Guérisseurs de Bali, la médecine des loloh
Des plantes médicinales, les Balinais font une utilisation principalement sous forme liquide. Cette tradition ancienne du soin par les loloh se perpétue dans cette petite île indonésienne malgré l’exode rural, le développement du tourisme et l’arrivée des médicaments de synthèse.
À l’instar de sa grande sœur l’île de Java, Bali a su préserver sa médecine par les plantes (Jamu). Dans les régions rurales comme Penglipuran et Bayung Gede, où demeurent de grandes portions de forêt tropicale, les habitants savent mettre à profit la Flora malesiana, un des plus grands réservoirs de biodiversité au monde. Les médicaments de synthèse n’ont pas réussi à détrôner les plantes, qui sont la pierre angulaire du traitement de la plupart des pathologies, sous une forme très particulière appelée localement loloh.
Concrètement, le mot balinais recouvre des boissons thérapeutiques à base de plantes. Cette connaissance, qui va des méthodes de cueillette à leurs applications thérapeutiques, a été transmise de génération en génération par les Balian, ou guérisseurs traditionnels. Dans les campagnes, où les loloh demeurent une alternative aux médicaments allopathiques facilement accessible et peu coûteuse, y compris pour les jeunes générations, ce sont souvent les femmes qui en assurent la préparation. Une étude récente a permis d’identifier cinquante et une espèces de...
plantes différentes utilisées, que ce soit en décoction, en infusion ou en jus frais obtenu par pilonnage des plantes, puis filtré par la suite grâce à un tissu.
Infections et malaria ciblées
Les plantes entrant dans la composition du loloh sont généralement utilisées fraîches, la croyance voulant que le séchage au soleil abîme les « bons ingrédients ». La plupart des préparations sont obtenues à partir d’une seule plante, plus rarement de deux. Pour accentuer l’efficacité thérapeutique du loloh ou en couvrir l’amertume, du Les Balinais utilisent près de 500 espèces de plantes différentes pour lutter contre les maux du quotidien. L’initiation au loloh est parfois ouverte aux touristes. sel ou du sucre sont souvent ajoutés. Le sucre est issu de la sève bouillie des fleurs de deux palmiers présents sur l’île : l’Arenga pinnata (pour le sucre gula jawa) ou le Cocos nucifera (pour le sucre de coco gula melaka). Si rhizomes, fruits, écorces, fleurs ou graines entrent dans la composition des loloh, les feuilles sont le plus souvent utilisées, car s’y concentrent, d’après les Balinais, la plus grande valeur médicinale, ce qu’évoquent d’ailleurs des textes médicinaux anciens comme le Taru Pramana.
Parmi les loloh les plus courants, on trouve la décoction de feuille de cannelier d’Indonésie (Cinnamomum burmannii) qui stimule l’appétit, limite brûlures d’estomac, hypertension et lutte contre la fièvre. Ce sont sans surprise les plantes luttant contre les infections et la malaria qu’on retrouve le plus souvent dans les loloh, à l’instar du sambong (Blumea balsamifera), de l’alstonia des écoliers (Alstonia scholaris) ou de plantes ayurvédiques aujourd’hui connues sous nos latitudes, comme l’andrographe ou la Centella asiatica.
L’andrographe contre la grippe
Aussi appelée chirette verte (Andrographis paniculata), cette herbacée est utilisée par les Balinais en décoction contre la fièvre, l’hypertension, la malaria ou le diabète. En Inde, elle est également utilisée pour combattre les infections respiratoires ou juguler la fièvre. Son utilisation régulière expliquerait même pourquoi la population indienne fut relativement épargnée dans les années 1920 par la grippe espagnole, qui décimait au même moment des millions de personnes en Occident. L’OMS confirme les propriétés antibactériennes de l’andrographe et son effet tant préventif que curatif sur les rhumes, bronchites, sinusites, pharyngites ou infections urinaires. In vitro, elle a même montré une capacité d’inhibition du virus VIH-1.