Le cirse potager un chardon à déguster!
Dans les bois humides, ses grandes feuilles allongées et découpées ne passent pas inaperçues. Bien qu’appartenant à la famille des chardons, le cirse est comestible : on mange ses feuilles, ses tiges – elles peuvent atteindre le mètre en été – et les réceptacles de sa fleur au goût d’artichaut.
Après avoir passé une dizaine d’années Outre-Atlantique à vivre dans les bois profonds de l’Ouest américain, je rentrai en France et commençai à donner de nombreux stages en région parisienne.
La capitale est entourée de forêts où j’emmenais mes ouailles découvrir les plantes que nous offre la nature. Parmi toutes celles que nous rencontrions, j’appréciais particulièrement, de façon très pragmatique, celles qui sont à la fois abondantes, faciles à reconnaître, récoltables en quantité et sans effort, savoureuses, utilisables de maintes façons et exemptes de toute toxicité. L’une de ces perles rares est sans conteste le cirse potager dont j’ai, au cours de mes sorties en Ile-de-France et ailleurs, cueilli avec mes stagiaires des dizaines de kilos.
Pourtant, les préjugés ne plaident pas en sa faveur: c’est un charbon, comme tous les cirses, et les chardons piquent ! Eh bien lui pas : le corse potager est l’un des rares chardons dont les feuilles ne sont pas bordées d’épines raides et acérées – chez lui, il s’agit plutôt de soies molles. Il n’y a donc pas besoin d’être un âne pour l’apprécier. Et ses amples feuilles ne ressemblent guère à celles du cirse des prés (Cirsium arvense), « mauvaise herbe » commune : on dirait plutôt des feuilles d’acanthe, larges, amples et mollement retombantes. Leur limbe, d’un beau vert tendre, est souple et appétissant : il est cause de l’épithète du nom de la plante, jugée digne de figurer au potager, comme nos bons...
gros légumes sélectionnés pour leur taille et leur douceur.
Un chardon inerme et délicieux
Je vais souvent chercher au creux de l’immense rosette les plus jeunes feuilles, presque translucides, dont je fais des salades juteuses et parfumées. Avec les feuilles plus âgées, je prépare toutes sortes de plats «comme avec les épinards» pour paraphraser l’expression classique qui entérine l’oubli de nos innombrables «herbes à pot»... Mais le cirse potager a plus d’un tour dans ses feuilles: elles présentent des nervures, épaisses et charnues, que l’on peut utiliser comme des côtes de bettes. C’est pourquoi, bien souvent, lors de nos sorties circum-parisiennes, le gratin de pétioles de cirse potager figure à notre menu. À moins que je ne les fasse simplement revenir dans une poêle ou, plus basiquement encore, me contente de les cuire à la vapeur pour les servir avec un let d’huile d’olive, un jus de citron et quelques grains de sel – la meilleure façon de percevoir le goût de notre végétal.
Comme de nombreuses plantes de la famille des Astéracées (par le passé on disait Composées), le cirse potager possède une saveur qui rappelle celle de l’artichaut, son cousin. Il est riche en inuline, un sucre difficilement assimilable et dont l’excès provoque des gaz intestinaux, mais qui présente l’avantage de ne pas perturber le métabolisme des diabétiques. En dehors de ce dernier aspect, les propriétés de notre chardon inerme et délicieux sont tout simplement inconnues... Voilà une plante à découvrir!
Herbier
Le cirse potager (Cirsium oleraceum) se rencontre communément dans la plupart de nos bois et de nos forêts humides, à l’exception des hautes montagnes et de la région méditerranéenne. Il apprécie à la fois l’eau et le soleil et abonde fréquemment le long des fossés qui bordent les chemins. On en repère facilement les larges touffes de feuilles qui peuvent prendre deux formes très différentes, parfois sur le même pied, ce qui peut créer des confusions si l’on se borne à en observer la forme : elles peuvent être presque entières ou profondément divisées en segments allongés. Mais elles sont toujours bordées de soies souples caractéristiques. Au début de l’été, une hampe orale jaillit du centre de la rosette et peut atteindre le mètre. L’inflorescence du cirse potager trahit son appartenance à la grande famille des Astéracées, car elle forme un capitule typique. Mais alors que ceux de la plupart de ses cousines sont composés de fleurs roses, toutes en tube, elles sont chez notre plante d’un jaune pâle qui permet de l’identifier à coup sûr.
Recette sauvage
Côtes de cirse à la crème de soja
Ingrédients
• 300 g de pétioles et de nervures de cirse
• eau et sel
• 20 cl de crème de soja
• 1 c. à soupe d’huile d’olive
• un filet de citron
• 2 gousses d’ail.
1. Épluchez les pétioles et les nervures de cirse, coupez-les en tronçons d’1 cm et faites-les cuire 10 minutes à l’eau salée.
2. Disposez-les dans un plat.
3. Faites chauffer la crème de soja et ajoutez-y l’huile d’olive, le jus de citron et l’ail pressé.
4. Salez.
5. Nappez le cirse de la crème et servez chaud.
François Couplan organise des stages de découverte des plantes sauvages comestibles et médicinales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les plantes et la nature. www.couplan.com