Le foie, l'autre organe de notre immunité
Depuis le début du XXIe siècle, la science a démontré que nos intestins contribuent à renforcer les défenses de l'organisme. On en parle moins, mais notre foie aussi est à sa façon lié à notre système immunitaire. À condition de ne pas être débordé. Et si on essayait de comprendre pourquoi et comment…
Le foie est directement impliqué dans les processus de défense de notre immunité. Il traite certains de nos déchets organiques. C’est lui qui se charge de détruire les globules rouges ou les hormones qui ont « fait leur temps ». Lui qui neutralise les toxines ou les substances qu’il ne reconnaît pas ou que l’organisme n’utilise pas, comme les additifs, l’alcool ou les médicaments quand ceux-ci ont fait leur œuvre.
Cependant, le foie est équipé de certaines cellules dont l’activité consiste à lutter, entre autres, contre les virus et les bactéries. Dans ce combat, trois types de cellules vont assister les hépatocytes, les principales cellules de cet organe qui est le plus volumineux du corps humain. Il y a d’abord les cellules de Kupffer, qui sont dérivées des globules blancs circulants. « Comme tout globule blanc, ces macrophages sont en mesure de phagocyter (avaler pour les détruire) des germes ou des éléments étrangers », explique le nutritionniste Jean Joyeux, coauteur de Votre foie a besoin d’amour (éd. du Rocher).
D’autres cellules suppléantes ont des fonctions encore plus précises. Toujours en contact étroit avec les hépatocytes, les cellules de Ito (ou cellules stellaires) sont prêtes à agir en cas d’inflammation prolongée et de destruction massive des tissus hépatiques. Elles sortent de leur état de repos pour réparer le foie, notamment en produisant des fibres de collagène. Dans les cas extrêmes comme la cirrhose, le foie peut être « fibrosé », désormais incapable d’assumer ses fonctions physiologiques. « Les “pitt cells” sont quant à elles des “natural killers” qui ont la capacité de tuer nos cellules si elles ne fonctionnent pas normalement, comme c’est le cas des cellules cancéreuses. Enfin, le foie étant très vascularisé, on rencontre beaucoup d’autres cellules immunitaires “de passage” dans son réseau vasculaire », ajoute Jean Joyeux.
Attention au surmenage
Ces armées défensives ont toutefois leurs limites. Et le foie, qui a bien d’autres fonctions à remplir, peut parfois se trouver « débordé ». Il aura ainsi du mal à nous défendre lors d’attaques bactériennes ou virales particulièrement puissantes comme celles des hépatites ou du Covid. Même chose s’il doit faire face à une intoxication médicamenteuse ou une...
consommation abusive et régulière de boissons alcoolisées ou d’aliments sucrés. Ces mauvaises habitudes peuvent d’ailleurs conduire à une pathologie du foie appelée NAFLD (maladie du foie gras non alcoolique) pouvant s’aggraver en NASH (stéatohépatite non alcoolique), puis en cirrhose. « Dans ce cas, l’immunité travaille alors de façon anormale, s’épuise ou devient à l’inverse hyperactive. Cela explique pourquoi une infection virale chez une personne obèse (surtout si elle souffre d’une NASH) peut parfois mal tourner », souligne Jean Joyeux.
Il faut donc aider notre foie. En cette période d’après-fêtes, doit-on se mettre en mode détox comme certains le recommandent ? Pas nécessairement. Car si on envisage une trop forte restriction à ce moment-là, le foie va se surmener pour détoxiner l’organisme. Et nos défenses immunitaires vont encore en prendre un coup. Il vaut mieux employer la méthode douce. « Plus encore que tout autre tissu, notre foie a besoin d’eau. D’autant plus qu’il travaille à l’élimination, en collaboration avec les reins et l’intestin. Juste après nos agapes, il faut lui fournir des jus de légumes et de fruits à l’extracteur, des tisanes drainantes et des bouillons en plus grande quantité que d’habitude », conseille Jean Joyeux. Les fruits et légumes ont bien sûr une place de choix, notamment ceux que le foie adore comme le citron, les choux, les radis, les pissenlits, les artichauts arrosés d’huile d’olive qui favorise la vidange biliaire et allège le travail hépatique. Véritable assistante du foie, la vésicule biliaire stocke la bile fabriquée par celui-ci et la relargue lors d’excès alimentaires ou de repas trop gras.
Quelques règles d’entretien de votre foie peuvent ensuite être mises en place jusqu’au printemps, saison qui sera plus propice aux cures détox. D’abord, on s’attachera à lever le pied sur la consommation de sucreries. Au cours du mois de janvier, deux à trois douceurs par semaine seront bien suffisantes pour satisfaire nos petites envies. Attention également aux jus de fruits industriels que l’on boit le matin pour se donner du tonus car même les « purs jus » sont bien trop sucrés pour notre foie. Et si l’on presse ses propres jus, on s’efforcera de garder la pulpe pour limiter l’impact du sucre.
Votre foie ne va pas bien si…
On pense souvent à tort que notre foie reste muet… Jusqu’à ce que des symptômes révèlent une maladie déjà bien installée. En étant plus attentif à certains signes cliniques, on pourrait agir plus tôt. En voici quelques-uns :
- Des affections cutanées, notamment de l’acné autour de la bouche
- Des bouffées de chaleur vers 3 heures du matin, s’étendant à la journée dès la périménopause
- Un syndrome prémenstruel quelques jours avant les règles
- Des fringales ingérables et une addiction au sucre
- Une constipation chronique
- Une fragilité capillaire entraînant facilement des hématomes
- Des maux de tête survenant après les repas
- De la rétention d’eau
Agents étrangers
Et pour nos repas ? Il convient d’éviter les plats préparés industriels qui sont toujours trop riches en composants sucrés et en additifs, que le foie doit traiter en tant qu’agents étrangers. Le 1er janvier marquant le début du “mois sans alcool”, on n’hésite pas à adopter cette nouvelle tradition d’origine britannique. Veillez aussi à limiter la consommation de légumineuses, même si celles-ci correspondent bien à la période hivernale, la portion ne dépassant pas le quart de notre assiette. Enfin, rien ne nous empêche de prendre des compléments alimentaires à base d’extraits de plantes protectrices du foie. Une cure de bardane si nos excès ont entraîné l’apparition de boutons autour de la bouche, du desmodium si l’on prend des médicaments au long cours ou un extrait sec d’ortie si nos rhumatismes se sont réveillés. Histoire de faire coup double !
Une journée type
4 repas pour remettre son foie d’aplomb sans effondrer son immunité
Déjeuner :
• 1 bol de crudités de saison arrosées d’une vinaigrette à l’huile d’olive et au jus de citron • 1 poisson cuit à la vapeur douce • 1 poêlée de légumes au curcuma.
Collation :
• 1 ou 2 fruits frais • 1 tisane de fenouil • 1 rondelle de citron.
Dîner :
• 1 bouillon de légumes fait maison ou 1 soupe aux choux • 1 fruit frais • 1 tisane de menthe douce.
Petit déjeuner :
• 1 ou 2 fruits frais • 1 poignée de noix ou d’amandes • 1 tisane de romarin ou de thym.
Une protection contre le Covid ?
Pour le nutritionniste Jean Joyeux, si le foie est enflammé, l’infection à Covid risque d’aggraver l’inflammation. Voici ses explications : « Le foie produit la grande majorité des facteurs de la coagulation. Il consomme aussi beaucoup de zinc, de sélénium, de fer… S’il a trop de travail, le système de défense va forcément s’en ressentir. On a très clairement vu que le facteur de risque le plus important de contracter un Covid grave est l’association de comorbidités. Parmi celles-ci, l’obésité, les troubles métaboliques… qui sont toujours associés peu ou prou à un foie qui travaille trop. De là à dire que la détoxication vous guérira du Covid, il y a très loin. Mais avoir un foie en bonne santé vous protège bien mieux, sans aucun doute… Et cela vaut pour tous les phénomènes infectieux. »