Le quinoa : histoire, bienfaits et mode d'emploi
Graine sacrée des Incas qui s’est imposée comme superaliment pour sa haute teneur en protéines végétales, le quinoa ne se résume pas à ses qualités nutritionnelles : il inspire des cuisiniers créatifs qui ont appris à le sublimer. Une histoire à savourer.
[Mis à jour le 10/04/2018]
Derrière cette petite graine star des rayons bio, il y a l’histoire d’une plante qui a conquis le monde en seulement quelques années. Originaire des Andes, le quinoa était une plante sacrée chez les Incas, qui l’appelaient chisiya mama, la « mère de tous les grains ». On raconte que, pour la première récolte de la saison, était organisée une cérémonie durant laquelle l’empereur cueillait lui-même les graines à l’aide d’outils en or. Le quinoa comptait aussi parmi les offrandes faites à Pachamama, la divinité de la terre et de la fertilité. Toutefois, passé la période précolombienne, le quinoa n’a pas suscité de fort intérêt chez les conquistadors, qui ont plutôt développé la culture du riz, auquel ils étaient déjà habitués : « Dans le quatuor des grandes plantes alimentaires des Incas, maïs, pomme de terre, haricot et quinoa, les trois premières sont devenues des ressources majeures au niveau mondial, tandis que la dernière n’a pas connu cette gloire », explique le médecin Jean-Philippe Derenne, passionné de cuisine et auteur d’un livre sur le quinoa.
Au cours des siècles passés, de nombreux voyageurs ont rapporté des graines de quinoa et tenté, sans succès, de les cultiver sous des climats tempérés. « Il y a eu des essais d’acclimatation en France au xixe siècle, mais ils n’ont pas convaincu, et ce cousin du chénopode bon-Henri fut alors considéré comme un épinard d’été, car on peut aussi en manger les feuilles», raconte Jean-Philippe Derenne, qui ajoute: «Le quinoa nécessite un lavage préalable pour enlever la saponine qui l’entoure et le rend très amer au goût ; si cette première étape n’est pas respectée, la graine peut sembler impropre à la consommation.» Depuis ces dernières années, non seulement l’amertume qu’on lui reprochait a été vaincue, mais sa culture est désormais maîtrisée en dehors des Andes, aux États-Unis, au Canada, en France et récemment en Suisse. La Bolivie et le Pérou, berceaux du quinoa, réalisent toujours plus de 90% de la production mondiale. Depuis les années 1970, la demande a explosé.
Protéines, fibres et bon gras
En effet, les pays occidentaux ont redécouvert ses qualités nutritionnelles rares. Le quinoa se distingue par son apport en protéines: il en apporte deux fois plus que les autres céréales, ce qui représente entre 12 et 20 % de son poids sec selon les variétés. En outre, ces protéines sont d’excellente qualité: elles comportent tous les acides aminés essentiels, notamment la lysine, qu’on ne trouve normalement en abondance que dans la viande, le poisson et les œufs. Il est aussi riche en fibres et donc utile pour modérer l’index glycémique du repas, stimuler un transit paresseux et accroître la sensation de satiété. Il représente également une source importante de magnésium, de fer et d’oméga-3. De plus, le quinoa facilite la digestion: non seulement il ne contient pas de gluten, mais il apporte de l’alpha-amylase, une enzyme qui digère l’amidon.
Il apparaît ainsi comme un superaliment pour les végétariens et, plus largement, pour toutes les personnes qui désirent limiter leur consommation de viande. On peut aussi le recommander aux femmes allaitantes et enceintes : il aide à la lactation et, préparé avec un peu de gingembre, constitue un excellent aliment anti-nausée. La NASA considère le quinoa comme une espèce idéale, susceptible d’être utilisée lors d’éventuelles missions de longue durée exigeant de cultiver des produits alimentaires à bord d’un vaisseau spatial. En 2015, une astronaute en mission à bord de la Station spatiale internationale apparaissait dans une vidéo sur YouTube où elle expliquait comment elle confectionnait une tortilla de quinoa aux tomates séchées!
Une infinité de recettes
Traditionnellement, le quinoa est grillé, puis transformé en farine pour la préparation de différents types de pains. Il peut aussi être cuisiné comme une céréale, simplement ajouté aux soupes et même fermenté pour en faire de la bière ou de la chicha, boisson traditionnelle des Andes. De nos jours, il se prête à une infinité de recettes, comme en témoigne le livre de cuisine de Jean-Philippe Derenne. Pour lui, le caviar d’aubergine, le guacamole ou encore la tapenade sont sublimés lorsqu’on y ajoute du quinoa cuit et mixé : il ajoute une note de noisette et d’onctuosité.
Dans son livre sur le quinoa, Jean-Philippe Derenne invite des grands chefs : Alain Passard le fait cuire avec de l’ail, des légumes et de la fleur d’oranger, tandis qu’Akrame Benallal le prépare en dessert avec du lait, du chocolat et de la cannelle. Toutes ces promesses gustatives ne doivent pas nous faire oublier que le quinoa provient généralement de loin et que les conséquences de son essor récent peuvent être déstabilisantes pour les petits paysans qui le cultivent en Bolivie et au Pérou : envolée du prix local du quinoa, pression foncière, tensions sociales... On veillera donc à toujours l’acheter sous un label de commerce équitable ou à l’acheter made in France.
A lire
Tout savoir sur le quinoa avec 200 recettes sans gluten, de Jean-Philippe Derenne, éd. Fayard, 380 p., 24 €
Mode d’emploi
Les variétés
Il existe plus de 3 000 variétés, parmi lesquelles on distingue les quinoas « amers » et « doux ». Les premiers, traditionnel- lement cultivés dans les Andes, nécessitent le lavage des grains à cause de la teneur en saponine de l’enveloppe. Il s’agit des variétés majoritai- rement exportées en Occident par le biais du Les couleurs agissant comme un régu- La cuisson commerce équitable et souvent regroupées sous l’appellation « Quinoa real ». Les quinoas « doux » sont quant à eux issus de sélections variétales plus récentes, et contiennent peu ou pas de saponine : il s’agit notamment des variétés cultivées en France.
Les couleurs
Blanc : le plus répandu, il a un goût de noix, un grain moelleux et se prête à toutes les préparations. Rouge : sa saveur est plus brute, et son grain plus ferme ; il tient mieux à la cuisson. Noir : son parfum est plus terreux, et il est plus riche en lithium, métal lateur de l’humeur et prévenant la dépression.
La préparation
Si nécessaire, éliminez l’enveloppe visqueuse due à la saponine : rincez votre quinoa dans une grande quantité d’eau froide, égouttez-le, puis rincez à l’eau courante dans une passoire.
La cuisson
On prépare le quinoa exactement comme le riz : en le faisant cuire dans de l’eau à feu doux, 15 minutes environ. Alternative gourmande : placez le quinoa dans trois fois son volume d’eau et laisser cuire 50 minutes au four à 180 °C ; il sera plus moelleux. Cette recette est détaillée dans cet article.
Une filière française exigeante
En juillet dernier, environ 250 agriculteurs du Maine-et-Loire ont récolté du quinoa. Cette nouvelle filière est née à la fin des années 2000. Comme la culture était nouvelle pour la France, aucun pesticide n’était homologué pour le quinoa. Un inconvénient devenu une force puisque les acheteurs apprécient ce quinoa issu d’une culture proche du bio. « Notre cahier des charges est très strict », explique Frédéric Truffaux, chargé du suivi terrain du quinoa pour la Coopérative agri- cole du Pays de Loire : « Les produits phytosanitaires sont strictement interdits hormis le cuivre contre le mildiou et les pyréthrinoïdes. Chaque parcelle est visitée au moins trois fois par an pour contrôler le bon respect du cahier des charges par les agriculteurs. » Cette production représente aujourd’hui le tiers du quinoa consommé en France. www.quinoadanjou.fr, tél. : 02 41 38 14 67