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Un panorama de la pharmacopée antique Anniversaire de la naissance de Pline l'Ancien

Un panorama  de la pharmacopée antique Anniversaire de la naissance de Pline l'Ancien

Partie 2 : Près de la moitié de l'Histoire naturelle, l'ouvrage de Pline l'Ancien (23-79), est consacrée à un inventaire complet des végétaux connus par les Grecs et les Latins, décrivant également toutes les utilisations qui peuvent en être faites, de l'agriculture à la fabrication du papier. Une attention toute particulière est portée à leurs vertus médicinales.

L'écrivain romain Pline l'Ancien, célèbre pour sa mort survenue lors de l'éruption du Vésuve qui engloutit Pompéi en 79 apr. J.-C., nous a laissé une monumentale Histoire naturelle, véritable encyclopédie de toutes les connaissances scientifiques et techniques de l'Antiquité. Il y traite d'un grand nombre de sujets, allant de l'astronomie à la construction des aqueducs, en passant par la géologie, la zoologie, la botanique, la peinture, la sculpture, les mines… En effet, il ne décrit pas seulement tout ce qui se trouve dans la nature, mais explique aussi l'intérêt que l'homme peut tirer de chaque animal, végétal ou minéral. Son ouvrage représente par conséquent une source inestimable sur les connaissances scientifiques des Romains et sur de nombreux aspects de la civilisation antique.

Dans cet ensemble foisonnant, les végétaux occupent une place particulièrement importante. Sur les trente-sept livres que compte l'Histoire naturelle, pas moins de seize (XII à XXVII) sont consacrés aux plantes et à leurs emplois. Pline décrit, plus ou moins sommairement, toutes celles qui sont connues de son temps, ou plus exactement dont il a trouvé une trace dans la littérature. Car s'il est lui-même, indéniablement, un observateur de la nature, il s'est principalement appuyé sur les travaux de ses prédécesseurs pour composer son vaste ouvrage, n'y ajoutant qu'exceptionnellement des données inédites, tirées par exemple de sa propre expérience lors de ses séjours en Gaule et en Germanie. Pour la botanique, il exploite principalement les traités du philosophe grec Théophraste (vers 372-vers 288 av. J.-C.), qui sont l'une des rares sources de Pline à nous être parvenues. Or, la comparaison du texte grec original avec celui, latin, de l'Histoire naturelle, révèle que Pline a tendance à résumer beaucoup, voire, parfois, à commettre des erreurs de traduction. Cela rend l'identification des plantes évoquées douteuse dans certains cas. Par exemple, le terme larix désigne très clairement, en latin, le mélèze ; mais Pline l'emploie aussi quelquefois pour traduire un mot grec correspondant en réalité au pin parasol. Par conséquent, quand on trouve larix dans le texte, selon les cas, soit on est sûr qu'il s'agit du mélèze (parce que Pline utilise manifestement une source latine), soit on est sûr que c'est le pin parasol (parce qu'on sait que Pline copie Théophraste à cet endroit), soit on ignore à quel arbre on a affaire.

Plus de 900 végétaux

Nonobstant ce problème, l'Histoire naturelle est l'ouvrage de botanique le plus complet que nous ait livré l'Antiquité : Pline y mentionne plus de 900 végétaux et...

l'importance qu'il accorde à leurs emplois divers confère à son travail un intérêt unique. Il commence par traiter des arbres et arbrisseaux exotiques, sources de certains produits de luxe importés à prix d'or à Rome. Il décrit ainsi les plantes dont proviennent la myrrhe et l'encens, les gommes, les épices, les parfums et les bois précieux, mais aussi le papyrus égyptien, ce qui lui donne l'occasion d'expliquer la manière dont on le transforme en papier et de détailler les différentes qualités de feuilles que l'on obtient, pour l'écriture ou pour l'emballage : c'est le seul texte de l'Antiquité dans lequel on trouve de telles informations.

Viennent ensuite les arbres et arbustes fruitiers, dont Pline énumère toutes les variétés. Il s'attarde particulièrement sur la vigne et donne des indications précises sur les techniques viticoles romaines, les différents cépages, la manière dont on fait le vin et dont on en tire toutes sortes de boissons aromatisées, ainsi que du vinaigre. Il évoque aussi d'autres boissons alcoolisées, comme l'hydromel, et même la bière, peu connue à Rome mais source d'une « ivresse propre aux peuples de l'Occident » (XIV 149). La partie sur l'olivier donne lieu, de même, à un long développement sur la production des huiles et leurs transformations.

Puis c'est au tour des arbres des forêts d'être décrits, avec tous les avantages qu'on en retire : le bois, la poix, la résine… Pline s'attarde sur les procédés de sylviculture et nous permet de constater, par exemple, que les Romains n'ignoraient rien des techniques de greffe. Ensuite, les livres XVIII et XIX sont consacrés à tous les autres végétaux cultivés pour l'alimentation : céréales, légumineuses, plantes potagères. Là encore, on apprend tout des techniques agricoles des anciens, y compris la manière de cultiver en phase avec les astres, ainsi que d'innombrables détails sur les denrées alimentaires et leurs usages : par exemple, les différentes sortes de farines et de pains, et même des recettes de pâtisserie.

Remèdes d'origine végétale… ou animale

Mais c'est aux vertus médicinales des plantes que Pline porte le plus d'attention. La pharmacopée occupe en effet une place majeure dans l'Histoire naturelle : dans les livres XX à XXVII, sont énumérés tous les remèdes d'origine végétale. Pline passe en revue pour cela tous les végétaux déjà traités dans les parties précédentes et ceux qu'il n'a pas encore évoqués, notamment toutes les plantes herbacées sauvages. Et pour compléter cet ensemble, cinq livres supplémentaires sont consacrés aux propriétés pharmaceutiques des substances tirées des animaux (l'être humain compris !) et de diverses autres productions de la nature, organiques ou minérales. Le tout forme un traité sans équivalent contemporain : seule lui est comparable la Matière médicale de Dioscoride, qui est cependant moins ambitieuse.

Parmi cette quantité impressionnante de prescriptions et de recettes, bonnes pour soigner tous les maux graves ou bénins, ou pour divers autres usages, comme celui de stimuler l'ardeur sexuelle (ou, au contraire, de la réfréner), on trouve de tout. Pline, qui n'était pas médecin lui-même, a compilé tout ce qu'il a pu recueillir, et un phytothérapeute n'aurait assurément pas de mal à trouver, aujourd'hui encore, une certaine efficacité à certains des remèdes indiqués dans l'Histoire naturelle. Mais on ne saurait trop déconseiller au néophyte de tenter par lui-même de recourir aux médications indiquées par Pline. En effet, si certaines prescriptions découlent d'une observation pragmatique des effets de telle ou telle substance, beaucoup résultent de croyances dont les fondements sont peu scientifiques.

Au reste, Pline n'est pas totalement crédule et il se méfie des remèdes les plus bizarres, comme ceux qu'on accompagne d'amulettes ou de formules magiques : pour lui, c'est là du pur charlatanisme, généralement importé par de prétendus médecins grecs ou, pire, par des « mages » orientaux. Il est horrifié, par exemple, en lisant que des épileptiques tentent de se soigner en buvant le sang des gladiateurs. Il préfère de loin, pour sa part, les médications les plus simples, telles que les offre généreusement au genre humain la nature, qu'il qualifie de « mère sacrée de toute chose ». Mais cela ne l'empêche pas de détailler scrupuleusement des recettes très douteuses, comme lorsqu'il prétend que la « bave boueuse » qui se trouve sous la langue d'un chien enragé, donnée en boisson, empêche de contracter la rage après une morsure.

Efficaces ou non, les prescriptions de Pline vont exercer une influence considérable : largement diffusée durant toute la fin de l'Antiquité, le Moyen Âge et le début de l'époque moderne, la partie pharmacologique de l'Histoire naturelle constituera pendant un millénaire et demi l'un des principaux traités de référence dans ce domaine.

Les coings crus, cuits ou confits

extrait

«[Les coings] étant mangés crus, quand ils sont bien mûrs, produisent de très bons effets dans le crachement de sang, la dysenterie, les débordements de bile et le flux céliaque ; ce qu'ils ne font pas si bien étant cuits, parce qu'ils ont perdu leur vertu astringente. Ainsi appliqués crus sur la poitrine, ils apaisent les ardeurs de la fièvre. Cependant on les fait cuire aussi en employant de l'eau de pluie à leur décoction, pour les différents usages dont nous venons de parler. Cuits ou crus, ils sont employés utilement en forme de cérat ou de cataplasme, pour les douleurs d'estomac. Le coton dont ce fruit est couvert guérit cette espèce d'abcès malin appelé charbon ou anthrax. Les coings cuits dans du vin et réduits en liniment avec de la cire font recroître les cheveux à ceux qui sont devenus chauves. Ces fruits confits crus dans du miel ont une vertu laxative et purgative. D'ailleurs, étant ainsi mêlés avec le miel, ils le rendent beaucoup plus délicieux et plus salutaire à l'estomac. Ceux que l'on a fait cuire en les confisant dans le miel sont employés comme un très bon stomachique par quelques médecins, qui en font manger aux malades après les avoir broyés avec des feuilles de rose cuites. Le suc de coings crus remédie aux enflures de la rate, à l'asthme, à l'hydropisie, et employé extérieurement, il dissipe les tumeurs ou inflammations des mamelles, les excroissances calleuses de l'anus et les varices. »

Pline, Histoire naturelle, XXIII, traduction de Poinsinet de Sivry, 1776.

Le mois prochain : la postérité de Pline l'Ancien.

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