Le maïs, graine de vie au cœur des rituels
Des traces de maïs ont été retrouvées datant d'environ 5000 avant J.-C., et c'est sur le plateau central mexicain qu'il a été domestiqué. Un processus long de plusieurs siècles, impliquant de nombreux rites… peut-être à l'origine de sa propagation sur le continent américain.
Si les grandes civilisations précolombiennes ont pu naître et prospérer, c’est grâce au maïs. Dans toute la Méso-Amérique, plusieurs contes et légendes montrent l’importance de cette graminée, en particulier chez les Mayas (vers 300-600 de notre ère) puis les Aztèques (1325-1521).
Ainsi, selon le Popol Vuh, livre sacré du peuple maya, les premiers hommes ont été modelés dans du gruau de maïs, de couleur blanc et jaune. La plante prend ici l’apparence d’un dieu bienveillant, associé à la vie, la prospérité et l’abondance, appelé Yum Xak. Il était le dieu du maïs, et donc aussi de l’agriculture. Chez les Aztèques, c’est le dieu Quetzalcoatl, le « serpent à plumes », dieu du vent et héros civilisateur qui se transforme en fourmi pour aller voler un grain de maïs caché dans la montagne. Il doit demander de l’aide à Tlaloc, dieu de l’eau et de la pluie, de la foudre et de l’agriculture, pour le ramener aux hommes afin qu’ils s’en nourrissent. Un autre mythe précise que le dieu de l’eau a besoin de la foudre pour récupérer le grain de maïs dans la montagne, ce...
qui explique la couleur jaune des grains exposés à cette chaleur et la couleur noire de ceux ayant reçu la fumée…
Fêtes d’aujourd’hui
De nombreux rites perdurent autour du maïs en Amérique latine qui font écho à ces légendes. Ainsi, sur les hautes terres du Guatemala, les paysans se rendent aux champs avec un brasero où brûle le copal avant de semer le maïs. Ils invoquent les esprits bienfaisants en sifflant. Lorsque les volutes de fumée commencent à monter au ciel, alors le chaman (ou l’officiant) lance quelques grains de maïs dans les quatre directions, tout en faisant des prières afin que les cultures soient protégées des maladies et régulièrement arrosées par les pluies.
Symbole de vie et de résurrection pour les indiens Huichols, le maïs est vénéré dans tous les rituels. Trois grandes fêtes, que l’on nomme mitote, le célèbrent : la première correspond aux semences et au début des pluies ; la seconde à l’arrivée des premiers épis tendres ; la dernière aux récoltes et à la fête du maïs grillé. Chez les indiens Tarahumara, qui vivent dans les montagnes arides de la Sierra Madre, les champs sont bénis au début du printemps par le chaman avec du tesguïno (bière de maïs fermentée) pour assurer une bonne récolte.
Dans la Sierra Norte de Puebla, les femmes indigènes curanderas (guérisseuses) participent aux rites agricoles. Elles offrent aux dieux du copal, du tabac, des tamales, de l’atole et de l’ aguardiente (alcool). Elles prient le saint patron de l’eau, San Isidro, afin qu’il accorde la pluie. Enfin, chez les indiens Hopis-Zunis du Nouveau-Mexique, la maturation du maïs est attribuée aux « jeunes filles du maïs » portées en procession pour favoriser le retour du soleil. Ainsi, le maïs continue d’être associé aux fêtes locales depuis des décennies.
De l’ancêtre du maïs à celui de nos jours
Le maïs sauvage, également appelé téosinte, n’était sans doute pas utilisé comme céréale, car ses fruits étaient trop durs. Pour expliquer sa mise en culture, on a fait l’hypothèse que les autochtones mangeaient ses jeunes inflorescences femelles comme légume, ou mastiquaient les cannes sucrées. Il existe aujourd’hui au Mexique environ 1 300 variétés de maïs autochtone ou criollo. On en trouve de toutes les couleurs, du jaune pâle (le plus tendre) au jaune-orangé, du rouge vif et même du bleu ! Une diversité que les Mexicains tentent de défendre en luttant contre l’introduction massive de maïs transgénique.