Symbiose au jardin
Le sol : un véritable écosystème
Trop souvent négligé, le sol constitue pourtant la pierre angulaire du potager. Il est également le théâtre de tout un prolifique réseau d'interactions entre de nombreux êtres vivants qui peuplent ce monde souterrain méconnu.
Si l’on attribue aux forêts l’honorable fonction de « poumons » de la planète, le sol joue assurément pour elle un rôle tout aussi vital. C’est dans cette couche superficielle de l’écorce terrestre que nos plantes puisent les réserves nutritives indispensables à leur survie. Elle est issue de la transformation de la roche-mère sous-jacente au contact de l’air et à l’action des êtres vivants qui la peuplent. Et ils s’y trouvent en nombre, d’après les scientifiques qui estiment que la faune du sol représente à elle seule 80 % de la biodiversité animale ! Ainsi, il n’est pas difficile de deviner l’importance cruciale de tous ces organismes et leur impact, retentissant sur toute forme de vie à l’étage supérieur. Malheureusement, de nombreux hectares de terres cultivables sont perdus tous les ans, d’une part à cause de l’érosion naturelle, d’autre part à cause des pratiques agricoles délétères (labour, monocultures et pesticides, etc.) qui intensifient ce phénomène, d’autant plus qu’elles menacent toute la microfaune qui participe à ce renouvellement. Chaque année, l’équivalent de 20 millions d’hectares seraient ainsi dégradés dans le monde. Un triste bilan, sachant que la formation d’à peine un centimètre de sol peut prendre des centaines d’années… et une bonne raison pour tenter de préserver celui qui se trouve dans votre jardin !
Votre allié ou votre pire ennemi
Le sol constitue en quelque sorte le « carburant » de nos arbres, fleurs et légumes cultivés, qui doivent y puiser de l’eau, ainsi que tous les minéraux (potassium, azote, phosphore, etc.) essentiels à leur développement. Ainsi, le sol de votre jardin peut facilement devenir votre allié comme votre pire ennemi ! Trop sollicité et négligé, il favorisera l’apparition de...
maladies et aggravera l’atteinte causée par les parasites, les plantes se trouvant affaiblies par manque de nutriments. Tout cela aura un impact négatif sur vos récoltes. Tandis qu’un sol en bonne santé assurera la vitalité de vos végétaux qui vous procureront l’abondance. En particulier les arbres fruitiers, dont l’importante production implique une dépense énergétique considérable. Un sol bien portant est également beaucoup plus hospitalier pour toute la faune qu’il accueille et qui pourra alors prospérer, pour le plus grand bien de vos cultures.
En effet, les animaux souterrains, par leur action physique et leur rôle dans la dégradation de la matière organique, assurent l’aération et la pérennité du sol en participant à son renouvellement. Les premiers acteurs de la scène sont sans aucun doute les vers de terre, sans oublier les petits mammifères, ainsi que les décomposeurs comme les cloportes et myriapodes (mille-pattes), ou encore les insectes. Tous, par leurs interactions, agissent sur la structure et la fertilité du sol qu’ils améliorent.
Décryptez votre sol grâce aux adventices
Savez-vous que la stellaire (Stellaria media, ci-contre) est le signe d’un sol fertile et que le datura (Datura stramonium) indique un sol pollué ? Pour connaître votre sol, rien de mieux que les plantes « bio-indicatrices ». Une méthode d’analyse simple, mise au point par le botaniste Gérard Ducerf, vous permettra en fonction des espèces relevées et de la place qu’elles occupent, d’identifier les éventuelles problématiques (compactage, lessivage, etc.) ainsi que la conduite à tenir (amendements organiques, apports de calcium, etc.). Pour suivre un stage avec le spécialiste : Promonature.com
Agissez bien, ne faites rien !
Votre sol est votre plus grande richesse, mais comment faire pour le préserver quand vous jardinez ? Il suffit de respecter quelques principes, en particulier éviter le tassement dû à des outils lourds comme les tracteurs, encore trop souvent utilisés. Ces derniers, en plus d’éliminer de nombreux animaux, provoquent un inévitable compactage du sol. L’air ne circule plus et l’atmosphère, devenant anaérobie, nuit au développement de la biodiversité et favorise les mauvaises bactéries et champignons pourvoyeurs de maladies. Si vous êtes pris malgré tout d’une irrépressible envie de retourner votre sol, privilégiez les outils légers tels que la grelinette ou fourche à bêcher. Et si vous pouvez vous en passer, c’est encore mieux ! Car même ces derniers dérangent la faune souterraine. Enfin, plutôt que de vouloir mettre votre sol à nu, assurez-vous de faire l’inverse en le laissant toujours couvert : évitez les tontes trop fréquentes et installez un paillis (gazon, paille de lin, sciure, etc.) adapté à votre sol au pied de vos végétaux. Non seulement il protégera vos plantes de la déshydratation en période de sécheresse, mais l’humidité ainsi maintenue favorisera les petits animaux décomposeurs comme les coléoptères ou les cloportes. Enfin, pensez à laisser reposer votre sol de temps à autre, en pratiquant la jachère ou en semant des engrais verts et autres plantes capables de reminéraliser le sol (consoude, trèfle, luzerne, etc.). Moralité : pour choyer votre lopin de terre, économisez vos efforts. Jardiner n’aura jamais été aussi facile !
Les carabes, des prédateurs hors pair
Un sol sain pourra abriter de précieux insectes tels que les carabes (ci-dessus, Harpalus affinis) dévoreurs d’escargots, limaces, chenilles, etc. Aussi voraces à l’état larvaire qu’une fois adultes, ils ne ménageront pas leurs efforts pour faire votre ménage !
Indispensables vers de terre
Si le terme « ver » inspire souvent du dégoût, ces animaux méritent plutôt une sympathie reconnaissante, car les nombreuses galeries qu’ils creusent en avalant la terre améliorent la perméabilité du sol. L’air et l’eau y circulent mieux, tandis que les nutriments deviennent plus accessibles aux végétaux. Les plus efficaces sont les célèbres lombrics, mais il existe de nombreuses espèces de vers dont le travail se complète.
Les bienfaits insoupçonnés des cloportes
Ce sont les seuls et uniques crustacés terrestres ! Souvent méconnus, les cloportes (ci-dessus, Armadillidium vulgare) jouent pourtant un rôle essentiel. Tapis sous les pierres, le bois ou les feuilles mortes, ils participent à la dégradation de la matière organique en humus, en décomposant les débris végétaux dont ils se nourrissent.