfaitement assimilables et en quantité et diversité étonnante. Elles contiennent du calcium, du potassium, du magnésium, du phosphore… mais aussi des vitamines (C notamment) permettant l’assimilation de ces minéraux et de nombreux oligo-éléments parmi lesquels on peut citer le cuivre, le fer, le fluor, l’iode, le cobalt, le sélénium, le chlore et le manganèse. Tous ces éléments travaillent en synergie sur l’ensemble de nos métabolismes, et sont même les piliers de notre bonne santé.
Les racines tubéreuses trouvent en hiver les meilleures conditions pour nous fournir ce dont nous avons besoin en cette période de froid. Leurs propriétés nutritionnelles sont capables d’améliorer bon nombre de maux, tels une fragilité osseuse, des troubles digestifs, des affections cardiovasculaires, des troubles neurodégénératifs… Mais le principal point fort de ces sources de minéraux et vitamines est leur action stimulante sur le système immunitaire. En comblant les éventuelles carences et en regonflant l’organisme en nutriments indispensables, elles combattent la plupart des maladies hivernales : rhumes, infections et virus grippaux.
Mais nos aïeux le savaient ! Les racines tubéreuses tenaient une place essentielle dans leur alimentation parce qu’ils savaient que ces légumes d’hiver possèdent tous les nutriments essentiels à leur bonne santé. Le panais, le topinambour et même le rutabaga ont déjà entamé un retour dans nos assiettes, mais pourquoi ne pas y ajouter le chervis, l’hélianti, la poire de terre, la capucine tubéreuse ou encore le cerfeuil tubéreux, l’apios et le persil tubéreux ? Ces légumes n’ont rien de marginaux et il est grand temps de se les réapproprier car des premiers frimas jusqu’à la fin de l’hiver ils nous font cadeau de leurs nombreuses vertus.
À lire :
- « Cuisine sauvage », de François Couplan, éd. Sang de la Terre, 640 p., 37,90 €.
- « Les légumes oubliés de nos grands-mères », de Béatrice Vigot-Lagandré, éd. Nouvel Angle, 96 p., 8,50 €.
- « Racines », de Laurence Salomon, éd. La Plage, 120 p., 19,90 €.