Anniversaire de la naissance de Pline l'Ancien , tous les savoirs du monde dans une « Histoire naturelle »
Rassembler toutes les connaissances sur la nature, incluant animaux, végétaux, minéraux… C'est l'œuvre monumentale que nous a laissée Pline l'Ancien, né en l'an 23 de notre ère dans le nord de l'Italie. Cet ouvrage qui a traversé les siècles représente une extraordinaire fenêtre ouverte sur le monde antique et nous montre notamment comment l'homme tirait parti de la nature.
En l'an 79 de notre ère, le Vésuve connut la célèbre éruption qui engloutit Pompéi. Au nombre des victimes se trouvait le naturaliste Pline l'Ancien, dont nous célébrons cette année le bimillénaire. Pline commandait alors la flotte romaine stationnée en baie de Naples et, selon le récit qu'en a donné par la suite son neveu Pline le Jeune, il avait souhaité, en dépit du danger, s'approcher du volcan. Ne pouvant accoster trop près, il dut se détourner vers le port voisin de Stabies, un peu moins atteint, où il passa la nuit. Mais le lendemain matin, alors qu'il fuyait la pluie de cendres, il s'effondra, mort, sur la plage, peut-être asphyxié, à moins qu'il n'ait été terrassé par un infarctus. S'il avait pris un tel risque, c'est avant tout parce qu'il était, de par ses fonctions, chargé d'organiser les secours. Mais il n'est pas exclu que sa curiosité l'ait également poussé à aller voir d'un peu plus près ce phénomène tellurique extraordinaire.
En effet, Pline s'intéressait à tout ce qui concernait la nature. Homme d'étude tout autant que d'action, il a consacré une grande partie de sa vie à l'observation du monde et à l'élaboration d'un ouvrage monumental destiné à recueillir tous les savoirs alors disponibles sur ce vaste sujet. Sa carrière avait grandement favorisé un tel dessein.
Né en 23 à Côme dans une famille de l'ordre équestre (sorte de classe moyenne), il avait suivi un parcours typique de fonctionnaire au service de l'État et, à ce titre, il avait parcouru l'immense Empire, se rendant notamment en Gaule, en Germanie et en Judée. Outre les occasions que ces voyages lui avaient données de découvrir les peuples, les monuments, la faune et la flore, ils lui avaient également permis de côtoyer de puissants personnages. C'est ainsi qu'il se lia d'amitié avec l'empereur Vespasien et avec son fils Titus. C'est d'ailleurs à ce dernier qu'il dédie l'œuvre de sa vie, l'Histoire naturelle (Naturalis historia), qu'il termine un peu avant sa mort, vers 77.
Pline, comme nous le savons grâce à son neveu, avait composé plusieurs ouvrages sur des thèmes divers, notamment historiques, mais l'Histoire naturelle est le seul qui nous soit parvenu. Il s'agit de l'un des textes les plus volumineux que nous ait...
laissés l'Antiquité. Pline s'y est donné pour ambition de décrire l'ensemble de la nature, à la fois dans sa globalité et dans toutes ses productions particulières, animales, végétales et minérales. Et cet objectif apparaît comme d'autant plus démesuré que la « nature », telle que la conçoivent les anciens, est très différente de la nôtre : elle ne s'oppose nullement à la culture et aux activités humaines, au contraire : elle les englobe.
Seize livres consacrés aux plantes
Pline ne traite donc pas seulement des objets naturels bruts, mais il s'intéresse aussi à tout ce que l'être humain peut en faire. Ainsi, son ouvrage n'est pas qu'un traité d'histoire naturelle tel que nous pourrions l'envisager aujourd'hui : c'est une véritable encyclopédie de toutes les connaissances du monde gréco-romain sur la nature et sur toutes les contrées connues de la Terre, mais aussi sur les technologies et les arts. Plus encore, quand Pline parle d'un animal, d'une plante ou d'une sorte de pierre, il évoque toutes les anecdotes, réelles ou légendaires, qui y ont trait. Par exemple, dans son exposé sur les coquillages, il raconte comment Cléopâtre, lors d'un célèbre pari avec Antoine, fit dissoudre dans du vinaigre une perle énorme. Et dans son chapitre sur le lion, il rapporte que le Grec Elpis, sollicité par un de ces animaux qui s'était coincé un os dans les dents, vainquit sa peur et lui vint en aide, après quoi le fauve, par reconnaissance, lui apporta du gibier.
L'Histoire naturelle comprend 37 livres, organisés selon un plan logique. D'abord, Pline décrit l'univers dans son ensemble, c'est-à-dire les astres et leurs mouvements, puis les phénomènes météorologiques et géologiques (livre II). Ensuite, dans une partie géographique (livres III à VI), il passe en revue les trois parties du monde (Europe, Afrique et Asie), énumérant leurs peuples, leurs villes, leurs cours d'eau et leurs montagnes. Vient alors un exposé sur l'être humain, sa vie et ses particularités ordinaires et extraordinaires (livre VII), suivi d'une longue partie zoologique qui traite successivement des animaux terrestres et aquatiques, des oiseaux et des insectes (livres VIII à XI). Mais c'est aux plantes qu'est consacrée la plus grande part de l'ouvrage. Pas moins de seize livres (XII à XXVII) leur sont dédiés : toutes les espèces connues sont décrites, ainsi que tout ce qui peut en être fait. C'est ainsi que Pline nous livre un témoignage précieux sur les techniques agricoles, horticoles et viticoles de l'Antiquité, nous donnant au passage les premières indications sur les vins du sud de la Gaule. Mais il décrit également les variétés de fruits, de légumes et de céréales cultivées, les différentes sortes de farines et de pains, les fibres textiles, les huiles et onguents, la fabrication du papyrus, etc.
Plus un médicament est simple, meilleur il est
La pharmacopée l'intéresse tout particulièrement, et il expose en détail les remèdes que l'on tire des plantes, mais aussi des animaux (livres XXVIII à XXXII). S'il se fait un scrupule de les rapporter tous, il ne croit pas toujours à leur efficacité, surtout lorsque des recettes très sophistiquées ou prétendument magiques sont recommandées par des médecins grecs ou orientaux : pour lui, plus un médicament est simple, meilleur il est. En effet, Pline se fait volontiers moraliste, prônant la modération en tout et fustigeant le goût du luxe et des recettes onéreuses et compliquées, un abus qu'il impute à la mauvaise influence des Grecs et oppose à la sage austérité des Romains. Ce qui ne l'empêche pas de décrire avec force détails tous les usages qu'il pourfend !
Les cinq derniers livres (XXXIII à XXXVII) portent sur les productions minérales : une partie particulièrement utile aux historiens des arts et techniques, car Pline y donne des détails sur les modes d'extraction des minerais et des gemmes, mais aussi sur tout ce que l'homme fabrique avec ce qu'il tire du sol : bâtiments faits de pierre, peintures de pigments, statues d'argile, de marbre ou de métal, monnaies…
Pour réaliser son ouvrage, Pline, il ne s'en cache pas, a essentiellement compilé ceux de ses prédécesseurs : il a exploité, dit-il, deux mille volumes, et n'a qu'exceptionnellement ajouté des informations de son cru. Au reste, il n'est pas toujours très regardant sur la crédibilité des faits qu'il rapporte, comme lorsqu'il évoque des hommes à tête de chien, ou les mystérieux sciapodes à jambe unique qui se déplaceraient par sauts. Pour autant, son travail revêt pour nous un intérêt inestimable car, hormis quelques-unes de ses principales sources (comme Aristote), la majeure partie de la littérature qu'il a consultée a disparu, et sur une multitude de sujets, Pline est notre seul lien avec des savoirs médicaux, scientifiques et techniques perdus à jamais.