Une exposition retrace toute l’histoire des plantes
Le domaine départemental de La Roche Jagu, en Bretagne, propose une riche exposition évoquant l’histoire passionnante des hommes et des plantes qui les soignent. Sous la houlette de commissaires de haut vol, elle nous fait voyager de l’Antiquité jusqu’à nos jours. À ne pas manquer si vous passez du côté des Côtes-d’Armor avant le 27 septembre prochain.
L'art de la médecine consiste à distraire le malade pendant que la nature le guérit », écrivait Voltaire. Avec cette maxime qui fait mouche, on entre dans le monde « Des hommes et des plantes qui soignent » : « Avec cette exposition, nous voulons emmener nos visiteurs au-delà du simple exposé médicinal pour leur proposer une approche philosophique dans laquelle histoire et science ne sont pas étrangères l’une de l’autre», explique la commissaire générale de l’exposition, Solenne Le Dû.
C’est donc le lien entre l’humain et la nature qui sert de guide. Il invite à découvrir l’essentiel : comment les hommes ont identifié les plantes utilisées pour guérir, soulager ou prévenir les maux ? Quelles ont été leurs pratiques et leurs expérimentations à travers les âges et le monde? Pour répondre à ces questions, le château de la Roche Jagu où se déroule l’exposition a fait appel à trois personnalités de renom: le docteur en pharmacie Jacques Fleurentin, l’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi et l’homme de sciences Jean-Marie Pelt. Tous trois ont mis en commun leur savoir pour inspirer ce voyage emmené par une scénographie à la fois sonore, sensorielle et olfactive.
Ces fragrances médicinales
Il fut une époque où les fragrances justifiaient bon nombre de propriétés bénéfiques. « Toute la vertu des médicaments ne consiste que dans la communication d’un certain parfum », aimait à dire l’Abbé Rousseau, médecin de Louis XIV. D’ailleurs, dès l’Antiquité, les senteurs aromatiques mirent une grande « claque » aux maladies et aux épidémies. L’Eau Céleste est l’une d’elles. «Ce parfum thérapeutique élaboré par Jean...
Fargeon (parfumeur apothicaire du XVIIe siècle, ndlr) a été recréé pour l’exposition à partir des recettes retrouvées par l’historienne Annick Le Guérer», explique Solenne Le Dû. Ses ingrédients (cannelle, noix muscade, gingembre, écorce de citron, raisin de Damas, fleurs de basilic, menthe pouliot, roses, scabieuse...) se comptent par dizaines. Elle était réputée souveraine contre les «humeurs froides et catarrheuses». Et que dire encore du kyphi ! Ce parfum thérapeutique était utilisé chez les Grecs en pastilles à brûler pour honorer les dieux et soigner les maladies intestinales, hépatiques et pulmonaires. Il était également reconnu par les Anciens pour ses vertus décontractantes et antistressantes.
Ici où là, les bienfaits de la nature surgissent non seulement du passé, mais aussi d’ailleurs. D’Inde, par exemple, avec les principes vieux de près de quatre millénaires de la médecine traditionnelle de l’ayurvéda. Mais aussi de Mésopotamie ou de Chine, sans oublier la Perse, où le Canon de la médecine d’Avicenne (ou Ibn Sinâ) donne une liste alphabétique de 760 simples au début du XIe siècle. « Le Canon restera d’ailleurs la base de l’enseignement médical en Europe jusqu’au XVIIe siècle », rappelle Solenne Le Dû.
La sorcière, médecin du peuple
Très didactique, cette exposition n’en est pas moins ludique. Dans une pièce sombre, les visiteurs découvrent le monde des « sorcières », bien loin de celui du gentillet Harry Potter: « De guérisseuse à sorcière, le pas fut vite franchi au Moyen Âge. Les femmes seules, isolées, veuves et qui plus est pratiquant la médecine des plantes devinrent des boucs émissaires. » Et pourtant, elles ont apaisé bien des maux en prodiguant des soins, à la faveur d’une cueillette de plantes aux vertus thérapeutiques. « La sorcière fut l’unique médecin du peuple pendant 1 000 ans », écrit l’historien Jules Michelet au XIXe siècle.
Et aujourd’hui ? Les connaissances des guérisseurs ou tradipraticiens sont étudiées par les ethnopharmacologues, ces derniers témoignant des menaces qui pèsent sur elles. C’est aussi l’intérêt de cette exposition très complète : nous sensibiliser à l’urgence de préserver les ressources végétales pour leur potentiel intrinsèque et... pour les histoires qu’elles véhiculent.
En pratique
Exposition jusqu’au 27 septembre. Ouverture en juillet et août de 10 à 13 heures et de 14 à 19 heures ; en septembre de 10 à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Plein tarif : 5 €. Tarif réduit : 3 €. Tarif famille : 12 € (2 adultes et 2 enfants). Gratuit pour les enfants de 0 à 6 ans.
Infos : www.larochejagu.fr L’exposition est l’occasion d’ateliers et de conférences. Par exemple, les 16 et 17 juillet, projection-débat avec Bernard Fontanille, réalisateur du documentaire « Médecines d’ailleurs ». À lire : « Des hommes et des plantes qui soignent », Éd. Ouest-France.
Prolongation dans les jardins
Pendant la durée de l’exposition, le jardin paysager du château de la Roche Jagu, qui dispose aussi d’un parc de 74 ha, s’est mis à l’heure des plantes médicinales. Outre les jardins clos (présentant quelque 138 simples), les visiteurs sont invités à prolonger leur promenade dans le jardin dédié au vinaigre des quatre voleurs. Dans cet espace paysager, on leur donnera autant à voir qu’à sentir, grâce à des masques et des odeurs étonnantes : épices, cannelle, clou de girofle, noix de muscade... On leur contera aussi l’histoire de ces brigands dont on raconte qu’ils se protégeaient par une concoction à base de vinaigre pour détrousser les cadavres lors de la Grande Peste.