Dossier
Fructose et compagnie :
la chasse aux sucres (3/3)
On s’en delecte le matin, à midi ou le soir, au goûter ou pour tromper les fringales matinales. De canne, de maïs, de betterave ou de kitul ; blanc, brun, raffine ou cristallisé… le sucre est partout et prend toutes les formes, avec chaque fois des risques pour notre santé. Alors comment se faire plaisir tout en se préservant ?
La glycémie sous contrôle
Réguler sa glycémie, c’est, on l’a vu, commencer par faire la chasse aux sucres ajoutés inutiles, et en particulier le fructose. Pour produire son glucose, le corps peut en effet tout à fait se contenter des sucres présents à l’état naturel dans les aliments.
Nous avons en réalité besoin d’une quantité infime de glucides. Le docteur David Permutter, auteur de Ces glucides qui menacent notre cerveau, conseille par exemple un régime drastique ne dépassant pas 60 g de glucides par jour au total. Lorsqu’on sait que c’est l’équivalent de 450 g de pommes ou d’une baguette de pain blanc, on réalise à quel point on est actuellement en dehors des clous....
Gérer sa glycémie passe aussi par la prise en compte d’un autre critère important, l’index glycémique (IG) des aliments. Plus il est élevé, plus l’aliment entraîne une hausse rapide du sucre dans le sang (100 correspondant au glucose, on parle d’IG élevé au-dessus de 70 et bas en dessous de 35). Opter pour des aliments à IG bas est le meilleur moyen de lisser les pics glycémiques, qui fatiguent le corps, génèrent des coups de barre et abîment vos organes.
Mais comment savoir si l’IG d’un aliment est élevé ou bas ? En dehors d’une liste que vous pouvez afficher dans votre cuisine, trois éléments permettent de vous faire une idée: la nature des glucides (glucides simples ou glucides complexes), la présence d’eau ou de fibres (qui vont modérer la réponse glycémique) et le mode de préparation et de cuisson. On s’orientera donc de préférence vers les glucides complexes (céréales, légumineuses) plutôt que vers les glucides simples (glucose, fructose, galactose...).
Mieux vaut en général préférer les céréales complètes aux céréales blanches, mais il faut aussi tenir compte de leur mode de préparation. La raison : beaucoup des aliments du commerce étiquetés « complets » ont été telle- ment transformés (cuits, émiettés, soufflés...) que leur IG est proche des céréales blanches (lire l’encadré page suivante)! Il est donc primordial d’aller vers les produits les moins transformés possibles. Ainsi, pour le sucre de canne, on préférera le sucre intégral ou complet (rapadura), qui a gardé toutes ses fibres, à la cassonade ou au sucre blanc.
Pour réguler une glycémie qui dérape, les changements alimentaires accompagnés d’une activité physique sont indispensables. Les plantes peuvent également s’avérer bien utiles. Certains fabricants ont d’ailleurs mis au point récemment des sucres de table à faible IG en y associant des épices. Diabliss a ajouté à du sucre de canne semi-complet plusieurs plantes ayurvédiques (la...
cannelle, par exemple). Au quotidien et pour un prix plus raisonnable, des plantes ayant des propriétés hypoglycémiantes établies peuvent facilement s’intégrer à votre alimentation.
C’est le cas des orties et des condiments (ail, oignon, cumin, gingembre, fenugrec). Le fenugrec, Trigonella foenum-graecum, diminue l’absorption des glucides et améliore la glycémie à jeun ou après les repas, rend l’insuline plus performante et fait baisser la tension artérielle. Toutefois, il a également tendance ̀ ouvrir l’appétit et faire manger plus. À vous d’ajuster la quantité qui vous convient dans votre alimentation. Nez fragiles, s’abstenir, car cette épice a une fâcheuse tendance à modifier l’odeur de votre transpiration...
Tel n’est pas le cas de la cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum) que vous pourrez intégrer, à raison de 2 à 3 g de cannelle moulue par jour, dans les yaourts, les compotes ou les plats salés façon orientale. Des études montrent également son intérêt dans la baisse des triglycérides, du cholestérol LDL, et en prévention de l’ulcère de l’estomac.
Pensez également à la consommation de thé vert, dont la richesse en polyphénols diminuera l’absorption intestinale du glucose, améliorera la réaction de votre pancréas au sucre et l’absorption du glucose dans les cellules. Le thé vert bien infusé dix minutes avant un repas diminuera votre pic glycémique. La cannelle et le thé vert ont une activité notable sur l’hémoglobine glyquée, un indicateur sanguin de l’équilibre glycémique sur plusieurs mois. De nombreuses plantes sont ainsi intéressantes en prévention et en accompagnement au long cours.
Jolie fleur, joli sucre
Dans la jungle touffue des sucres d’origine naturelle, certains retiendront l’attention du gourmand nutritionnellement vigilant. C’est le cas de deux produits issus de fleurs, pour lesquels il existe de très belles filières artisanales :
• Le sucre de fleur de coco (Cocos nucifera) tout d’abord, agréable au goût et s’obtenant après cuisson de la sève s’écoulant des fleurs. Il possède un index glycémique faible (24) et est équilibré en différents sucres (85 % de saccharose, 4 % de fructose et 4 % de glucose).
• La sève de Kitul (Caryota Urens), un palmier d’une vingtaine de mètres qu’on trouve au Sri Lanka. La sève de la fleur est obtenue après un rituel d’incision de l’écorce dans laquelle on ajoute épices, piments ou citronnelle pour que la fleur produise plus de jus. Celui-ci est ensuite chauffé pour obtenir un jus brun concentré (54 % de saccharose, 7,5 % de fructose, 6 % de glucose) qui a été sélectionné dans l’Arche du goût du mouvement Slow Food pour le savoir-faire qu’il incarne.
Les bienfaits de l’inuline
L’inuline est une fibre alimentaire au léger goût sucré. Non digérée par l’organisme, elle nourrit et aide au développement des bonnes bactéries intestinales, raison pour laquelle on l’appelle un prébiotique. On la trouve dans la racine de chicorée, les topinambours, les oignons, les poireaux, les asperges, les artichauts et les bananes, mais aussi dans le yacon, ou poire de terre (Smallanthus sonchifolius), un tubercule andin consommé depuis des millénaires, dont le sirop connaît outre-Atlantique un grand succès. Ses effets positifs sont nombreux : immunostimulant, préventif du cancer colorectal, baisse des triglycérides et du cholestérol sanguin, stimulant de l’absorption des minéraux (calcium et magnésium)... La dose efficace est autour de 10 g par jour (commencer progressivement pour éviter des désagréments intestinaux). Mais ici encore, en l’hydrolisant pour obtenir du fructose pur destiné à sucrer des sodas ou des pâtisseries, les industriels ont trouvé le moyen de transformer un trésor de la nature en édulcorant délétère.
Gymnema sylvestre: la plante des pulsions sucrées
On utilise les feuilles de cette plante grimpante indienne dans l’ayurvéda depuis longtemps pour ses propriétés hypoglycémiantes et hypocholestérolémiantes. Très puissante, elle stimule la production d’insuline, ralentit l’absorption du sucreau niveau intestinal et limite la perception du sucre sur la langue plusieurs heures, ce qui lui donne un pouvoir anti-fringale intéressant. Son efficacité fait qu’elle sera déconseillée sans encadrement médical dans les cas de diabète. En revanche, associée à une bonne hygiène alimentaire et à de l’activité physique, elle pourra être d’un grand soutien pour les personnes en situation de pré-diabète et qui veulent arrêter de grignoter n’importe quand. Le docteur Marc Normand conseille, pour cette indication, 400 mg de la plante avant les trois repas de la journée.
Souffler n’est pas jouer
Même lorsqu’elles sont dites complètes, les céréales soufflées (riz, tournesol, sésame, quinoa...), vendues comme des en-cas sains (car faibles en glucides et en calories), sont en réalité des petites bombes glycémiques. Avec un index glycémique de 85 (contre 65 pour le sucre blanc), leur consommation entraîne un retour rapide de la sensation de faim, et à terme encourage la résistance à l’insuline, le diabète et l’obésité. Cette observation vaut pour toutes les céréales soufflées ou floconnées du type galettes ou corn-flakes.