À la découverte de la tomate
Quand on déguste une tomate, on n’imagine pas que ce fruit, à l’instar des haricots ou du cacao, nous était inconnu jusqu’à la conquête espagnole des Amériques… Et que, s’il faisait partie de l’alimentation courante des populations locales, il ne reçut pas un bon accueil à son arrivée en Europe.
La tomate occupait une place importante dans la cuisine du Mexique préhispanique. Le mot tomate vient d’ailleurs de tomatl ou xictli-tomatl en langue nahuatl – ou encore jitomate (« tomate avec un nombril »), les Aztèques disant qu’elle était reliée à la terre par un cordon ombilical. Le Pérou revendique aussi le fait que les Incas avaient réussi à la cultiver.
Les tomates sauvages se présentaient alors comme de petites boules rouges en grappes, qui existaient aussi de couleur jaune ou verte. Elles étaient consommées grillées sur le feu, ou cuites dans des marmites en terre pour composer sauces pimentées et ragoûts de viandes.
Trop belle pour être bonne
Les Aztèques reconnaissaient à la tomate de nombreuses qualités thérapeutiques : stimulant l’appétit, combattant l’arthrite et les fièvres, on la disait aussi bonne pour l’estomac. Le jus de tomate appliqué sur la peau, auquel on ajoutait un peu de sel, servait à soigner les problèmes cutanés et les ulcères. Contre les inflammations, les Aztèques...
réalisaient des cataplasmes de tomates écrasées avec des feuilles de mauve et des fleurs de camomille. De son côté, Bernardino de Sahagun, missionnaire franciscain, écrivait : « La racine de la tomate, quand elle est bue, a des vertus médicinales : elle est carminative et nettoie les intestins ; les femmes qui allaitent la boivent car elle purifie leur lait. »
Débarquée en Espagne avec le retour de Christophe Colomb, à la fin du XVe siècle, la tomate est jugée « trop belle pour être bonne ». On préfère la cultiver comme plante ornementale ou dans des jardins de monastères, comme à Séville, ville spécialisée dans les « cultures exotiques » du Nouveau Monde.
La ressemblance du plant de tomate avec la belladone et surtout avec la mandragore (elles font toutes partie de la famille des Solanacées), alors utilisées comme ingrédients de potions magiques, inspire la méfiance. En 1636, toutefois, dans son ouvrage The Herbal or General History of Plants, le botaniste anglais John Gerard lui attribue des vertus nutritives.
C’est en Italie, où elle arrive dès 1554 par les ports de Gênes et de Naples, qu’on l’adopte en cuisine. Au XVIIe siècle, les Italiens inventent une sauce concentrée à base de tomate qui est couramment ajoutée aux pâtes. En France, il faut attendre 1778 pour que la tomate soit classée comme « plante potagère » dans le catalogue Le bon jardinier. Mais c’est grâce à Bonaparte qu’elle gagne sa renommée culinaire : après la victoire de Marengo, dans le Piémont, son chef improvise ce qui deviendra le fameux « poulet marengo ». Enfin, en 1873, Alexandre Dumas la consacre en ouvrant son célèbre Dictionnaire de cuisine avec une recette de tomates cuites au four et farcies avec de la viande finement hachée.
Du cuit au cru
Contrairement à de nombreux aliments que l’on a d’abord consommés crus avant de les cuire, les tomates ont d’abord été mangées cuites chez les différents peuples de Mésoamérique. Les sauces, élaborées avec des tomates rouges ou vertes et des piments de la même couleur, étaient présentes à tous les repas. On les mettait dans des bols en granit appelés molcajete.
L’utilisation de tomates crues dans des plats populaires mexicains comme le ceviche (poisson mariné), la salade de nopales (salade de cactus) ou le guacamole (purée d’avocat) est relativement récente. Aujourd’hui, dans les régions où vivent les indigènes sud-américains, on la cuit encore dans des fours en terre.