Comment apporter une alimentation équilibrée aux enfants ?
L'équilibre alimentaire se construit dès la petite enfance. Mais notre culture nourricière nous pousse parfois à trop insister sur l'idéal du «bien manger», au détriment du plaisir. Des approches récentes nous donnent des pistes pour accompagner les petits enfants dans cette découverte.
Il faut bien le dire, pour tous les parents, le comportement alimentaire des enfants est parfois désarçonnant. Et cela ne s'explique pas seulement par le fait que leurs besoins nutritionnels évoluent avec l'âge. Ainsi, leurs goûts peuvent-ils varier du tout au tout. Et les aliments qui leur plaisaient hier, peuvent tout à fait les rebuter aujourd'hui. Si on essayait de comprendre ce qui se cache derrière leur façon de manger pour mieux agir en conséquence et faire en sorte que passer à table reste un bon moment, y compris lorsqu'ils grandissent ?
Il faut savoir que notre culture alimentaire se bâtit très tôt, dès l'âge de 4-6 mois, au moment où commence la diversification alimentaire. La méthode classique de nos grands-mères consiste à donner des purées de légumes à la cuillère, tout d'abord au cours d'un des repas. Petit à petit, l'enfant découvre des goûts mélangés, ces purées d'une texture lisse étant souvent constituées de plusieurs légumes. Un apprentissage qui aurait fait ses preuves. Pas tout à fait si l'on en croit une nouvelle approche, appelée diversification alimentaire menée par l'enfant (DME), selon laquelle les parents proposent au bébé de consommer des aliments entiers mais faciles à mâcher dès l'âge de 6 mois. L'enfant va ainsi les appréhender à travers ses sens et en toute autonomie.
Chez les tout-petits, pas d'excès de protéines
Lors de la diversification alimentaire, forcer sur les protéines peut fatiguer les reins encore fragiles des tout-petits. De plus, des études ont démontré qu'un excès de viande à cet âge peut favoriser une prise de poids précoce avant 6 ans et un surpoids plus tard. Veillons donc à respecter les doses recommandées, soit :
- 10 g de viande (l'équivalent de 2 cuillerées à café) entre 6 et 8 mois, au déjeuner.
- 20 g, soit l'équivalent de 4 cuillerées à café, de 9 mois à 1 an.
Si on est végétarien, on pourra introduire du fromage ou des œufs. La prise de lait maternel ou maternisé devra être poursuivie plus longtemps et en quantité plus importante, dans la mesure où les légumes secs, riches en protéines, ne sont pas recommandés avant 15 mois.
* Le lait de vache peut être remplacé par des laits végétaux enrichis en calcium (épeautre, châtaigne, amande, coco, noisette, avoine…) en limitant le lait
de soja, trop riche en oestrogènes pour nos petits. Des fromages de brebis ou de chèvre pourront remplacer le fromage au lait de vache.
Néophobie alimentaire
Concrètement, cela signifie qu'il va jouer avec les aliments avant même de les porter à sa bouche. Les écraser, les pétrir, les presser et même les rejeter va faire partie de ses repas. Ce qui implique d'ailleurs d'accepter qu'il en mette un peu partout. Du moins au début… « Initiée dans les années 2000 par la chercheuse britannique Gill Rapley, cette approche alimentaire favorise un apprentissage progressif à travers le jeu. L'enfant mange avec ses mains tout en s'éveillant au goût. Il se cale aussi sur ses propres besoins et ne risque pas de manger plus, comme cela peut être le cas avec l'alimentation à la cuillère. Cette méthode prévient en outre des complications lors de la néophobie alimentaire », explique Christine Zalejski, docteure en biologie spécialisée en nutrition infantile et auteure du livre Le Grand Livre de la DME (éd. Thierry Souccar).
Mais la néophobie alimentaire, qu'est-ce que c'est ? C'est une période normale du développement de l'enfant. Celui-ci rejette alors certains aliments qu'il aimait et en refuse d'autres par peur de ce qui est nouveau. Cette période commence vers l'âge de 18 mois pour se terminer vers 3 ans. Quand tout se passe bien, car il arrive qu'elle perdure jusqu'à 6 ans pour certains enfants. « Au cours de cette “crise d'opposition“ qui se caractérise aussi par l'affirmation du “non“, l'enfant a besoin de se rassurer en mangeant des aliments qu'il connaît. C'est pourquoi il est alors surtout attiré par les céréales, les féculents et la viande. Et il est courant qu'il refuse les légumes, surtout les plus amers, acides, (endives, pamplemousse, choux…), ceux-ci pouvant génétiquement lui apparaître (sans que cela soit conscient) comme potentiellement dangereux », ajoute Christine Zalejski.
Une telle attitude peut décontenancer les parents, qui peuvent alors mettre en place des stratégies de compensation afin de convaincre l'enfant de manger équilibré. Le faire asseoir devant la télé au moment du repas pour lui faire avaler un plat en douce ? Une idée contre-productive car il n'a plus alors conscience de ce qu'il mange. Lui promettre un dessert s'il mange ses haricots verts ? Un chantage qui va vite lui donner la fausse impression que les desserts ont plus d'intérêt que les légumes. Il arrive aussi parfois que les parents en viennent à le punir ou le forcer. La pire des contraintes, la table devenant un champ de bataille. Pour se débarrasser de la corvée ou faire plaisir à ses parents, l'enfant risque de manger trop et trop vite ou, à l'inverse, refuser de s'alimenter durant le repas. Ce qui ne manquera pas de l'éloigner de l'équilibre alimentaire tant fantasmé par ses parents. Sans compter les risques de surpoids ou, au contraire, de sous-poids.
Adolescence : le deuxième âge de la résistance
A l'adolescence, ce sont les amis qui constituent les références, y compris alimentaires. « C'est la deuxième période durant laquelle les jeunes entrent dans un schéma d'opposition. S'ils ont toujours besoin d'un cadre, comme le fait de continuer à manger ensemble, les parents ne doivent pas être dans l'hypercontrôle. Ainsi, il ne faut pas chercher à les restreindre s'ils mangent beaucoup à table, leurs besoins caloriques étant bien supérieurs. Sinon ils vont se mettre à grignoter tout l'après-midi et même la nuit », explique la nutritionniste Marie-Laure André. En revanche, on peut cuisiner avec eux, inventer des recettes ensemble ou leur demander leur avis pour les repas de fête. Et si on s'aperçoit que sa fille de 14 ans est au « régime » depuis des semaines, un nutritionniste pourra aider à trouver la cause du malaise.
Présenter 8 à 15 fois un aliment
Faut-il pour autant capituler ? « Il ne faut pas s'affoler de ces refus, mais continuer à lui présenter des légumes, même s'il ne les mange pas. De plus, il est tout à fait normal qu'il ne veuille pas y goûter la première fois. Selon les études, il faut présenter huit à quinze fois un aliment à l'enfant avant qu'il n'y prenne goût », souligne Christine Zalejski. Pour y arriver, on peut mélanger les légumes avec des féculents qu'il aime ou en modifier la texture. Pourquoi pas une sauce aux brocolis avec le steak haché ou des pâtes aux carottes ? Et si vous ajoutiez des courgettes râpées qui donnent du moelleux au gâteau au chocolat fait maison ? « On peut aussi l'impliquer davantage dans la préparation des repas. L'emmener faire les courses au marché ou dans une ferme cueillette, le faire éplucher les petits pois ou laver la salade », reconnaît la diététicienne et nutritionniste Marie-Laure André, auteure de Mon petit cahier d'alimentation équilibrée, 4/12 ans, (éd. Solar). Cette professionnelle souligne également l'efficacité de l'exemplarité. Comment peut-on convaincre un enfant de manger du chou-fleur si l'on mange soi-même des frites à côté de lui ? Celle-ci rappelle enfin que quel que soit son âge, l'enfant a besoin d'un cadre qui le rassure. On mange ensemble à table, à une heure dite, des plats communs à tous. Et la nourriture et les sodas ne sont pas à disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et, ça ce n'est pas négociable !