Symbiose au jardin
La mare, source de vie
Loin d'être simplement esthétique, la mare constitue un écosystème à part entière, qui a beaucoup à offrir. Choisir de l'installer au jardin, c'est s'assurer de nombreux bénéfices, tout en faisant un geste pour l'environnement.
Qui n’apprécie pas de se prélasser devant un miroir d’eau paisible ? Sources de fraîcheur, de flâneries rêveuses, de contes et légendes, les mares et les étangs font partie intégrante de nos paysages comme de notre patrimoine naturel. De plus, ces zones humides ont une importance capitale pour l’écologie globale de la planète. D’abord d’un point de vue hydrologique, en jouant le rôle de réserves capables d’accumuler et de restituer l’eau en grande quantité. Ces véritables « éponges » permettent de réguler le niveau d’eau et d’alimenter les nappes phréatiques en période de sécheresse. À l’inverse, en période de forte pluviométrie, elles diminuent l’intensité des inondations en retardant le ruissellement des eaux. Enfin, ces milieux bien particuliers sont indispensables au maintien des faune et flore spécifiques qu’ils accueillent. Malheureusement, à force d’assèchement pour la réquisition de terres agricoles ou de dégradations diverses (notamment la pollution), la surface des zones humides a aujourd’hui drastiquement régressé. À tel point que leur perte est estimée à 64 % à l’échelle mondiale, depuis le début du XXe siècle ! En France, près de 50 % des zones humides auraient disparu en l’espace de trente ans à peine, entre les années 1960 et 1990. Ainsi, dans votre jardin, l’aménagement d’une petite zone humide, telle qu’une mare, est une excellente idée pour tenter de préserver un pan d’une biodiversité aquatique mise à mal, tandis que vous profiterez de ses bienfaits.
Pour qui ?
Contrairement aux idées reçues, l’aménagement d’un petit plan d’eau n’est pas compliqué, surtout s’il s’agit d’une mare « naturelle » (pas de filtration technique, parfois même pas d’étanchéité !). Aussi, ce genre d’installation n’est pas des plus onéreuses. Il s’agit donc d’un projet...
réellement accessible à tous ! Pour autant, il est nécessaire de prendre en compte quelques paramètres avant de se lancer : prévoir au minimum 2 ou 3 m2, bien choisir son emplacement (plein soleil ou mi-ombre selon la région) et pas trop près de la maison, si vous êtes susceptibles de ne pas vous habituer au chant des batraciens !
Un milieu prospère
Bien que désignée par le terme d’eau « stagnante », la mare est en réalité un habitat très riche et fourmillant de vie ! Car même s’ils ne sont pas toujours visibles, de nombreux habitants y trouvent le gîte et le couvert, à commencer par les insectes qui sont souvent les premiers à coloniser le nouveau milieu. Citons, parmi les connus, les fameux gerris parfois qualifiés « d’araignées d’eau », l’étonnante notonecte (petite punaise) qui nage sur le dos, ou encore, parmi les coléoptères, les gyrins ou « tourniquets », le grand hydrophile ou le dytique bordé et sa célèbre larve vorace, capable d’engloutir têtards et petits poissons. Grenouilles et crapauds seront aussi au rendez-vous, ainsi que (au fil du temps) les tritons, dont les juvéniles étonnants s’apparentent à des axolotls en miniatures. Ces petits plans d’eau attirent les oiseaux qui aiment s’y rafraîchir en été, en glanant quelques substantiels moustiques, mouches, libellules et autres ressources.
Il est essentiel de préciser que tout ce petit monde sera d’autant plus favorisé par l’installation d’une mare dite « naturelle », mise en place grâce à des matériaux d’étanchéité non toxique (par exemple l’argile), avec un choix de végétaux locaux et variés (joncs, massettes, reine-des-prés, etc.), en évitant les invasives comme la balsamine de l’Himalaya ou la renouée du Japon. De nombreuses alternatives existent en la matière, et il est tout à fait possible d’allier style et écologie ! Cela dit, deux à trois années seront nécessaires avant que toute la faune attendue commence à coloniser le nouveau milieu, et qu’un certain « équilibre » s’établisse.
Drôles de gloutons
L’eau ne tardera probablement pas à accueillir grenouilles et crapauds. Or, ces véritables petits « ventres sur pattes » consomment de nombreux insectes volants ainsi que des vers, mais aussi des limaces et des chenilles. Une bonne nouvelle pour le potager !
Des atouts pour le jardin
Outre son aspect esthétique et son intérêt pour la biodiversité, la mare recèle de nombreuses qualités appréciables pour le jardinier. Premièrement, celle-ci est tout indiquée pour servir de réserve d’eau utile à l’arrosage. Elle permet d’ailleurs de canaliser naturellement l’eau de pluie, sans avoir à se préoccuper d’installer un récupérateur. Aussi la végétation foisonnante de ses berges (ripisylve) peut contribuer à accueillir un cortège d’insectes pollinisateurs bienfaisants pour le potager, selon le choix des essences. Les fleurs colorées de l’iris des marais ou de la consoude, par exemple, ainsi que celles odorantes de la menthe aquatique, attirent de nombreux papillons, abeilles et bourdons.
Par ailleurs, l’amplitude thermique de l’eau étant moins élevée que celle de l’air, la mare peut créer des zones de microclimat rafraîchissantes en période estivale. Elle est aussi un lieu de plénitude, reconnu scientifiquement pour ses vertus apaisantes nous aidant à lutter contre le stress, au même titre que les milieux forestiers. Enfin, elle constitue un merveilleux outil pédagogique qui peut être le siège de diverses activités à réaliser en plein air avec les enfants. Que de bonnes raisons pour satisfaire vos envies de création !Morgane Peyrot
Libellules et demoiselles
Leur larve étant exclusivement aquatique, ces charmants insectes ont besoin d’un plan d’eau pour prospérer et sont aujourd’hui de plus en plus menacés par la destruction de leur habitat. La mare profitera donc à ces petits carnivores qui vous le rendront bien en consommant nombre de mouches et de moustiques !
Une fleur et une abeille
La salicaire (Lythrum salicaria), autrefois connue sous le nom « d’herbe aux coliques », est une plante incontournable des milieux humides, dont les ravissantes fleurs rose vif nourrissent une petite abeille sauvage qui lui est inféodée : la mélitte de la salicaire (Melitta nigricans).