L’influence des saisons
selon Toussaint Bastard
Toussaint Bastard (1784-1846) est très représentatif des érudits provinciaux du XIXe siècle. Auteur de plusieurs collections botaniques, ce médecin et botaniste angevin s’est intéressé aux usages thérapeutiques des plantes et à l’influence des saisons sur les habitants de sa région.
C’est par un heureux hasard, dans le cadre d’HerbEnLoire – recensement des herbiers des Pays de la Loire –, que le premier herbier connu de Toussaint Bastard a été retrouvé dans le bureau du doyen de la Faculté de pharmacie d’Angers. Cette collection botanique de 1809 (photo) répertorie plus de 280 espèces de plantes, dont les deux tiers ont été récoltés en Anjou.
À chacune est associée une description précise de leurs usages médicinaux. Toussaint Bastard note ainsi l’existence du toxique aconit napel : « Cette jolie et dangereuse plante, si elle est employée avec ménagement, peut donner d’heureux résultats, surtout dans le traitement des maladies chroniques comme les rhumatismes ou la goutte. »
Un botaniste précurseur
Fils et petit-fils de chirurgien, Toussaint Bastard est lui-même admis comme chirurgien interne à l’hôpital Saint-Jean d’Angers. Mais il choisit finalement la botanique et est nommé, à 23 ans, directeur du Jardin des plantes de la ville. Deux ans plus tard, il publie son Essai sur la flore...
du département de Maine-et-Loire, considéré comme le premier ouvrage local sur le sujet par le botaniste angevin Alexandre Boreau.
En 1816, son engagement politique donne un coup d’arrêt à sa carrière. Bastard est renvoyé de son poste au Jardin des plantes d’Angers et s’en va terminer ses études à Paris, où il obtient un diplôme de docteur en médecine.
Dans sa thèse, soutenue en 1817, il s’intéresse à l’influence des saisons dans les contrées de l’ouest de la France. Une démarche qui s’inscrit dans celle d’Hippocrate : dès le Ve siècle av. J.-C., le père de la médecine parlait déjà, dans son Traité des airs, des eaux et des lieux, de l’impact du climat sur l’organisme humain. Il invitait à considérer les effets que chaque saison peut produire, à connaître la nature des vents chauds et froids, la qualité des eaux et du sol.
L’influence des saisons
De son côté, Bastard observe sur le terrain les liens entre maladies et saisons. Dans le bassin de la Loire, où l’air est plus vif, l’hiver plus froid, l’été moins chaud, il note que les maladies, qui se manifestent en général au printemps, alors que des vents froids succèdent subitement aux vents tempérés, ont toujours un caractère inflammatoire prononcé.
C’est en Vendée, zone plus tempérée en hiver, fraîche en été et où il pleut davantage, que les changements climatiques ont le moins d’influence sur les habitants. À l’Est s’étend le territoire le plus salubre de tout l’espace étudié, tandis qu’au Nord les épidémies les plus meurtrières se développent.
De l’Anjou au Midi de la France
Outre l’Anjou, Toussaint Bastard a exploré d’autres régions françaises. En 1811, il visite l’Auvergne en compagnie des botanistes Augustin Pyrame de Candolle et Louis Ramond de Carbonnières. Dix ans plus tard, il séjourne pendant plusieurs mois dans le sud de la France. Il a relaté les différentes étapes de ce périple dans l’ouvrage Le Voyage aux Pyrénées-Orientales et dans le Midi de la France, conservé à la bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse.
S’il a exercé en tant que médecin jusqu’à la fin de sa vie, Toussaint Bastard n’en a pour autant jamais négligé la botanique – on lui doit quatre herbiers. Il est mort des suites d’une chute survenue en tentant de cueillir une fougère au sommet d’un rocher…