La mélisse, pour le plaisir des sens et des abeilles
De loin, on la prend facilement pour une menthe, mais son frais parfum citronné la trahit dès qu'on la touche. Et quelle senteur ! Ses vertus ne s'arrêtent pas là : condimentaire, médicinale et utile aux abeilles, la mélisse est l'une de mes plantes préférées. Par François Couplan
La mélisse m’a profondément marqué depuis mon enfance. Je me souviens comme si c’était hier de l’odeur fraîche et citronnée des petites pousses qui pointaient le nez au milieu de la mousse dans le jardin de mes parents. J’en cueillais quelques fragments que je froissais pour humer avec délices leur arôme pétillant. Il arrivait à ma mère d’en ajouter quelques feuilles fraîches dans la tisane de menthe. Elle aimait aussi en mêler deux ou trois brins à la puissante tanaisie pour préparer sa « liqueur d’arquebuse », réputée à l’échelle familiale, dont j’avais l’autorisation de déguster un petit verre lors des grandes occasions. J’appréciais le goût parfumé de la préparation ainsi que, je dois l’avouer, son effet légèrement euphorisant.
Par la suite, j’ai largement utilisé la mélisse, de diverses manières, et je continue à le faire. Je l’aime beaucoup dans les salades, où je mélange ses jeunes feuilles à de la laitue, de la chicorée, de la mâche et des carottes râpées. C’est crue, je trouve, que la plante exprime le mieux ses qualités. Encore faut-il avoir soin de récolter de préférence les pousses, ou en tout cas les feuilles en touffes, avant le développement de la hampe florale : celles que porte la tige sont nettement moins aromatiques. Les sommités fleuries, c’est-à-dire les rameaux couverts des petites fleurs blanches, se montrent également très parfumées. Si l’on prend soin de cueillir régulièrement les jeunes pousses, la plante en fournira du printemps à l’automne.
Une façon agréable de manger des légumes est de les faire cuire à la vapeur de mélisse. Il suffit de placer au fond d’un cuit-vapeur ou d’un panier de bambou les feuilles fraîches puis de les recouvrir de...
carottes, de brocolis et de courgettes, qui s’imprégneront alors de l’arôme de la plante. J’aime aussi en parfumer des boissons, par infusion, macération ou par la méthode dite « des trois tas ». Cette dernière consiste à séparer les feuilles en trois parties égales : la première est mise à bouillir cinq minutes dans de l’eau ; la seconde est ajoutée hors du feu ; la troisième vient à son tour dans le liquide lorsque ce dernier a tiédi. On mixe, on filtre et l’on obtient un extrait à la fois puissant et plein de fraîcheur.
Personnellement, j’apprécie la mélisse fraîche. Je trouve qu’en séchant elle perd tout son arôme. Mais récemment, un de mes élèves m’a confié qu’il adorait les feuilles séchées, pulvérisées dans son porridge matinal. Alors si le cœur vous en dit, essayez… D’ailleurs, peut-être serai-je un jour moi aussi convaincu ! Quoi qu’il en soit, c’est fraîche qu’il faut utiliser la mélisse pour profiter de ses vertus médicinales dues à l’essence aromatique qu’elle contient. Son infusion favorise la digestion, calme les spasmes et aide à la relaxation. Distillées avec de l’alcool, les feuilles donnent l’« eau de mélisse », un remède jadis très prisé pour aider à faire passer les repas trop lourds. En Catalogne, les feuilles de mélisse entrent dans la composition du ratafia, une liqueur à base de noix vertes et d’autres plantes que l’on boit surtout pour le plaisir.
Si l’on nomme parfois la mélisse « citronnelle », c’est un abus de langage. Car le terme désigne en fait une graminée tropicale fortement odorante, Cymbopogon citratus, très utilisée dans la cuisine du sud-est asiatique ou distillée pour fournir une huile essentielle anti-moustique. Pour faire bonne mesure, la verveine odorante (Aloysia triphylla) est souvent connue, elle aussi, sous le même vocable erroné. Le nom de notre plante dérive, lui, du grec melissa qui signifie « abeille », car ces dernières la butinent avidement. En outre, les apiculteurs ont l’habitude de frotter les parois d’une ruche vide de mélisse pour y attirer les essaims au printemps. C’est aussi un joli prénom féminin, et j’aime tellement cette plante odorante que j’ai appelé ma fille Melissa…
Herbier
La mélisse (Melissa officinalis) est une plante vivace herbacée de 30 à 80 cm. Ses feuilles, opposées et munies d’un pétiole, sont grandes, ovales, largement crénelées, un peu gaufrées et d’un vert vif. Les tiges, très rameuses, ont une section carrée. Elles portent sur leur longueur de plus petites feuilles et des fleurs blanches à deux lèvres, groupées en verticilles axillaires espacés, situées presque toutes d’un même côté. Les boutons floraux sont d’un jaune pâle.
La mélisse pousse à l’état sauvage dans la région méditerranéenne et se rencontre aussi en Corse, mais il s’agit souvent de formes peu odorantes. Celles que l’on cultive proviennent plutôt du sud-est de l’Europe et d’Asie occidentale.
Recette sauvage
Flan d’agar-agar à la mélisse
Ingrédients
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1 l de lait de riz
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250 g de jeunes pousses de mélisse fraîche
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4 g d’agar-agar
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1 cuillerée à soupe de miel
- Portez le lait de riz à ébullition avec l’agar-agar et un tiers de la mélisse que vous aurez haché. Faites bouillir cinq minutes.
- Retirez du feu et ajoutez le deuxième tiers de mélisse. Laissez infuser.
- Lorsque le liquide a tiédi, versez le reste de mélisse dans le lait de riz.
- Passez au mixeur et filtrez sur une passoire fine.
- Diluez le miel dans le lait de riz parfumé.
- Placez dans un moule à soufflé profond en verre et laissez refroidir. Mettez au refrigérateur jusqu’à ce que le flan soit pris.