Artemisia Museum, l'essence des herbes de Provence
Le musée de l’herboristerie et de la lavande à Forcalquier nous embarque dans une histoire singulière. Celle des simples de la montagne de Lure et de leur transformation en remèdes, parfums, cosmétiques et élixirs. Tout un monde de savoir-faire mis en scène de façon interactive et immersive.
Collines lumineuses, vallons solitaires, températures extrêmes, pierres sèches et drainantes… la géographie tourmentée des Alpes-de-Haute-Provence a fourni un site unique qui se distingue par l’abondance et la variété de ses espèces végétales. Cet herbier à ciel ouvert a aussi nourri une histoire étonnante. Dans ce pays de la montagne de Lure, une réserve de biosphère qui culmine à 1826 mètres, on pouvait rencontrer dès la fin du XVIe siècle des colporteurs-droguistes, des naturalistes en quête de nouvelles plantes au XIXe siècle, des liquoristes, des distillateurs de lavande, des fabricants de savon… Créé à l’initiative de l’Université européenne des saveurs et des senteurs (UESS) et de son directeur Olivier Bagarri, ce sont ces différents univers que nous présente l’Artemisia Museum, à Forcalquier.
Dans l’ancien couvent des Cordeliers, sept scénographies thématiques dévoilent la richesse de l’herboristerie provençale. À commencer par la tradition des plantes curatives. Celle-ci s’incarne au Moyen Âge dans la construction d’un hospitalet (petit hôpital) dans le village de Lardiers, au pied de la montagne de Lure. Cette « terre des dieux et des aurores », comme la nommait Jean Giono, accueille très tôt une activité intense de cueilleurs de millepertuis, d’absinthe, d’aigremoine, mais aussi des sulfureuses aconit et belladone. Les récoltes et le savoir de ces herbiers – un des premiers noms donnés aux herboristes – gagnent les villes de la plaine et plus loin l’Auvergne et la Bourgogne. Parfois, ils...
y ouvrent boutiques pour devenir épiciers-droguistes, et plus tard pharmaciens. La frontière entre ces différents métiers a bougé au fil du temps nous rappelle l’exposition du musée. Ainsi, c’est le décret napoléonien du 18 août 1810 qui marquera une première séparation entre l’apothicaire et le parfumeur, renonçant par la même occasion à attribuer des pouvoirs thérapeutiques aux parfums.
Espaces sensoriels
Parmi ces plantes sauvages cueillies dans les adrets et les ubacs des collines, la lavande a une place à part dans la région. Les parfumeurs de Grasse s’emparent de son bouquet olfactif plus que de ses propriétés médicinales. La visite se poursuit autour de l’évocation de la mise en culture de cette plante emblématique et des techniques de distillation dont le territoire de Haute-Provence s’est fait une spécialité dès le XVe siècle. De la distillation à la connaissance des composés aromatiques, il n’y a qu’un pas. Des panneaux à la fois ludiques et pédagogiques précisent tous les enjeux de ces disciplines, menées par le bout de notre nez !
Senteur de lavande
Le parfum de la lavande offre avant tout un aspect fleuri et sucré. Au nez, il est à la fois piquant (épicé) et frais tandis que l’on peut également sentir des émanations subtiles de camphre. Pour compléter ces marqueurs olfactifs définis par un jury de professionnels conduit par l’Université européenne des saveurs et des senteurs (UESS), il faut ajouter une note de poivre ainsi que de végétal vert.
En pays de Lure, les plantes inspirent d’autres activités. La fabrication de savon en fait partie. On nous explique son mode d’action – il émulsifie les corps gras –, mais aussi les liens avec une plante comme la saponaire, dévoilés à la fin du XVIIe siècle par le pharmacien Nicolas Emery. De nombreuses boissons, aux vertus plus ou moins officinales furent aussi inventées dans le sillage des bonnes herbes… L’occasion de nous raconter l’histoire de l’absinthe et les raisons de son interdiction en 1915, son succès faisant de l’ombre au secteur viticole ! Ainsi, misant sur une scénographie épurée, l’Artemisia Museum réussit son pari : celui de refléter le monde vivant porté par les plantes aromatiques, médicinales et à parfum, ces ressources inépuisables de la Provence.
L’hommage à Pierre Lieutaghi, passeur de savoirs
L’ouverture d’Artemisia Museum permet de rendre hommage à celui qui a beaucoup œuvré à la préservation de ce savoir traditionnel autour des plantes de la région. Ethnobotaniste et écrivain, Pierre Lieutaghi est aussi un visionnaire qui écrit, en 1966, Le livre des bonnes herbes et lance, en 1979, une grande enquête sur la médecine populaire par les plantes. Grâce à ses livres, ce savoir reste vivant et s’est transmis. Parmi les ouvrages de Pierre Lieutaghi, n’hésitez pas à vous procurer La plante compagne, Badasson & Cie.
Infos pratiques
Adresse : Artemisia Museum, couvent des Cordeliers, 04300 Forcalquier.
Horaires : L’Artemisia Museum est ouvert de mai à septembre tous les jours de 9 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 19 heures, de février à avril et d’octobre à décembre, du lundi au samedi, de 10 heures à 12 h 30 et de 14 h 30 à 18 heures. Fermeture le mardi et le dimanche.
Plus d’infos sur www.artemisia-museum.fr