Quand le chaulmoogra soignait la lèpre
Nouvelle star de la cosmétique bio, l’huile de chaulmoogra est une incontournable de la médecine ayurvédique pour pallier de nombreux problèmes de peau. Elle a même longtemps été considérée comme le seul espoir pour les malades de la lèpre.
Le chaulmoogra, c’est le nom un peu étrange d’une huile végétale qui occupe depuis des siècles une place de choix dans les médecines chinoises et ayurvédiques. On l’obtient à partir d’arbres du genre Hydnocarpus, originaires d’Asie. Cette huile fut utilisée comme un remède naturel contre une des plus graves maladies touchan la sphère cutanée, la lèpre. Tout commence avec une légende hindoue. Le prince Rama contracta la maladie et s’isola dans la jungle où il vécut dans le tronc creux d’un arbre appelé kalaw. On raconte qu’il se nourrit de son fruit et guérit. Il soigna également une jeune fille nommée Piya qui devint son épouse et lui donna de nombreux enfants. Rama fonda une ville nouvelle, Kalawagara. L’arbre salvateur aurait été, selon la légende, à l’origine du genre végétal Hydnocarpus dont les gros fruits ronds et marron donnent le chaulmoogra.
Dans la tradition ayurvédique, on utilise cette huile depuis 2000 ans pour soigner la lèpre. Cette maladie, vieille comme le monde...
, connaît son apogée au Moyen Âge, au XIIIe siècle, période après laquelle elle va petit à petit régresser. En règle générale, les malades étaient exclus de la société, enfermés dans des léproseries. Tandis que l’on expérimentait divers remèdes végétaux, les Hébreux recommandaient l’hysope et l’huile de cèdre, Dioscoride préconisait l’application de feuilles d’orme, et en France, on peut mentionner I’œuvre charitable de Saint-Blaise qui utilisait diverses plantes médicinales.
De tous les traitements naturels, l’huile de chaulmoogra va s’imposer. Différentes espèces d’arbres appartenant au genre Hydnocarpus font l’objet d’immenses plantations en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Au début du XXe siècle, le chaulmoogra est introduit à Hawaï où il fait l’objet de recherches très pointues. La chimiste américaine Alice Ball extrait les matières actives de l’huile végétale et met au point l’injection sous-cutanée de chaulmoogra. Sa méthode constitue le premier traitement mondialement reconnu contre la lèpre. Mais l’innovation médicale ne résistera pas à l’arrivée des antibiotiques, même si ces derniers n’ont pas constitué les remèdes miracles escomptés. La lèpre sévit toujours dans plusieurs régions du monde où l’on se tourne à nouveau vers des remèdes naturels. Quant à l’huile « surdouée » de chaulmoogra, elle a vu son emploi s’orienter vers les soins d’affections cutanées, notamment des peaux atopiques, mais aussi les tâches de pigmentation et la cellulite.
Injections de chaulmoogra
Dans les années 1910, la chimiste américaine Alice Ball extrait les matières actives de l’huile de chaulmoogra. La jeune femme, premier citoyen afro-americain diplômé de l’université d’Hawai, isole les acides chaulmoogriques et hydnocarpiques et crée une forme soluble dans l’eau facilement injectable sous la peau. Cette méthode constitue une réelle avancée : elle est beaucoup moins douloureuse que l’injection d’huile brute de chaulmoogra, mais surtout, elle permet de traiter les lésions en profondeur. Bien que le procédé mis au point par Alice Ball ne promettait pas la guérison totale, il a amélioré l’état de nombreux malades considères comme incurables. Ces injections seront d’ailleurs utilisées un peu partout dans le monde jusque dans les années 1940.