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Covid-19 : Des vaccins à base de tabac

Vaccin Covid-19 tabac
Un vaccin contre le Covid-19 à base de Nicotiana benthamiana

C’est une information méconnue mais plusieurs entreprises développent et testent actuellement des vaccins anti-Covid se servant de plantes comme support, particulièrement du tabac. En cours de test sur l’Homme, cette technique a l’avantage de permettre une production rapide et à grande échelle de vaccins, ce qui constitue un vrai atout dans la course actuelle contre le virus.

Deux sociétés sont en train de finaliser les tests cliniques pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de vaccins anti-Covid utilisant la plante Nicotiana benthamiana, proche parent de la plante de tabac. La société canadienne Medicago vient d’entamer la dernière phase de tests cliniques sur l'être humain (phase 3) et la British American Tobacco, un des plus gros producteurs de tabac au monde a lancé (via sa biotech KBP, Kentucky BioProcessing) la phase II de ses essais cliniques sur l'être humain pour développer son vaccin "ELISA". Les résultats préliminaires de ces études sont attendus pour début mai 2021.

Utiliser l'immunité de la plante pour créer des particules virales inoffensives

L'association entre vaccin et plantes n'est pas évidente de prime abord et l'on peut se demander comment les scientifiques font pour passer d'un simple végétal à un vaccin. Pourtant, ce procédé est utilisé depuis plusieurs décennies et contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'a pas recours à une modification génétique de la plante mais il se sert de la plante comme hôte pour produire la matière active du vaccin.

Habituellement, tout vaccin contient un antigène, c'est-à-dire la réplique inactive d'un virus qui induit une réponse immunitaire sans contaminer la personne vaccinée. Généralement, ces antigènes sont obtenus en fragmentant des bouts du virus vivant pour les multiplier dans des cellules vivantes d'œufs fécondés, d'embryons de poulets ou encore de levures et bactéries. Mais les plantes peuvent aussi servir de support à la création de ces antigènes en devenant des hôtes du virus : on appelle ce procédé "virologie végétale à base de bioréacteurs". Au fil des ans, N. benthamiana est devenue la plante la plus utilisée en virologie végétale. En effet, son système immunitaire, affaibli suite aux nombreuses modifications naturelles génétiques, permet de l'infecter facilement pour lui faire produire des particules virales inoffensives semblables au virus (les antigènes) qui permettent ensuite de fabriquer un vaccin (voir encadré ci-dessous)

Le vaccin obtenu est de type “recombinant”, c’est-à-dire qu’il imite une infection naturelle par le virus. Le virus atténué obtenu est inoffensif mais notre système immunitaire, lui, va le recevoir de la même manière que le virus actif et produire une réponse immunitaire forte et  de longue durée. Selon Medicago, ce vaccin obtenu grâce à  Nicotiana benthamiana aurait donc pour avantage de fonctionner différemment des vaccins inactivés classiques en générant deux types de réponses immunitaires : la "classique" à base d'anticorps et la "médiation cellulaire" qui mobilise les fameux lymphocytes T a priori grandement utile pour éviter de développer une forme grave de Covid.

Enfin, ce type de vaccin est considéré comme ayant un haut degré de sécurité car le virus est totalement désactivé et inoffensif et n’a aucun risque de le redevenir contrairement à certaines autres technologies vaccinales comme celle du "virus vivant atténué".

De la plante au vaccin

Sur son site Internet, l'entreprise québécoise Medicago explique les différentes étapes qui permettent d'utiliser Nicotiana benthamiana pour produire un vaccin anti-Covid :

  1. La séquence ADN de l’antigène est synthétisée puis introduite dans un bactérie connue pour infecter facilement N. benthamiana.
  2. Les plantes sont immergées dans une solution liquide contenant ces bactéries infectées puis le tout est mis sous vide. La pression exercée évacue l’air qui se trouve entre les cellules de la plante et la pression permet de remplacer cet air par la solution qui pénètre alors les feuilles.
  3. La plante et la solution incubent ainsi durant 4 à 6 jours, le temps pour la plante de réagir à cette infection et de produire les antigènes sous forme de particules pseudo-virales.
  4. Les plantes sont récoltées, leurs feuilles sont cueillies puis mélangées à une nouvelle solution qui permet d’en extraire les particules pseudo-virales.
  5. Les particules pseudo-virales isolées sont purifiées, stérilisées et chimiquement assemblées pour former le produit final qui sert de substance active au vaccin.

Une technologie peu coûteuse adaptée à la production de masse

En 2019, lors du congrès mondial des vaccins, cette technologie utilisée par Medicago et brevetée sous le nom de Proficia® a été récompensée du prix “Meilleure technologie/plateforme de vaccin”. Déjà utilisée depuis plus de trente ans pour fabriquer des vaccins contre le choléra, la dengue ou l'hépatite B, cette technique de vaccins à base de plantes a l'avantage d'être peu coûteuse et adaptée à une fabrication rapide à grande échelle. En effet, comme l’expliquent les scientifiques, par le passé, la British American Tobacco a réussi à fabriquer en un mois 10 millions de vaccins contre la grippe ou Ebola en utilisant la même approche à base de plantes.

L’annonce de cette nouvelle d’un vaccin à base de tabac a suscité quelques commentaires amusés. Pour le vice-président de Kentucky Bio Processing qui développe actuellement ce type de vaccin : “Il y a là une ironie évidente” et l’on peut être “cynique” à ce sujet mais “après tout, le tabac reste une plante”. On peut en effet se réjouir de ce retournement du destin de la plante tabac aujourd’hui utilisée à des fins qui servent la santé au lieu de la desservir.

Nasir Mahmood et al., “Plant-Based Drugs and Vaccines for COVID-19”, Vaccines, janvier 2021, 9(1), 15.

Medicago.com : "Comprendre notre technologie à base de plantes"

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