Le thym nous réserve encore des surprises
Sous-arbrisseau parfumé, commun dans le Midi, le thym est cultivé dans tous les jardins potagers pour ses attraits condimentaires. C'est également une excellente plante à tisane dont il ne faut tout de même pas abuser…
Le thym, je le connais depuis mon enfance, comme tout le monde je pense, sous forme de condiment indispensable dans la ratatouille et d’autres plats que parfument les herbes de Provence. Mais j’ai également des souvenirs très précis d’un individu de Thymus vulgaris qui trônait fièrement dans le jardin de nos voisins dans la campagne beauceronne. C’était, pour mes yeux d’enfant, un énorme buisson – il devait quand même bien mesurer une cinquantaine de centimètres de diamètre et s’élever tout autant au-dessus du sol – que je prenais plaisir à fréquenter pour en froisser les feuilles et m’imprégner d’un arôme piquant qui m’emmenait dans des régions encore inconnues de moi-même. À mes vingt ans, je partis avec mon amie explorer le sud-est de la France et je me souviens parfaitement du premier soir où nous campâmes dans le Midi, au pied d’un gros chêne vert. Comme Danièle souhaitait boire une tisane après notre repas, je me mis en quête de ce qui pourrait donner un peu de goût à l’eau chaude. Le thym poussait en abondance – de maigres sous-arbrisseaux, copies miniatures de mon ami potager… Mais quel parfum ! Je fus bouleversé par la saveur citronnée de l’infusion que nous bûmes : je n’aurais jamais pensé trouver cette saveur dans une herbe que je ne concevais que condimentaire – les catégories que j’avais formées dans mon cerveau commencèrent à se brouiller et mon esprit s’ouvrit.
Depuis que j’habite dans les Alpes-de-Haute-Provence, je me trouve entouré de thym et j’ai fait une constatation étonnante que j’aime partager avec mes stagiaires. Le sentier qui mène à un village en ruine, à quelques kilomètres de notre lieu de vie, est littéralement bordé de ces touffes parfumées. Si l’on en sent une, elle dégage une odeur de thym, mais la suivante nettement de citron, la troisième évoque plutôt l’origan, une autre encore sent carrément mauvais… On sait qu’il existe plusieurs « chémotypes » de cette espèce, c’est-à-dire des groupes d’individus qui fabriquent une essence composée de certaines molécules plus ou moins bien déterminées – on distingue, par exemple, le thym à thymol, à carvacrol, à linalol, etc. Il est d’usage de penser que ces spécificités sont liées au sol et au climat, dans une pensée néolithique où ce...
phénomène se manifeste, par exemple, dans la culture de la vigne. Il n’est pas impossible, bien sûr, que les conditions écologiques aient un effet sur la composition chimique des essences aromatiques des thyms, mais, comme le montre l’exemple que je viens de citer, où les plantes poussent les unes à côté des autres, dans exactement le même environnement, il me semble plus logique, d’après le principe de parcimonie, que j’affectionne – et consistant à n’utiliser que le minimum de causes élémentaires pour expliquer un phénomène – qu’il s’agisse plus simplement de variations individuelles liées à des mutations. Quoi qu’il en soit, il importe de soigneusement humer le thym que vous souhaitez récolter, car les résultats en cuisine ne seront pas égaux.
Herbier
Le thym (Thymus vulgaris) est un sous-arbrisseau de 10 à 30 cm, au feuillage d’un vert blanchâtre ou grisâtre, dégageant au froissement une odeur très aromatique. Les tiges sont ligneuses, très rameuses, dressées ou ascendantes et tortueuses, formant un buisson miniature très dense. Elles portent de petites feuilles en forme de losange, obtuses, enroulées par les bords, couvertes en dessous d’un réseau de poils denses et courts. Les petites fleurs rosées ou blanchâtres, de forme irrégulière, sont groupées et s’épanouissent, selon les lieux, d’avril à juillet. Le thym est commun dans les lieux secs et arides du Midi, jusque dans les Hautes-Alpes, la Drôme, la Lozère et l’Aveyron. Hors de France, on le rencontre en Espagne, dans les Baléares et en Italie. Il est communément cultivé dans les jardins de l’Hexagone.
Plusieurs autres espèces du genre Thymus poussent dans nos régions, mais toutes sont à rapprocher du serpolet (Thymus serpyllum) : ce sont de petites plantes à tiges rampantes, à peine ligneuses, portant des feuilles opposées et des fleurs roses en capitules globuleux ou allongés. Le plus odorant est sans doute le Thymus pulegioides.
Je ne vous détaillerai pas les différents usages aromatiques du thym, car vous les connaissez certainement aussi bien que moi. J’ai pourtant eu envie de partager avec vous ici la « soupe à la farigoule », car elle est délicieuse, bonne pour la santé et méconnue – dans le Midi, le thym est souvent nommé « farigoule », un nom local issu du latin populaire fericula, de ferus, sauvage. Je voudrais vous suggérer, lorsque c’est la saison, d’utiliser les fleurs de thym, présentes au printemps, car leur parfum est particulièrement délicat. Mais il est fragile et il sera donc important de ne pas les faire bouillir dans vos préparations, mais de les ajouter en fin de cuisson.
Le thym est à la fois tonique et antispasmodique. Il facilite la digestion tout en calmant les contractions nerveuses de l’estomac et de l’intestin. Il chasse les gaz, empêche les fermentations et stimule l’appétit. Excellent antiseptique, il n’est pas étonnant qu’on l’utilise pour aseptiser, tout en les parfumant, les marinades. En Afrique du Nord, la décoction de thym dans l’huile d’olive est un remède encore utilisé contre les plaies douteuses, afin de les nettoyer et de les désinfecter. Cette propriété est aussi mise à profit pour lutter contre les bronchites et les rhinopharyngites. En règle générale, le thym active toutes les fonctions de désintoxication, favorise la transpiration et la diurèse, et se recommande chaque fois qu’il est bon de favoriser l’élimination des toxines de l’organisme comme dans la grippe et les rhumatismes.
Mais, comme toutes les plantes médicinales, il n’est pas sans danger. On rapporte le cas de plusieurs religieuses d’un même couvent qui furent hospitalisées pour une hépatite : cette dernière se révéla due à une consommation quotidienne de tisane de thym sur plus de quinze ans. Le foie, dont l’une des fonctions est la destruction des toxines, peut dysfonctionner s’il est sollicité à l’excès, et subir une inflammation plus ou moins grave. Ainsi le meilleur des médicaments devient-il alors un poison…
Recette sauvage
Ingrédients 1, 5 l d’eau, sel • 5 gousses d’ail • 3 branches de thym • 2 œufs • 5 c. à s. d’huile d’olive • poivre • 1 tranche de pain de campagne
- Dans une casserole, portez l’eau à ébullition avec le sel, 4 gousses d’ail épluché et 2 branches de thym.
- Réduisez le feu et laissez bouillir doucement une vingtaine de minutes.
- Prenez 1 louche de cette préparation, filtrez-la et laissez-la tiédir.
- Séparez le blanc du jaune des œufs et montez le jaune comme une mayonnaise avec 3 c. à s. d’huile d’olive et la louche de bouillon réservée.
- Incorporez-y l’ail cuit dans le bouillon et écrasé.
- Ajoutez la troisième branche de thym à la soupe hors du feu et laissez infuser quelques minutes.
- Filtrez la soupe. Versez-en l’équivalent d’un bol dans une casserole et portez à ébullition. Versez-y le blanc d’œuf en remuant bien.
- 7. Reversez dans le reste de la soupe et ajoutez-y la « mayonnaise ». Poivrez à votre gré.
- Préparez des petits croûtons de pain en les frottant de la gousse d’ail restante, puis en les faisant frire à l’huile d’olive.
- Disposez-les dans chaque assiette, puis versez la soupe par-dessus et dégustez chaud.
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