Adoucir le quotidien des seniors avec les huiles essentielles
Troubles du sommeil et de l'appétit, douleurs physiques liées au vieillissement ou à des traitements médicamenteux, sentiment de solitude… Et si l'on faisait appel aux vertus des huiles essentielles afin d'apporter un peu de douceur et de réconfort dans le quotidien des personnes âgées ?
Entre les douleurs physiques qui s’installent avec le temps, les effets secondaires des médicaments, le sentiment de solitude souvent présent, beaucoup de personnes âgées rencontrent des difficultés dans leur vie de tous les jours. Parmi les différentes approches possibles visant à améliorer leur quotidien, l’aromathérapie semble de plus en plus faire ses preuves. Sylvie Vinet, préparatrice en pharmacie et aromathérapeute qui forme le personnel soignant de différents Ehpad sur les huiles essentielles (HE), le constate. « C’est un outil complémentaire utile pour soulager différents maux. Par exemple, à l’Ehpad de La Garnache, en Vendée, j’ai mis en place des protocoles pour assainir l’air en hiver et stimuler l’immunité des résidents. À l’Ehpad de Clisson, en Loire-Atlantique, plutôt des formules pour les hématomes liés aux chutes ou encore contre les nausées », détaille la spécialiste. L’Ehpad Théophile Bretonnière à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique) a quant à lui remporté le prix Gattefossé 2017 pour son protocole aromatique permettant d’apaiser les troubles du comportement dans un contexte de maladie d’Alzheimer. Et le recours à la thérapeutique naturelle complémentaire se répand, puisque plus d’une centaine d’Ehpad dans l’Hexagone (en plus des hôpitaux et de leurs services gériatrie et oncologie) proposent désormais des protocoles aromatiques pour leurs résidents. « Mais gare à choisir des huiles essentielles avec peu de contre-indications, car les seniors sont souvent multimédicamentés », alerte Sylvie Vinet. Elle précise également qu’il vaut mieux privilégier la diffusion, l’olfaction et l’application cutanée des huiles essentielles, qui ont l’avantage d’être des voies d’administration plus douces et sans trop de précautions d’emploi pour les personnes âgées. « J’évite la voie orale qui peut générer des interactions médicamenteuses, même si elle s’avère parfois utile. Par exemple, la prise d’HE de poivre noir mélangée à de l’huile végétale avant les repas permet d’éviter les fausses routes », explique-t-elle.
Moins de troubles du sommeil
Ainsi, depuis le Covid, Sylvie Vinet préconise la diffusion d’huiles essentielles antivirales dans les couloirs ou les pièces de vie des Ehpad. « Quelques gouttes d’eucalyptus radié, de citron ou de ravintsara, 30 minutes le matin et 30 minutes le soir à l’aide d’un diffuseur programmable préviennent les pathologies hivernales comme la grippe », raconte la spécialiste. Et d’autres recettes aromatiques, à diffuser chez soi également, peuvent se montrer utiles. À l’Ehpad Théophile Bretonnière, Delphine Bienon, psychologue, neuropsychologue et aromathérapeute constate quant à elle les effets positifs des huiles essentielles sur l’anxiété et les troubles du sommeil des seniors. « Chaque résident a un diffuseur dans sa chambre. Si la personne est sujette aux angoisses qui rendent l’endormissement difficile (notamment dans le cas de la maladie d’Alzheimer), la diffusion d’huiles essentielles fonctionne souvent très bien et limite même le recours aux somnifères », rapporte-t-elle. Actuellement, une étude clinique menée par le groupe LNA Santé sur 160 résidents d’Ehpad évalue d’ailleurs l’effet de l’aromathérapie sur leur sommeil et sur la consommation de psychotropes.
En attendant les résultats qui devraient être révélés courant 2023, l’aromathérapeute Sylvie Vinet mise sur les fragrances apaisantes et sédatives d’un trio d’huiles essentielles. Celui-ci se compose tout d’abord d’HE de maniguette fine, une huile rare, dont l’odeur fruitée, sucrée, légèrement épicée avec un fond de gingembre favoriserait l’endormissement et réduirait les cauchemars. Issue d’une plante vivace originaire d’Afrique, sa fragrance se marie à merveille avec celle de la bergamote, qui, de par sa teneur en coumarines relaxantes et en limonène, est un véritable antidépresseur et anxiolytique naturel. Enfin, Sylvie Vinet recommande l’ajout d’HE de petit grain bigarade (ou celle de petit grain combava, encore plus douce), composée de 50 à 70 % d’esters, des molécules aromatiques qui ont fait l’objet de plusieurs études confirmant leurs propriétés sédatives et anxiolytiques. « Les aides-soignants voient vraiment la différence sur le bien-être des seniors, cela apporte des bénéfices à tout le monde », se félicite la praticienne.
Entre les problèmes bucco-dentaires qui compliquent la mastication, les nausées liées à la médication et la déprime qui joue sur l’envie de s’alimenter, le manque d’appétit touche de nombreuses personnes âgées. Là encore, on peut faire appel à la diffusion ou à la respiration d’huiles essentielles pour tenter de réveiller les papilles gustatives des seniors. Sylvie Vinet propose cette fois un duo aromatique composé d’HE de cardamome, tonique digestive qui va, par le biais de la respiration, stimuler la muqueuse olfactive. L’odorat, devenu plus sensible, déclenche alors l’envie de manger. « Je l’associe avec de l’essence de citron, qui calme les nausées parfois provoquées par la prise de certains médicaments », décrit la spécialiste. On verse 12 gouttes de chaque sur un stick inhaleur que l’on respirera 15 minutes avant le repas. Les sticks inhaleurs personnels sont à privilégier à une diffusion dans la pièce de vie commune (sauf si vous êtes seul chez vous), tous les résidents ne souffrant pas forcément d’un manque d’appétit. Par ailleurs, si vous aimez l’odeur sucrée de la vanille, vous pouvez respirer cette HE (issue de la gousse) ou en diffuser quelques gouttes dix minutes avant les repas. Sylvie Vinet rappelle qu’une étude de 2005 réalisée par un chercheur au CNRS montrait que cette odeur avait provoqué chez des nourrissons une envie de léchage et de succion. Visiblement, la vanille semble également éveiller les papilles des personnes âgées, constate la spécialiste.
Formule pour combattre les angoisses et le sentiment de solitude
Formules par Sylvie Vinet, préparatrice en pharmacie et aromathérapeute
Propriétés : Anxiolytique, antidépresseur, induit le sommeil, évite les cauchemars.
Indications : En cas d’angoisse, de sentiment de solitude chez la personne âgée au moment du coucher.
Voie respiratoire
- Huile essentielle de maniguette fine(Aframomum angustifolium) 10 gouttes
- Huile essentielle de bergamote (Citrus aurantium bergamia) 10 gouttes
- Huile essentielle de petit grain bigarade (Citrus aurantium ssp aurantium) 5 gouttes
Procédé de fabrication : Verser les gouttes d’huile essentielle sur la mèche d’un stick inhaleur. Fermer.
Posologie : Le soir, après dîner, respirer profondément le stick inhaleur une fois dans chaque narine, puis recommencer juste avant le coucher. Réitérer en cas de réveil nocturne. Faire 5 jours sur 7, du lundi au vendredi.
Précautions d’emploi : Aucune contre-indication.
À savoir : Possibilité de diffuser ce mélange dans la chambre à coucher. Dans ce cas, verser dans un flacon de 10 ml, 150 gouttes d’HE de maniguette fine, 150 gouttes d’HE de bergamote et 75 gouttes d’HE de petit grain bigarade. Diffuser 5 gouttes du mélange pendant 10 minutes avant le coucher.
Note : Il est possible de remplacer l’HE de maniguette fine par de l’HE de lavande fine, aux propriétés similaires.
HE = huile essentielle 1 ml = 25 gouttes
Formules par Sylvie Vinet, préparatrice en pharmacie et aromathérapeute
Atténuer les douleurs
Parmi les protocoles aromatiques très prisés par les Ehpad et les hôpitaux, il y a également ceux qui permettent d’agir sur les douleurs. « Lorsque des personnes âgées souffrent d’arthrose, de rhumatismes et prennent beaucoup d’antalgiques, l’aromathérapie permet parfois de limiter le recours aux médicaments grâce aux vertus des HE de katafray, très anti-inflammatoire, ou de poivre noir, d’eucalyptus citronné, de romarin camphré antalgiques par exemple », décrit Sylvie Vinet. L’aromathérapeute pointe également l’intérêt de l’aromathérapie dans la prévention d’escarres. Cette nécrose de la peau, qui apparaît au niveau des zones de pression lorsque l’on reste sans bouger dans son lit ou dans son fauteuil, est très douloureuse et handicapante pour ceux qui sont forcés de rester allongés ou assis. La spécialiste propose alors une synergie à appliquer sur la peau, qui se compose d’HE de lavande vraie, aux vertus régénérantes cellulaires et antibrûlures grâce à ses monoterpénols et ses esters cicatrisants et anti-inflammatoires. Elle ajoute ensuite du géranium rosat et de la myrrhe aux propriétés calmantes, hémostatiques, anti-inflammatoires et antibactériennes. Enfin, la synergie comprend de l’HE de lentisque pistachier qui, grâce à sa teneur en sesquiterpènes et alcènes, exerce une action décongestionnante et favorise une bonne circulation veineuse et lymphatique.
Ces formules, qu’elles soient pratiquées en Ehpad ou chez soi, devraient contribuer à apporter un peu plus de simplicité et de légèreté dans la vie des personnes âgées. Au-delà des stricts protocoles, l’aromathérapie pratiquée sous forme d’ateliers olfactifs pour réveiller souvenirs et mémoire des seniors, ou juste pour créer une atmosphère de détente (l’idéal étant d’installer un espace bien-être dans chaque Ehpad), permet souvent de se sentir mieux.
Formule pour prévenir les escarres
Propriétés : Anti-inflammatoire, antalgique, circulatoire, cicatrisante.
Indications : En cas d’immobilité prolongée sur lit ou fauteuil.
Voie locale
- HE de lavande vraie (Lavandula angustifolia) 90 gouttes
- HE de géranium rosat (Pelargonium graveolens) 120 gouttes
- HE de lentisque pistachier (Pistacia lentiscus) 30 gouttes
- HE de myrrhe (Commiphora myrrha) 30 gouttes
- MH de millepertuis3 c. à soupe
- HV de rose musquéeQSP 100 ml
Procédé de fabrication : Dans un flacon de 100 ml, verser le macérat huileux de millepertuis, ajouter les HE et compléter d’HV de rose musquée.
Posologie : Verser 3 à 5 gouttes du mélange sur la zone (talon, coude, fessier…) sujette aux escarres et pratiquer un massage très doux 2 à 3 fois par jour, 5 jours sur 7.
Précautions d’emploi : Pas en cas de phlébite ou de problème de thyroïde. Ne pas exposer la zone massée au soleil dans les 3 heures suivant l’application.
HE = huile essentielle 1 ml = 25 gouttes MH = macérat huileux HV = huile végétale QSP = quantité suffisante pour
Sylvie Vinet, préparatrice en pharmacie et aromathérapeute
Pas d’âge pour les mycoses
Entre les orteils, sous la poitrine, les mycoses sont une affection courante chez les personnes âgées. En plus de bien sécher ces zones après la douche, Sylvie Vinet recommande l’utilisation d’huiles essentielles antimycosiques et régénérantes diluées dans une huile végétale anti-inflammatoire et antalgique : HE de tea tree 70 gouttes
- Huile essentielle de géranium rosat ....... 60 gouttes
- Huile essentielle de giroflier .................. 30 gouttes
- Huile végétale de nigelle ........................ QSP 60 ml
Mettre 5 à 6 gouttes du mélange sous chaque sein ou 2 gouttes entre les orteils, 2 fois par jour, sur peau propre et sèche, pendant 5 à 15 jours.
Sylvie Vinet, préparatrice en pharmacie et aromathérapeute