Le bouleau, un arbre de survie
Il est commun, mais pas aussi connu que cela. Le bouleau, jadis d'un emploi quotidien dans les contrées où il abonde, nous offre sa sève mais aussi bien d'autres richesses. C'est le bon moment pour s'en approcher.
Le bouleau bénéficie d’un bon capital de sympathie : beaucoup le connaissent et tout le monde l’apprécie. Son feuillage léger et son écorce blanche y sont pour beaucoup, je pense, et on le juge élégant – au point de le planter, souvent par trois, dans le moindre jardin de banlieue où il apporte une note un peu sauvage, bien que soigneusement contrôlée… Je l’aime depuis mon enfance, c’est vrai, déjà parce qu’il est facile à identifier – ce qui n’est pas négligeable – et que je l’ai toujours reconnu sans effort. Mais aussi parce que je m’amusais à détacher de ses troncs morts de longs morceaux de son écorce souple avec lesquels je fabriquais de rustiques paniers, rendus plus ou moins étanches par de la résine fondue.
Les Indiens et les peuples du nord de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie en façonnaient d’ailleurs une multitude d’objets, dont des canoës légers, mais solides. Quant à moi, je porte toujours dans une poche de mon sac à dos quelques lambeaux d’écorce de bouleau dont les fines lanières papyracées me permettent d’allumer facilement un feu, même par temps de pluie. L’écorce de bouleau est gorgée d’une huile combustible et brûle avec une flamme claire. Il m’arrive d’en extraire du « brai de bouleau », une matière résineuse, noire et collante, malléable à la chaleur. Le procédé consiste en une distillation sèche, dite « empyreumatique », qui ne demande pour tout matériel qu’une vieille boîte de conserve… et pas mal de savoir-faire ! Ce matériau d’usage ancien servait jadis, notamment chez les « peuples premiers », à fixer l’empennage des flèches ou à réparer les poteries cassées.
Cueillette
- Sève : fin février, début mars.
- Feuilles : mars à octobre (tant qu’elles sont vertes).
L’une de mes utilisations préférées du bouleau est l’extraction de son « jus », devenu célèbre depuis quelques années pour ses vertus supposées. Je procède en fin d’hiver, vers le mois de mars, lorsque la sève se met à circuler dans...
les vaisseaux du tronc de l’arbre. à l’aide d’une perceuse munie d’un foret de 6 mm, je pratique un trou de trois ou quatre centimètres de profondeur, selon l’épaisseur de l’arbre. J’y insère une paille en plastique, du type de celles que l’on utilise pour boire, et je la coupe de façon que son extrémité surplombe un bocal en verre que je fixe soigneusement autour du tronc par un ruban adhésif en papier (scotch de tapissier). La sève se met rapidement à y couler goutte à goutte et un bocal d’un quart de litre se remplit – selon l’individu, le lieu, la température extérieure et sans doute d’autres facteurs – en une demi-journée. Ce jus, incolore et pratiquement insipide, est crédité de propriétés dépuratives et vendu très cher dans les magasins de santé. Il fait en tout cas une boisson agréable. Il faut le consommer rapidement et le conserver au réfrigérateur. Il ne contient pas suffisamment de sucre pour fermenter spontanément ou que l’on puisse en faire du sirop, comme avec celui des érables. N’en prélevez pas trop et rebouchez toujours soigneusement le trou avec un peu d’argile ou un morceau de bois.
Herbier
Le bouleau blanc (Betula pendula) est un arbre à écorce blanche et papyracée, à stries horizontales. Les branches portent des rameaux grêles, flexibles, pendants, glabres, souvent rudes et verruqueux. Les feuilles, munies d’un long pétiole, ont une forme ovale-losangique ou triangulaire. Elles sont rétrécies en pointe au sommet. Les fleurs sont toutes mâles ou femelles sur le même arbre et regroupées en chatons pendants. Les chatons femelles sont munis d’écailles trilobées. Les fruits ont une forme elliptique, avec une aile deux fois plus grande que la graine qu’ils renferment. Les fleurs s’épanouissent en avril-mai et les fruits apparaissent de juin à août. Le bouleau est répandu dans les bois montagneux en France, sauf en région méditerranéenne. Il est aussi présent en Corse.
Le bouleau est un arbre de lumière, un pionnier. Il arrive dans la succession de la végétation avant les espèces d’ombre dont les plantules peuvent croître dans une relative obscurité. Mais en montagne ou dans le nord de l’hémisphère boréal – en Scandinavie, en Sibérie, au Canada et en Alaska –, il peut former de véritables forêts climaciques, qui constituent le stade ultime de la végétation dans les conditions locales. Ces belles forêts de bouleaux, claires et pourtant mystérieuses, touchent mon âme plus que d’autres, sans que je puisse précisément expliquer pourquoi – il me semble qu’un troll ou un autre esprit local ne va pas manquer de surgir de derrière un tronc…
Betula pendula est le nom botanique actuellement usité pour désigner cette espèce, mais on parlait jadis de Betula alba, bouleau blanc, et de Betula verrucosa, bouleau verruqueux. Dans le langage populaire, c’est aussi le bouleau à balais, car son branchage fin et léger servait couramment à confectionner ces indispensables ustensiles ménagers, efficaces et bon marché.
Au nord du continent prolifère également le bouleau pubescent (Betula pubescens), une espèce très voisine mais plus petite, un joli arbuste que l’on rencontre également dans les tourbières de nos régions, car le sol humide ne l’effraie guère. Plus près du pôle encore, dans la toundra arctique dépourvue de végétation arborée, le terrain se couvre d’une brousse dense de bouleau nain (Betula nana), aux minuscules feuilles rondes et dentées qui deviennent jaunes et roses à l’automne. Cette petite plante ligneuse ne ressemble guère à notre bouleau commun, dont elle est pourtant une proche cousine. Je l’aime tout particulièrement.
En phytothérapie, les feuilles permettent d’augmenter le volume des urines, d’éliminer les calculs urinaires et de purifier l’organisme. On les met à profit dans le traitement de la goutte, des œdèmes, des rhumatismes et de la cellulite.
Recette sauvage
Ingrédients 1 bouteille de vin blanc standard (mais bio) • 50 g de feuilles de bouleau séchées • 2 cuillerées à soupe de miel toutes fleurs.
- Mettre le vin à chauffer dans une casserole.
- 2. Lorsqu’il bout, arrêter le feu et ajouter les feuilles de bouleau. Laisser infuser une dizaine de minutes, puis filtrer.
- Ajouter le miel et le laisser fondre.
- Remettre en bouteille ou servir immédiatement, tiède ou froid, en apéritif. Cette recette d’origine moyenâgeuse nous est préparée de manière traditionnelle par Stéphane Loriot, expert ès plantes sauvages, lors de nos stages annuels en vallée de Chevreuse. Ce vin est bon au goût et, bu avec modération, il l’est aussi pour la santé !