La ronce, des mûres et des feuilles
La ronce est sans conteste l’un des fruitiers sauvages les plus connus et les plus appréciés : qui n’a jamais récolté des mûres pour préparer des tartes ou des confitures ? Mais elle a plus encore à offrir : c’est également un étonnant arbre à tisane et, avec un peu de savoir-faire, à thé...
Comme de nombreux enfants, j’attendais impatiemment la fin de l’été pour aller cueillir les grosses boules noires et juteuses que sont les mûres. Elles étaient tellement abondantes que je réussissais à remplir mon seau malgré les prélèvements continuels que ma gourmandise infligeait à ma cueillette. Ma mère aimait particulièrement faire de la gelée avec ces fruits, plus longue à préparer que la confiture, mais ô combien plus délicate ! J’aimais étaler sur des tartines de pain beurré cette préparation d’un superbe pourpre foncé dont la saveur un peu sauvage me ramenait auprès des buissons que j’affectionnais. Avec les framboises des montagnes, les myrtilles des bois et les merises des haies, je pense que les mûres sont les fruits sauvages dont je me suis le plus repu.
Plus tard, j’ai continué à explorer les possibilités de ces abondants cadeaux de la nature. J’en extrayais, par exemple, le jus en laissant crever les mûres sur le feu pour les passer ensuite à travers un linge qui en restait marqué à jamais. Parfois, plus proche de la technologie moderne, j’utilisais un extracteur de jus. Et il m’arrivait de laisser fermenter ce dernier, après avoir ajouté un peu de sucre, pour obtenir un vin savoureux, légèrement pétillant. J’expérimentai aussi...
le chutney de mûre, une sauce à la fois sucrée et salée, acidulée et piquante, colorée et parfumée, dont j’agrémentais les céréales et les légumes qui formaient la base de mon alimentation. Et puis je mis au point différents desserts dont finalement les plus simples se révélèrent les meilleurs, tels ces ramequins de pommes, mûres, noix et miel que je vous propose dans la recette ci-dessous.
Les feuilles de ronce sont riches en tanins et on les utilise en gargarisme contre les angines et les irritations de la cavité buccale. J’eus parfois l’occasion de les mettre à profit et je les trouvai efficaces. Mais je pensais pouvoir en faire quelque chose de plus intéressant. M’inspirant du thé (Camellia sinensis), inodore tel quel, mais parfumé lorsqu’on l’a soumis à une fermentation, j’eus l’idée de procéder de même avec les feuilles de ronce. Je cueillis donc de jeunes pousses que je roulai dans un torchon humide et que j’exposai au soleil. Au bout de quelques jours, en humectant soigneusement ma préparation, les feuilles étaient devenues noires et dégageaient un agréable parfum fruité. Il ne me resta plus qu’à sécher ces pousses pour en préparer une délicieuse infusion dont la fragrance évoque la framboise – d’ailleurs une proche cousine.
Je finirai en précisant que le nom de « mûre » s’appliquait à l’origine non pas au fruit de la ronce, mais à celui des mûriers (Morus spp.), des arbres botaniquement très éloignés. Comme les premiers leur ressemblent, la dénomination s’est étendue. Cela ne vous empêchera nullement d’apprécier les uns comme les autres.
Herbier
La ronce (Rubus fruticosus) est un arbrisseau aux longues tiges arquées couvertes d’aiguillons qui marcottent lorsque leur extrémité touche terre, permettant à la plante de se propager. Les feuilles sont composées de cinq folioles dentées et les fleurs rose pâle donnent des structures fruitières appelées « polydrupes » : imaginez plusieurs micro-cerises soudées les unes aux autres, pulpeuses, juteuses et renfermant chacune un noyau – ce sont les mûres des ronces.
La ronce commune fait partie d’un groupe d’espèces très proches les unes des autres, et difficilement différenciables. Il existe d’autres espèces bien différenciées, telle la ronce bleue (Rubus caesius), dont les fruits comportent quelques grosses drupes d’un bleu clair. La framboise (R. idaeus) est la cousine la mieux connue de ce genre délicieux.
Recette sauvage
Ramequins de pommes, mûres, noix et miel
Ingrédients 3 pommes à la texture croquante • 200 g de mûres • 50 g de cerneaux de noix • 200 ml de crème de riz • 3 cuillerées à soupe de miel liquide
1. Pelez les pommes et coupez-les en morceaux que vous répartirez dans quatre ramequins.
2. Disposez pardessus les mûres entières et les noix hachées.
3. Nappez de crème de riz et de miel, de façon égale sur chaque ramequin.
4. Conservez une heure au réfrigérateur avant de servir.